Une approche stratégique
Comme l'a rappelé E. Ferrari (hôpital Pasteur, Nice), l'embolie pulmonaire est une pathologie fréquente dont l'incidence annuelle, extrapolée à partir des données nord-américaines, serait de l'ordre de 100 000 cas en France. Environ 10 % de ces cas seraient des embolies pulmonaires foudroyantes entraînant une mort subite ou un décès par collapsus en quelques minutes.
Toujours y penser.
Mais l'infarctus pulmonaire resterait non diagnostiqué une fois sur trois. Plusieurs facteurs sont susceptibles d'expliquer ce défaut de diagnostic. Le premier est l'absence de test diagnostique binaire facile à mettre en œuvre. Le deuxième élément qui rend le diagnostic difficile est la dissémination de cette pathologie au sein de différentes spécialités : gynécologues et chirurgiens doivent, par exemple, savoir l'évoquer, tout comme les cardiologues ou les pneumologues. Enfin, un adage déclare que « quand on pense toujours à l'embolie pulmonaire, on n'y pense pas assez souvent »... En effet, 20 % des médecins déclarent ignorer l'incidence de cette pathologie et 50 % de ceux qui s'expriment donnent des chiffres trop bas. Les publications relatives à la maladie thromboemboliques sont peut-être trop rares ou insuffisamment connues du monde médical. Or la gravité de cette affection est très proche de celle de l'infarctus du myocarde et les situations cliniques les plus fréquentes sont mal diagnostiquées. En effet, lorsque les cliniciens déclarent que la probabilité d'embolie pulmonaire est élevée et qu'elle est évaluée à 80-100 %, le diagnostic est confirmé dans 90 % des cas ; inversement, lorsque cette probabilité est faible (évaluée à 0-19 %), le diagnostic final n'est retenu que dans moins de 10 % des cas. Mais la probabilité d'embolie pulmonaire n'est élevée que dans 10 % des cas environ, et elle n'est basse qu'une fois sur quatre. Six fois sur 10, en effet, la probabilité d'embolie pulmonaire est intermédiaire (chiffrée entre 20 et 79 %). Le diagnostic de maladie thromboembolique est alors retenu dans 30 % des cas. Ainsi, c'est dans les situations cliniques le plus habituellement rencontrées que l'attitude diagnostique du clinicien est la plus incertaine. Ces chiffres sont à rapprocher de la grande fréquence des formes asymptomatiques de l'embolie pulmonaire après thrombose veineuse profonde, comme K. M. Mosur et coll. (San Diego, Californie) le soulignaient dans le « Jama » dès 1994.
Une stratégie nécessaire.
Pour G. Simonneau (hôpital Antoine Béclère, Clamart), la difficulté diagnostique de l'embolie pulmonaire est accrue par la variabilité des circonstances possibles de découverte de la maladie, selon que le patient est hospitalisé ou externe, que l'embolie est massive ou non et qu'il existe ou pas une pathologie sous-jacente. En raison de cette difficulté, il serait utile de classer les critères diagnostiques en quatre stades ou phases, à l'image de ce qui se pratique pour les médicaments. Ces stades pourraient être définis par la spécificité et la sensibilité du test envisagé ainsi que sa variabilité (stade I), sa comparaison avec un « gold standard » (stade II), son efficacité diagnostique (stade III) et, enfin, son rapport coût-efficacité (stade IV).
Il n'existe que peu d'arbres décisionnels décrivant la stratégie diagnostique de l'embolie pulmonaire. Deux recommandations seulement sont disponibles, celles de la British Thoracic Society, publiées en 1997, et celles de la Société européenne de cardiologie, qui datent de 2000. Or une enquête réalisée au Royaume-Uni par T. J. Cooper et coll. (Bristol) a pu montrer que la scintigraphie pulmonaire était proposée chez la moitié des patients suspects d'embolie pulmonaire, l'angiographie n'étant réalisée que chez 1 patient sur 95. A. Perrier et coll. (Genève, Suisse) ont donc proposé une stratégie diagnostique standardisée et simplifiée associant des critères cliniques, des examens biologiques et d'imagerie. Le dosage des D-dimères permet d'exclure une thrombophlébite profonde lorsque la probabilité clinique prétest de maladie thromboembolique est faible ou modérée. Dans l'étude de A. Perrier, le recours à un examen invasif ne s'est ainsi révélé nécessaire que dans 10 % des cas.
Comme l'a souligné B. Padovani, le scanner spiralé a considérablement modifié l'approche diagnostique de l'embolie pulmonaire. Les résultats obtenus sont cependant très variables en fonction de l'équipement matériel et de l'expérience des équipes. Les insuffisances de cette technique sont essentiellement liées à la mauvaise détection des embolies sous-segmentaires. Mais les scanners multicoupes les plus récents permettent un balayage du thorax en quelques secondes et réalisent des coupes fines.
D'après les communications de E. Ferrari (hôpital Pasteur, Nice), G. Simonneau (hôpital Antoine Béclère, Clamart) et B. Padovani (hôpital Pasteur, Nice).
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