LE TEMPS DE LA MEDECINE
IL N'Y A PAS d'âge optimal pour apprendre une langue étrangère, parce que, comme l'explique Caroline Isch-Wall, orthophoniste à l'hôpital pédiatrique Robert-Debré (Paris), « le mieux est le plus jeune possible ». Plus l'enfant est mis tôt au contact d'une autre langue, plus l'apprentissage est rapide. « Naître dans un milieu bilingue, voire trilingue, est une chance. » Et cette immersion multi-idiomatique se déroule en général sans problèmes pour l'enfant. Même si Caroline Isch-Wall rapporte un petit ralentissement au départ dans l'acquisition de la langue, suivi de sa maîtrise.
Dans la pratique, les enfants qui rencontrent des difficultés dans l'apprentissage d'une autre langue sont ceux atteints d'un trouble du langage (de type dyslexie). Le bi- ou le trilinguisme, qui peut d'ailleurs révéler la pathologie, n'en porte pas la responsabilité. D'ailleurs, ces mêmes enfants risquent de se trouver en situation d'échec, lorsqu'ils étudient une autre langue en milieu scolaire.
Le chant de la langue.
La clé de l'apprentissage précoce est la notion de langue maternelle. Le message à faire passer aux parents est de conserver leur spontanéité. Ils doivent parler à leurs enfants dans leur langue natale avec naturel. Et, surtout, éviter un « charabia » qui mélange avec le français. Caroline Isch-Wall insiste sur la richesse pour l'enfant des comptines, petites histoires, chansonnettes qui le bercent, des intonations lorsqu'on s'adresse à un bébé (attention ! il ne s'agit pas ici des mots déformés pour faire « bébé »). Elles transmettent, dès le plus jeune âge, les modulations, les mélodies d'une langue. « Ce qui importe est le chant de la langue. Les études du développement de l'enfant montrent l'importance de ces allongements modulés des mots. Ils lui permettent de mieux percevoir les frontières entre les phonèmes, d'analyser les mots, la syntaxe. »
Une expérience s'en rapprochant a été menée en Belgique voici quelques années. Des enfants âgés de 5 à 7 ans ont eu des cours d'anglais avec des enseignants américains, puis anglais. Très rapidement, alors que les accents différaient, ils s'adaptaient et passaient d'un accent à l'autre.
Dans cette approche du bilinguisme, tous les enfants ne se montrent pas égaux. « Il existe une "oreille de la langue" comme il existe une oreille musicale. » Elle cite, à titre d'exemple, une fratrie de triplés. Les trois frères et sœur, qui ont suivi leurs parents au cours de multiples séjours intercontinentaux, ont montré des aptitudes très diverses dans le maniement des langues rencontrées.
D'une façon plus générale, les enfants atteints d'un trouble du langage seraient peut-être insensibles à cette mélodie de la langue.
Chez l'enfant, poursuit l'orthophoniste, l'acquisition d'une nouvelle langue efface les précédentes, si elles ne sont plus pratiquées. L'impression est celle de ramifications dans les apprentissages. Les langues ne s'ajoutent pas les unes aux autres. Tout se passe comme si l'enfant expérimentait des schémas de syntaxe et de grammaire qui lui permettent d'aller plus vite dans la perception et l'acquisition d'un nouvel idiome.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature