Comme l'ont rappelé les Prs J.-C. Fruchart (institut Pasteur de Lille, unité INSERM 545) et D. Thomas (Pitié-Salpêtrière, président de la Fédération française de cardiologie), tout n'a pas commencé avec l'étude GISSI IV, même si celle-ci apporte un niveau de preuve inégalé.
Ainsi plusieurs études de prévention secondaire basées sur une approche diététique ont visé non seulement à réduire l'apport en acides gras saturés, mais également à augmenter l'apport en acides oméga 3 polyinsaturés. L'étude DIET (Diet and Reinfarction Trial) portant sur 2 033 patients a été la première à montrer que seul un régime portant sur les poissons ou comportant une supplémentation partielle ou totale en oméga 3 (en cas d'adhésion insuffisante au régime) entraîne une réduction significative de la mortalité globale (- 29 %, p < 0,05), deux ans après infarctus. On peut également citer l'étude lyonnaise ayant montré les bénéfices du régime méditerranéen ou enfin une étude indienne (Singh) suggérant que les huiles de poisson mais aussi de moutarde, probablement du fait de la présence d'acides gras polyinsaturés oméga 3, peuvent exercer un effet protecteur après infarctus (angor résiduel, arythmies, HVG).
Une étude qui représente un tournant
Toutefois, l'étude GISSI-IV représente un tournant pour plusieurs raisons, comme l'a souligné le Pr G. Tognoni (Milan) : tout d'abord, parce qu'elle a permis de suivre pendant trois ans et demi plus de 11 000 patients inclus dans les trois mois suivant leur infarctus. Par ailleurs, elle évalue l'efficacité en supplémentation d'esters éthyliques d'oméga 3 (ce qui est important car elle ne fait pas intervenir une consommation variable de poissons), sans parler des problèmes toxiques toujours possibles avec de fortes consommations ; enfin, GISSI IV évalue l'efficacité des oméga 3 sur une population recevant souvent les traitements ayant prouvé leur efficacité dans la prévention secondaire de l'infarctus (antiagrégants plaquettaires, IEC, bêtabloquants, hypocholestérolémiants).
Ces patients, après randomisation, ont été répartis en quatre groupes : contrôle, oméga 3 (1 g/j), vitamine E (300 mg/j) ou association des deux principes actifs.
Des résultats très significatifs
Les résultats en faveur des oméga 3 sont très significatifs pour les deux critères combinés principaux : mortalité globale + infarctus et AVC non mortels (RR = 0,85 ; 0,74-0,98), mortalité cardio-vasculaire + infarctus et AVC non mortels (RR = 0,80 ; 0,68 - 0,95).
On note également des réductions significatives de la mortalité globale (- 20 %), de la mortalité cardio-vasculaire (- 30 %), de la mortalité coronarienne (- 35 %) et de la mort subite (- 45 %). Ce dernier mérite une attention toute particulière quand on connaît les limites des traitements antiarythmiques, dans le postinfarctus (des investigations complémentaires sont nécessaires à ce niveau).
En revanche, la vitamine E ne démontre aucun bénéfice, seule ou en association.
Sur les bases de GISSI IV, un médicament à base d'esters éthyliques d'acide gras polyinsaturés oméga 3 a obtenu une AMM européenne, « comme traitement adjuvant de la prévention secondaire de l'infarctus, en association aux autres traitements de référence ». Il est déjà présent dans de nombreux pays européens (notamment l'Allemagne et le Royaume-Uni) et il devrait être prochainement mis sur le marché français. Une revanche pour ceux qui, comme le Pr J.-C. Fruchart, n'ont jamais cessé de croire aux bénéfices thérapeutiques des oméga 3.
(1) Conférence de presse organisée par les Laboratoires Pierre Fabre.
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