> Antiquités
CE NE SONT PAS des gravures ni des lithos, mais des images de soie. Plus résistante que le papier, cette technique a de plus l'avantage de mettre en valeur les contrastes entre blancs et noirs et de leur donner une brillance du meilleur kitsch. Le temps faisant son œuvre de valorisation, les revoilà cent ans plus tard, vedettes d'une exposition aussi culturelle que didactique (1).
Les tableaux tissés sur ruban représentent bien l'utopie XIXe de marier l'art et l'industrie, pour le meilleur et pour le pire. Ils ne font preuve d'aucune créativité. Le but est de copier avec le maximum d'exactitude les images les plus conformistes popularisées par la gravure et la litho. Pleines de bons sentiments, elles mêlent l'idéal laïc, la tradition catholique et le culte du héros national, le tout pimenté d'un zeste de sensualité. Des sujets comme l'orage, l'averse, le naufrage de Paul et Virginie, sont autant de prétextes à des effets de draperies mouillées ou déchirées sur des corps pulpeux d'innocentes adolescentes.
L'intérêt de telles images n'est pas artistique, mais technique. Le musée conserve quelques-uns de ces imposants métiers de bois du XIXe siècle, équipés de la mécanique Jacquard à cartes perforées sans laquelle la production en série de tels objets n'aurait pas été possible. Le musée bénéficie aussi de la collaboration bénévole d'anciens passementiers à la retraite ayant travaillé sur ces métiers et qui montrent « comment ça marche ».
Les différentes phases ainsi illustrées montrent la complexité de l'opération. La première est celle du « lisage » qui consiste à analyser le dessin à reproduire avant de procéder à la mise en carte. Celle-ci se fait sur le métier à « piquage », une grosse machine actionnée par deux ouvriers qui sert à percer les cartons aux endroits appropriés. La phase la plus spectaculaire est celle du tissage sur un métier qui produit six images à la fois, grâce à deux navettes automatiques aujourd'hui électrifiées, mais dont les ouvriers savent encore actionner la lourde barre de bois qui servait jadis à les mouvoir.
Ultime étape : l'informatique, qui permet aujourd'hui de perpétuer l'antique tradition rubanière et de l'adapter à la création contemporaine. Une autre histoire, qui reste à tisser.
Aux enchères aussi.
Les images sur ruban de soie se trouvent aussi sur le marché de l'art, et même de la brocante. Leur prix reste accessible. On en trouvera une trentaine, provenant de la maison Neyret Frères, de Saint-Etienne, et de diverses fabriques de Lyon, dans une prochaine vente de tissus anciens.
Les estimations vont de 40 à 150 euros selon intérêt et dimensions. La plus chère, annoncée entre 500 et 1 000 euros, est une grande pièce de 107 x 79 cm, primée à l'Exposition des produits de l'industrie de 1844 représentant la visite du duc d'Aumale à la manufacture Carquillat de Lyon.
(1) Images de soie, de Jacquard à l'ordinateur. Jusqu'au 18 octobre. Ouvert chaque jour, sauf le mardi, 10 h-18 h. Musée d'Art et d'Industrie. Entrée : 4,50 euros. Renseignements : 04.77.49.73.00.
(2) Vendredi 14 mai, 11 h et 14 h, hôtel Drouot, salle 10, SVV Coutau-Bégarie.
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