Livres
« La Musique et la Nuit » (1) est le titre d’une des onze nouvelles et celui du livre de Lawrence Block, tout entier dédié au personnage de privé créé au début des années 1970 puis mis en scène dans une vingtaine de romans, lauréats des plus belles récompenses internationales du roman policier. Lorsqu’on découvre Matt Scudder, il est flic à New York, mais il démissionne après avoir accidentellement tué une fillette et devient détective privé ; c’est un homme blessé, divorcé et tenu éloigné de ses deux fils, qui se réfugie dans l’alcool ; très vite, cependant, il adhère aux Alcooliques anonymes, il continue de traquer le crime et refait sa vie avec une ancienne prostituée qui dirige une galerie d’art. Publiées au fil des années, ces nouvelles sont le portrait d’un homme mais aussi celui d’une ville fascinante que l’on voit changer insensiblement.
Incongru dans cette sélection, puisqu’il s’agit de la première publication en France de Gerald Seymour (ancien reporter, il est âgé de 74 ans, édité depuis 40 ans et considéré dans les pays anglo-saxons comme le seul équivalent à John le Carré), « Dans son ombre » (2) se situe entre le roman d’espionnage et le polar mais est avant tout un livre où le suspense le dispute à la psychologie. L’intrigue repose sur la traque obsessionnelle d’un richissime homme d’affaires et grand mafieux londonien qui se fait appeler Mister, libéré à la suite de la défection suspecte d’un témoin clé, par un jeune archiviste des douanes britanniques. Le drame se noue en Bosnie, où Mister se déplace avec son aréopage d’avocats et d’hommes de main pour conclure une opération de trafic d’armes à grande échelle. Dans le pays éprouvé par la guerre, dans le froid et la boue qui masque les mines antipersonnelles, le Poucet idéaliste et combattif s’attache aux basques de l’Ogre qui est sûr de le croquer, tandis que la mafia locale tire ses propres ficelles.
Dans le froid
Avec le trio de Département V, la série best-seller du Danois Jussi Adler-Olsen, récompensée par les prix scandinaves les plus prestigieux, on retrouve nos repères : le commissaire Carl Morck, qui dirige cette section spéciale consacrée aux affaires non élucidées avec autant de flegme que de flemme et néanmoins de réussite ; Assad, réfugié politique d’origine syrienne au passé mystérieux, aussi perspicace qu’expert du maniement de l’arme blanche ; et Rose, femme fatale quelque peu déjantée et allergique à l’autorité. La cinquième enquête du Département V, « l’Effet papillon » (3), déroule une intrigue complexe sur un rythme assez lent autour d’un garçon de 15 ans, un voleur gitan qui tombe sur un cadavre putréfié. De l’adolescent pickpocket aux plus hautes instances financières et politiques du Danemark, il n’y a qu’un bruissement d’ailes et l’imagination sans faille de l’auteur.
On reste dans le froid avec un nouveau volet, le cinquième également, des aventures de Nathan Active, un policier issu de la communauté inupiat du Nord de l’Alaska, qui s’ennuie dans sa petite ville de Chuchki. Si Stan Jones, l’auteur de « l’Homme qui tue des gens » (4), réside aujourd’hui à Anchorage, il a vécu de nombreuses années dans une ville qui ressemble comme deux gouttes d’eau au bourg fictif de Chuchki : on s’immerge donc aisément dans cet univers de neige et de glace qui prend vie avec la mort de deux employés de la mine Gray Wolf récemment ouverte ; lesquels, si l’on en croit une vieille clocharde, ont été victimes de l’innukaknaaluk, « l’homme qui tue les gens » en esquimau.
L’exotisme, pour Ian Manook – qui est né à Meudon en 1949 mais a sacrifié à l’itinérance et au vagabondage dans beaucoup de domaines, dont celui du voyage –, vient des steppes enneigées de l’Asie centrale. Le succès de « Yeruldelgger », il y a deux ans, a été tel que le nom du commissaire – un homme dévasté par la mort de sa fille et la folie de sa femme – est devenu l’intitulé d’une série au long cours. Le deuxième opus, « les Temps sauvages » (5), a pour point de départ l’enquête que mènent Yeruldelgger et sa collège Oyun sur l’assassinat d’une prostituée et la disparition de son fils et nous ramène au fin fond de la Mongolie, mais pas seulement, puisque trafics d’humains et manipulations politiques nous conduisent de la Sibérie en Europe et précisément au Havre.
Le polar n’est décidément pas l’ennemi de l’âge. Andrea Camilleri publie à 90 ans, et dans la foulée d’une soixantaine d’ouvrages, une nouvelle aventure de « son » commissaire Montalbano. Alors qu’il apprend la disparition d’une jeune fille de 18 ans et juste après avoir dû maîtriser deux fanatiques, un frère et une sœur septuagénaires qui vivaient au milieu de crucifix et de poupées gonflables, il relève le défi d’étranges lettres anonymes. « La Chasse au trésor » (6) peut alors commencer.
L’horreur, le fantastique, la fantasy, la science-fiction sont des domaines où Stephen King, qui a écrit plus de 50 romans et plus de 200 nouvelles, règne en maître. Féru aussi du genre policier, il y revient avec « M. Mercedes » (7), le premier tome d’une trilogie centrée sur le personnage de Bill Hodges, policier à la retraite. Le récit débute dans le Midwest en 2009, lorsque, durant un salon de l’emploi, une Mercedes fonce dans la foule où se pressent des centaines de chômeurs, laissant huit morts et quinze blessés. Un an plus tard, l’ex-flic est contacté par le tueur qui lui annonce son envie de recommencer. Débute alors un redoutable jeu du chat et de la souris.
(1) Calmann-Lévy, 257 p., 19,90 euros.
(2) Sonatine, 582 p., 23 euros.
(3) Albin Michel, 646 p., 22,90 euros.
(4) Le Masque, 223 p., 19 euros.
(5) Albin Michel, 523 p., 22 euros.
(6) Fleuve Noir, 295 p., 20 euros.
(7) Albin Michel, 475 p., 23,50 euros.
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