Il est toujours difficile de faire du théâtre avec de bons sentiments, on le sait. Il est toujours difficile de faire la part entre la pédagogie et le théâtre dès que l'on désire faire connaître les voix du réel. Guy-Pierre Couleau se tire avec élégance de cette difficulté : c'est bien du théâtre qu'il nous propose avec « Résister », montage de textes émanant d'hommes et de femmes qui s'engagèrent dans la Résistance. Les très connus et les plus méconnus s'y partagent la même pensée. Un « esprit », dit Couleau, qui prévient : il ne s'agit pas pour lui de faire uvre d'historien, mais bien plutôt de tenter de cerner cet esprit, de s'en tenir aux « impressions ». Ce faisant, il témoigne et il fait tout de même, et notamment pour les jeunes générations, uvre d'une certaine histoire.
On ne fera qu'un reproche, léger, au concepteur-metteur en scène : il y aurait un moyen très simple de situer ces paroles (par exemple une projection indiquant l'auteur et la date, sinon les circonstances...). S'il les lie, Couleau ne nous donne pas les moyens de reconnaître les scripteurs ni les situations dans lesquelles ces paroles ont été prononcées, ces phrases écrites et l'on est un peu frustré. On a le même problème avec les « florilèges » poétiques : Terzieff l'a résolu en disant le nom de l'auteur, à chaque fois.
Reste que Guy-Pierre Couleau, metteur en scène que l'on apprécie énormément (on n'oublie pas, notamment son « Baladin du monde occidental »), signe un beau moment, très soigné et touchant, mais surtout très tenu, sans emphase pathétique. Il donne dans le document remis aux spectateurs la liste des hommes et des femmes, et dans l'ordre de leur « apparition » de Raymond Kojitsky et Annie Kriegel à Jean Cassou ou Michel Manouchian en passant par Jean Moulin et René Char - ce dernier, évidemment, on le reconnaît plus facilement ! Mais on ne peut pas lire pendant le spectacle...
Un plateau, un parquet de bal est posé sur la scène et les spectateurs sont en position bi-frontale, enserrant les trois protagonistes, Anne Le Guernec, Nils Öhlund, Antoine Régent. Trois jeunes gens qui pourraient être la jeunesse d'il y a soixante ans, mais qui sont aussi du jour, de l'éternité de la révolte et du courage. Couleau réussit à donner cohérence et diversité à la représentation. Ces êtres nous parlent de sentiments instinctifs mêlés de réflexions. Tout se mélange. Difficile de faire la part des choses. Ces témoins le disent modestement : nous n'aurions pas pu faire autrement... Alors la peur, la compassion pour les victimes, le sens du refus, le courage, l'exaltation, la haine de la guerre, l'engagement politique, le raisonnement, l'espérance comme le découragement, tout ce qu'ils avouent, nous touche.
Les trois acteurs ont en partage une élégance discrète, une sensibilité communicative. Ils s'entendent, justement accordés par leur metteur en scène dans les lumières de Laurent Schneegans et un travail sur le son très subtil de Mehdi Ahoudig.
Théâtre de Paris-Villette, tous les soirs à 21 heures, relâches les lundi et dimanche. Durée : 1 h 40 sans entracte. Jusqu'au 28 juin (01.42.02.02.68). Représentation supplémentaire dans le cadre du festival « Solstice » au théâtre Firmin-Gémier d'Antony, le 29 juin à 18 h 30. A noter également les 20 et 21 juin à 19 heures, au Paris-Villette, « 19 Histoires » présentation d'un film d'Eric Warr sur les habitants du 19e. A noter également, dans la petite salle « le Bonheur d'être rouge » de Frédérique Matonti et Benoît Lambert avec Cécile Gérard.
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