UN TEMPS ENVISAGÉ pour pallier la pénurie de praticiens, le recrutement de médecins espagnols par la direction de l'Hospitalisation et de l'Organisation des soins (Dhos) du ministère de la Santé et les quatre fédérations hospitalières (FHF, FHP, Fehap, Cnlc) n'est pas une franche réussite. A ce jour, seulement « un généraliste, une cardiologue pour le secteur public et un gynécologue pour le privé » ont passé la frontière. Quelque 600 postes étaient proposés par les établissements de santé français sur les 3 000 à 4 000 estimés vacants, rappelle le centre d'information de Dourdan dans son bilan national réalisé en décembre. Édouard Couty, patron de la Dhos, annonçait pourtant en février 2003 la volonté du ministère de la Santé d'élargir le dispositif de recrutement des médecins à l'étranger. Des contacts ont été pris avec l'Office des migrations internationales (OMI) de Madrid - disparu depuis le 1er janvier - et l'Inem (équivalent espagnol de l'Anpe) a enregistré une soixantaine de réponses positives de médecins présentant un niveau correct en français. « Les candidatures sont peu nombreuses en dépit du fait qu'une centaine d'offres fermes ont été présentées par les établissements français », conclut le le centre d'information dans son bilan.
Le succès du privé.
Les initiatives menées par l'Institut européen de la santé de Lavaur (Tarn) sont davantage couronnées de succès. Depuis décembre 2002, son directeur, le Dr André Talazac, indique avoir installé une centaine de médecins. « Des cliniques et des hôpitaux font appel à nous de toute la France. Des spécialistes comme les anesthésistes, gynécologues-obstétriciens, ophtalmologistes, psychiatres, sont particulièrement recherchés. » Mais, dans 70 % des cas, les médecins recrutés par l'IES sont généralistes. Lesquels répondent à l'appel de mairies, souvent désespérées de ne pas trouver de remplaçants à un médecin retraité ou parti vers d'autres cieux.
Le filon espagnol ne devrait pas se tarir avant quelques années, estime le Dr Talazac: « L'Espagne est le seul pays de la communauté européenne qui n'a pas de numerus clausus et 3 000 médecins espagnols sont au chômage. » Pour être compétitive, l'IES a mis en place une cellule de recrutement à Madrid. A plusieurs reprises, elle rencontre les candidats pour leur expliquer l'organisation du système de soins français et s'assurer de leur motivation. « Des cours de français sont proposés à raison de cinq heures par jour, cinq jours par semaine pendant trois mois », précise André Talazac. En dernier lieu, le Conseil de l'Ordre reçoit les médecins et accepte leur candidature si leur connaissance de la langue française est suffisante. Le recrutement de médecins espagnols serait-il devenu une affaire d'agences privées ? Le Dr Henri-Jacques Bussière, directeur de la société de conseil et de formation spécialisée Merlane Santé à Toulouse, avait un temps envisagé de suivre la piste espagnole. Il a abandonné. « La langue, la mentalité, la façon de travailler, l'acceptation du médecin par les patients » sont autant de barrières qui empêchent, selon lui, la réussite de l'entreprise. Mais plus que tout, c'est la lourdeur administrative qui décourage bon nombre de candidats. « Les médecins espagnols doivent, entre autres formalités, fournir un certificat de naissance, alors qu'il n'en existe pas dans leur pays », s'amuse le Dr Talazac. Avant de s'installer il y a un an dans le sud de la France, un généraliste espagnol avoue avoir songé à jeter l'éponge. La mairie qui souhaitait sa venue l'a alors soutenu : elle lui a trouvé un logement et a facilité la reprise du cabinet de son prédécésseur. Comment expliquer le peu d'intérêt des spécialistes espagnols pour la médecine à la française ? « Certains hôpitaux ne font pas assez d'efforts pour faciliter l'accueil et le logement des candidats », estime André Talazac.
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