SUJET POLÉMIQUE s'il en est depuis des années, la PDS va, si le projet de loi Bachelot dit « Hôpital, patients, santé et territoires » est voté dans sa formulation actuelle, voir son fonctionnement profondément modifié.
La loi prévoit en effet de confier conjointement au directeur général de la future agence régionale de santé (ARS) et au préfet la mise en place de la permanence des soins. Cette administration régionale devra être inscrite dans le volet ambulatoire du schéma régional d'organisation des soins (SROS ambulatoire). De plus, il pourra être prévu des modes de financement alternatifs au paiement à l'acte. Enfin, les amendes encourues par les médecins qui refuseraient de déférer à une réquisition seront doublées, passant de 3 750 à 7 500 euros.
Les pistes du rapport Grall.
Voilà qui remet en cause, pour le meilleur ou pour le pire, le fragile édifice de la PDS lentement mis en place depuis les grandes grèves de la fin de l'année 2002. De plus, l'Ordre des médecins, qui n'est pas présent, selon la version actuelle du projet de loi, dans l'organigramme des futures ARS, perdrait là une de ses dernières prérogatives, à laquelle il tient par-dessus tout.
La nouvelle architecture de la PDS que pourrait dessiner la future loi Bachelot s'inspire de très près du rapport que le Dr Jean-Yves Grall lui avait remis en septembre 2007. Il y préconisait déjà un pilotage du dispositif par les ARS, et la disparition des actuels secteurs de garde découpés au niveau départemental, au profit de points fixes de garde au niveau régional. De la même manière, Jean-Yves Grall préconisait la fin du paiement à l'acte au profit de rémunérations forfaitaires. À l'époque de sa publication, le rapport avait été plutôt bien accueilli par les syndicats libéraux, à l'exception notable de la CSMF qui avait dénoncé l'étatisation rampante de la PDS contenue en germe dans le rapport.
Forfaits à 3 « C » de l'heure.
Un an après la parution du rapport Grall, et à l'aube de la discussion de la loi Bachelot par les parlementaires, les dispositions qu'elle contient font apparaître les mêmes clivages syndicaux.
A la FMF versant généraliste, le Dr Jean-Paul Hamon voit plutôt d'un bon oeil cette possible future organisation de la PDS. Confier le pilotage aux ARS ? «Ça ne me dérange pas, indique-t-il au « Quotidien », pourvu que celles-ci disposent de moyens financiers suffisants pour convenablement rémunérer les médecins volontaires.» Quant à la possible disparition du paiement à l'acte au profit de financements alternatifs, Jean-Paul Hamon n'en fait pas toute une histoire : «Si on nous propose des forfaits sur la base de 3“C” de l'heure défiscalisés, ça peut marcher.» Paradoxalement, le point qui fâche Jean-Paul Hamon est celui de l'absence de l'Ordre des instances des ARS : «Je ne vois pas pourquoi il est écarté. Depuis plusieurs années, il soutient plutôt bien les médecins en matière de PDS, et il faisait le tampon entre les médecins et le préfet ou la DDASS. Ce projet de le mettre sur la touche n'est pas sécurisant pour nous.» À MG-France, le ton est globalement identique, même si l'adhésion au projet de loi est plus argumentée. Pour le Dr Martial Olivier-Koehret, «le projet de loi Bachelot en matière de PDS prend acte des évolutions de ce dossier complexe. On va enfin arriver, notamment grâce à son intégration au SROS, à un système dans lequel tant la PDS que l'AMU seront visibles et organisées». Le président du syndicat se félicite également que, par le biais des ARS, les médecins engagés dans la PDS n'aient plus qu'un interlocuteur unique en région, alors qu'ils étaient jusqu'à présent multiples, entre le préfet, la DDASS ou les URCAM. Quant à la possibilité de rémunérer forfaitairement la PDS, le président de MG-France assure qu'il s'agit là d'un «mode de rémunération moderne». En fait, le point qui semble inquiéter MG-France n'est pas de savoir si cette future organisation est la bonne. Martial Olivier-Koehret en est déjà certain, mais il faut «s'assurer que les moyens financiers adéquats seront déployés. On est ouvert à toute négociation si les moyens sont là». Petit bémol dans cette partition bien harmonique, la proposition de doubler l'amende en cas de refus de déférer à une réquisition. Pour le patron de MG-France, «c'est un chiffon rouge qui trouble la dynamique de ce texte, il n'y a pas sa place». Dans le cadre de la concertation qui s'est mise en place autour du projet de loi, Martial Olivier-Koehret indique d'ailleurs que son mouvement a officiellement demandé «que cet élément ne figure pas dans le projet de loi». Même s'il s'en défend, Martial Olivier-Koehret se sent manifestement conforté par ce texte qui reprend peu ou prou toutes les orientations de son mouvement en matière de PDS.
L'UNOF fait entendre sa différence.
Chez les généralistes de la CSMF, regroupés au sein de l'UNOF, en revanche, le ton est résolument différent. Pour le Dr Michel Combier, la vraie crainte est «qu'avec ce texte de loi on va avoir une organisation locale de la PDS décalée par rapport à l'organisation nationale».
Il craint de plus que les médecins volontaires ne soient «placés sous la coupe d'un fonctionnaire en mesure de décider de tout», et qui pourrait aller à l'encontre «de ce qui marche déjà». Le patron de l'UNOF n'est pas frontalement opposé aux expérimentations en matière de modes de paiement alternatifs, mais à condition que «le médecin s'y retrouve financièrement». Michel Combier est disposé à juger sur pièces le dispositif qui se dessine, mais il prévient : «Si une seule personne décide de l'organisation, du nombre de tours de garde et de la rémunération, les dés seront pipés dès le départ, et ça n'incitera pas les médecins à venir s'installer dans certaines zones.»
Et l'Ordre dans tout ça ? Au Conseil national, si on juge a priori pertinent le projet de confier l'organisation de la PDS aux ARS, le Dr André Deseur, président de la commission Gardes et urgences, avertit : «Si l'Ordre fait partie de l'exécutif des ARS, ce projet serait cohérent. Mais si nous n'y sommes pas représentés, nous avons les plus grandes craintes sur l'avenir de la PDS.» L'Ordre est évidemment en contact avec le ministère de la Santé pour tenter de parvenir à ses fins, mais André Deseur note qu'Annie Podeur, directrice de la DHOS (Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins) a récemment affirmé que «les Ordres ont vocation à être des interlocuteurs des ARS». Pour André Deseur, les conseils départementaux et régionaux de l'Ordre des médecins «ne joueront pas le jeu sur ces bases-là».
Quant au paiement au forfait, André Deseur n'y est «pas hostile, bien au contraire. Dans les zones où il y a peu d'activité, il faut bien payer le médecin. Reste à négocier des niveaux de rémunération attractifs, sinon, les médecins n'iront pas».
Demeure la question du volontariat, sur laquelle les médecins libéraux restent très chatouilleux. Dans son discours de Bletterans, dans le Jura, le président de la République avait estimé que participer à la permanence des soins faisait partie des obligations des médecins. Rien de tel ne figure pour le moment dans le projet de loi. Nul doute cependant que les libéraux surveilleront de très près les dépôts d'amendements de dernière minute.
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