Le k’hawah, revigorant
Il semble cependant plus probable que le café ait été découvert sur les hauts plateaux d’Abyssinie, nom d’alors de l’actuelle Ethiopie, dans la province de Kaffa. Le déclencheur aurait été un incendie de forêt qui répandit une odeur délicieuse et qui poussa les témoins à récupérer les grains brûlés et à les écraser afin d’en tirer un breuvage après filtrage. A partir du VIIIe siècle, la culture du café se répandit peu à peu dans la péninsule arabique grâce à la découverte de certaines vertus médicinales. Au XIe siècle, l’illustre médecin arabe Avicenne fait d’ailleurs l’éloge de ses qualités thérapeutiques : remède contre la toux, propriétés laxatives... Mais il y a fort à parier que sa popularité dans la région fut en partie liée à l’interdiction faite aux musulmans de consommer de l’alcool.Alors appelé k’hawah, qui signifie revigorant, il semble que le café ne se soit véritablement répandu qu’aux alentours du XVe siècle pour des raisons liées à une domestication tardive de la plante. Son essor commence au Yémen où il est consommé localement, mais également exporté depuis le port de Moka. Il apparaît alors dans de nombreuses régions comme la Perse, l’Egypte, l’Afrique du Nord et la Turquie, où la première brûlerie, Kiva Han, ouvre à Constantinople en 1475. Un peu plus d’un siècle plus tard, un médecin et botaniste allemand de retour d’Alep, Léonard Rauwolf, est le premier Occidental à décrire le breuvage : «Une boisson aussi noire que l’encre, utile contre de nombreux maux, en particulier les maux d’estomac. Ses consommateurs en prennent le matin, sans se dissimuler, dans une coupe en porcelaine qui passe de l’un à l’autre et où chacun prend une rasade sonore. Elle est composée d’eau et du fruit d’un arbuste appelé bounn.» (1)
Le café des Lumières
Ce n’est qu’au début du XVIIe siècle que le café arrive enfin en Europe. La première cargaison est à peine débarquée à Venise que l’on conseille déjà au pape Clément VIII de faire interdire ce breuvage qui ne peut être que l’oeuvre du Malin secondé dans sa funeste tâche par les infidèles. Le pontife n’en fera rien après avoir été lui-même conquis par cette boisson aux arômes exquis.
Vers 1650, le café commence à s’exporter largement vers des horizons de plus en plus lointains. Il est régulièrement consommé en Angleterre où des cafés s’ouvrent dans des villes comme Oxford et Londres et où de plus en plus de philosophes et de lettrés se pressent pour débattre d’idées nouvelles autour d’une tasse fumante. A Paris, le Procope ouvre ses portes en 1686 et l’Histoire voudra qu’il devienne plus tard l’un des plus hauts lieux de rassemblement des clubs révolutionnaires. A son propos, Michelet écrivit : «Le fort café de Saint-Domingue, bu par Buffon, par Diderot, par Rousseau, ajouta sa chaleur aux âmes chaleureuses, à la vue perçante des prophètes assemblés dans l’antre du Procope, qui virent au fond du noir breuvage le futur rayon de 89.» Au milieu du XVIIIe siècle, chaque ville d’Europe possède des cafés, et, en 1732, Jean-Sébastien Bach compose une ode au café : la « Cantate n° 211 », dite « Cantate du café » sur le texte du poète Picander.
Variétés, récolte et fabrication
A l’instar des vins, les saveurs proposées par les cafés dépendent de l’espèce, de la variété, de l’origine et de la qualité de préparation des grains. Les deux espèces les plus répandues représentent près de 98 % de la consommation mondiale. Il s’agit des arabicas, qui sont les plus appréciés pour leur qualité et leur finesse, et des robustas, qui sont plus puissants au niveau gustatif, plus riches en caféine, mais également plus résistants d’un point de vue botanique.
Le café peut se récolter et se traiter de deux façons distinctes. La première méthode consiste à racler les branches et à récolter les baies tombées à son pied (stripping). L’autre, plus coûteuse, mais garante d’une meilleure qualité, est le fruit d’une récolte manuelle des baies matures (picking). Une fois débarrassées de leur pulpe, les baies sont traitées selon la technique humide (lavage) pour les fruits bien mûrs ou sèche pour les autres. La dernière opération de préparation, permettant d’obtenir le café vert, consiste à décortiquer mécaniquement les grains. Trié et calibré, le café ainsi mis en sac sera ensuite échangé sur les marchés internationaux. Arrivés à destination, les grains sont torréfiés (étape dite du brûlage ou du grillage) pour développer leur arôme et leur donner leur couleur foncée.
Caféine et antioxydants, un cocktail miracle ?
Etudiés depuis très longtemps, les effets du café sur l’organisme et plus largement sur la santé se sont longtemps réduits à ceux induits par la substance la plus célèbre qu’il contient en quantité variable selon l’espèce, la variété et la forme finale du produit, la caféine. En effet, ce constituant psychoactif majeur du café – qui se retrouve également dans le thé, certains sodas et le cacao – a un effet notoire sur le système nerveux central. La consommation de 1 à 4 tasses de café par jour augmente le niveau de vigilance, facilite certaines fonctions cognitives, augmente la vitesse de réaction motrice, ainsi que l’acuité de la perception sensorielle. Mais attention ! Au-delà d’une prise modérée (plus de 600 mg), les effets de la caféine deviennent la plupart du temps néfastes et des troubles du sommeil et de l’humeur peuvent survenir.
Boisson chimiquement complexe, le café l’est tout autant pour ses effets sur notre organisme. Longtemps décrié pour ses conséquences supposées délétères sur le système cardio-vasculaire, il retrouve depuis une dizaine d’années une place de choix parmi les produits naturels qui ont un impact globalement positif sur la santé. Hormis la caféine, les interactions entre ses différents composés font l’objet de nombreuses études et pourraient d’ici peu révéler de bien bonnes surprises. C’est ainsi que les propriétés antioxydantes du café sont parmi les plus élevées de toutes les boissons. Elles sont l’oeuvre des polyphénols (acides chlorogénique, caféique et quinique) et des diterpènes (kahwéol et cafestol), qui ont la capacité de piéger les radicaux libres et ont un effet protecteur contre de nombreux processus pathologiques induisant, par exemple certains cancers, comme celui du foie ou de la bouche. L’Association scientifique internationale du café (Asic), qui regroupe de nombreux chercheurs de différents pays, travaillent d’ailleurs sur de nombreuses pistes qui pourraient impliquer positivement le café dans la lutte contre certaines maladies. La consommation quotidienne de café pourrait ainsi, par le biais de la caféine, retarder ou diminuer l’incidence de la maladie de Parkinson. C’est également le cas (à hauteur de 6 ou 7 tasses quotidiennes) pour le diabète de type 2. En ce qui concerne les effets du « noir breuvage » sur les troubles cardio-vasculaires, l’ensemble des études publiées jusqu’à maintenant présentent des résultats contradictoires qu’il convient d’affiner. En l’état actuel des connaissances, de nombreuses pistes porteuses d’espoir sont donc à l’étude et le café pourrait se révéler comme un allié de poids de notre bonne santé. Mais si la vision s’affine, beaucoup d’éléments restent encore à confirmer. A suivre.
1) Léonard Rauwolf, Reise in die Morgenlander.
21e colloque sur le café organisé par l’ASIC (Association scientifique internationale du café).
Les modes de préparation
On recense cinq modes de préparation (en dehors du café instantané soluble), qui varient en fonction des goûts et des cultures, et qui confèrent à la boisson obtenue des arômes et des propriétés distinctes.
– Le café filtre : méthode la plus répandue, elle consiste à faire passer lentement de l’eau bouillante dans un filtre rempli de café. Ce procédé est celui qui procure au café la plus haute teneur en caféine proportionnellement à son volume.
– La percolation : c’est le procédé adopté par les « cafetières italiennes » composées de deux compartiments séparés par une dose de café. La boisson s’obtient lorsque l’eau est poussée par la pression vers le haut à travers la dose de café.
– La percolation sous haute pression permet d’obtenir un café rapide ou « espresso » et est l’apanage de machines utilisées par les professionnels dans les débits de boissons.
– L’infusion se prépare à l’aide d’une cafetière à piston qui sépare le breuvage du marc.
– La décoction est la méthode la plus ancienne. Elle consiste à faire bouillir une mouture très fine diluée dans de l’eau sucrée. Ce mode de préparation est parfois appelé « café turc ».
Apnée du prématuré : les bienfaits de la caféine
L’apnée du prématuré survient chez au moins 85 % des enfants nés à moins de 34 semaines de gestation. Les conséquences à court terme d’une exposition précoce à la caféine ont fait récemment l’objet d’une étude internationale qui a comparé 1 006 prématurés traités par la caféine et 1 000 autres à qui l’on a administré un placebo. Les résultats ont montré que, aux doses utilisées (20 mg/kg au début, puis 5 mg/kg quotidiennement), l’effet bénéfique du traitement sur la dysplasie broncho-pulmonaire est manifeste et pourrait refléter les propriétés anti-inflammatoires de la caféine. A contrario, la toxicité éventuelle du produit n’a pas été relevée de manière significative et suggère donc que la thérapie par la caféine pour cette affection pourrait avoir un intérêt.
Les Français le préfèrent le matin
En France, le marché du café est considéré comme « fermé » car il touche aujourd’hui 94 % de la population, dont 85 % sont des consommateurs quotidiens. Avec
5,5 kg/an/habitant, c’est la boisson la plus prisée après l’eau. Les habitudes de consommation sont inversement proportionnelles au déroulement temporelle de la journée :
– 88 % des Français en boivent au petit déjeuner ;
– 74 % après le déjeuner ;
– 35 % dans l’après-midi ;
– 14 % après le dîner ;
– 8 % la nuit.
Consommation : les Finlandais, champions du monde
Avec plus de 6 millions de tonnes échangées chaque année, le café représente la deuxième production mondiale après le pétrole. Les plus gros producteurs sont dans l’ordre : le Brésil (1 600 000 t), la Colombie (800 000 t) puis l’Indonésie, le Mexique, la Côte d’Ivoire et le Kenya. Côté consommateurs, c’est aux Finlandais que revient la palme des plus gros buveurs de café, avec 13,8 kg/an/habitant, juste devant la Suède, avec 13,7 kg/an/habitant. Globalement, la consommation s’amenuise lorsque l’on descend vers le sud, bien que les Italiens et les Français soient particulièrement adeptes de ce breuvage. Il est à noter que si l’on s’en tient à la consommation de caféine par an et par habitant, les Anglais se situent à la même hauteur que les Scandinaves grâce à leur légendaire amour du thé qui contient une substance dénommée théine, mais qui n’est autre que de la caféine.
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