Les sondes urinaires à demeure sont souvent bouchées par des concrétions du fait d'une infection par Proteus mirabilis ou par une autre bactérie productrice d'uréase ( Providencia ou Morganella). Ces organismes, en effet, colonisent les surfaces de la sonde, forment des biofilms entourés d'une matrice de polysaccharides ; l'uréase induit la formation d'ammoniac et élève le pH des urines et du biofilm ; il se forme des cristaux de phosphate d'ammonium et de calcium qui, captés par la matrice, peuvent boucher la sonde.
En 1995, dans « Cell Materials », l'équipe de Bibby a suggéré que, pour maîtriser ces incrustations, le ballonnet de la sonde devrait être gonflé par une solution antimicrobienne. Par diffusion à travers la paroi du ballon, cette solution pourrait être retrouvée dans l'urine. In vitro, de faibles concentrations d'acide mandélique ont diffusé à travers le ballon.
Un modèle de vessie sondée
L'acide mandélique ayant peu d'effet contre P. mirabilis, une équipe galloise a choisi de tester le triclosan, qui est utilisé dans des savons, des brosses chirurgicales, des déodorants, des dentifrices et des bains de bouche. Des isolats de P. mirabilis provenant de sondes bouchées sont, en effet, très sensibles au triclosan.
Pour voir si le triclosan peut prévenir les incrustations à P. mirabilis, les Gallois ont utilisé un modèle de vessie sondée : une chambre vésicale en verre maintenue à 37° par un manteau d'eau chaude ; l'urine arrive grâce à une pompe et repart par une sonde à la base.
Dans une première partie (répétée quatre fois), les ballons de sondes tests ont été remplis avec 10 mml de triclosan et ceux de sondes témoins avec de l'eau. L'urine des « vessies » a été infectée par P. mirabilis B2. Dans les sondes témoins, le pH est monté de 6,1 à 8 et il s'est formé un bouchon en vingt-quatre heures. Dans les sondes gonflées au triclosan, le pH est resté acide (6-7) pendant sept jours et il n'y a pas eu de bouchon.
Dans une seconde partie (répétée trois fois), les sondes étaient gonflées avec du triclosan, introduites dans les « vessies » stériles pendant vingt-quatre heures, puis dégonflées ; les ballons étaient rincés et regonflés à l'eau. Les vessies ont été infectées par P. mirabilis, de même que des vessies connectées à des sondes témoins. Les sondes ont été retirées, coupées en tranches de 1 cm qui ont été placées sur des cultures de P. mirabilis. A la section : presque pas d'incrustations dans les sondes « triclosan » ; sur les cultures, les tranches étaient entourées de larges zones d'inhibition.
« Ces résultats montrent que des concentrations antibactériennes de triclosan peuvent diffuser dans l'urine à travers la ligne de gonflage et le ballon. Le triclosan peut contrôler le pH urinaire, empêchant l'alcalinisation qui provoque l'incrustation. De plus, le triclosan se retrouve imprégné sur toute la longueur de la sonde ; il y reste pendant au moins sept jours sur ce modèle artificiel. »« Nos observations suggèrent une approche qui pourrait avoir des applications pratiques pour contrôler les incrustations de la sonde. » De plus, « la méthode pourrait être utilisée pour délivrer d'autres agents, comme des antibiotiques, par le ballon de rétention » ; ce qui pourrait éviter la sélection de germes digestifs résistants.
« The Lancet » du 26 avril 2003, pp. 1435-1436.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature