APRÈS TROIS ANNÉES de bons et loyaux services, le directeur de l’ARH d’Ile-de-France (Arhif) s’apprête à tirer sa révérence à une période charnière pour l’hospitalisation francilienne. Philippe Ritter quittera ses fonctions le 6 juin, à 65 ans.
Il laissera l’image d’un homme de dialogue et de parole. «Il a toujours dit ce qu’il a fait et fait ce qu’il a dit», commente Maurice Toullalan, le directeur de l’hôpital d’Argenteuil. Un fin stratège, méthodique et rigoureux, préférant l’usure du temps que le passage en force. Il s’en explique lui-même au « Quotidien » : «Je crois que l’on arrive plus facilement à faire bouger les choses en prenant le temps de l’explication et de la maturation.»
Quand il quitte la direction de l’ARH Rhône-Alpes pour prendre les rennes de l’Arhif, en avril 2003, Philippe Ritter succède à Dominique Coudreau. Une forte personnalité, dotée d’une solide connaissance du monde hospitalier et d’un franc-parler légendaire. Pour s’imposer à son poste, Philippe Ritter usera d’autres armes, qu’il tire de sa longue expérience dans le corps préfectoral. «La diplomatie. Les rondeurs. Moins d’agressivité directe que son prédécesseur, un bulldozer», décrit le Dr Christophe Prudhomme, syndicaliste CGT et urgentiste en Seine-Saint-Denis. «L’archétype du haut fonctionnaire qui a été mis là pour ne pas faire de vagues», ajoute le médecin. «A chacun son style! On ne se refait pas», s’excuse presque Philippe Ritter.
Quel bilan dresser de son action ? Les restructurations hospitalières ayant été largement engagées sous l’ère Coudreau, Philippe Ritter s’est attaqué à un autre chantier : la mise en oeuvre en Ile-de-France du plan Hôpital 2007. Cela ne s’est pas passé sans mal. Le directeur de l’Arhif a rencontré des crises, mais, fidèle à sa ligne de conduite, il a pris le temps de la pédagogie. Aujourd’hui, il juge sa stratégie payante. «Dans beaucoup de domaines, je crois que l’on a bien avancé, dit-il. On a accompagné les efforts de réorganisation là où c’était nécessaire, de même que l’on a accompagné les établissements en difficulté budgétaire, en signant avec eux des contrats de retour à l’équilibre financier.»
Les objectifs d’économies sont plutôt bien respectés. Malgré tout, la situation budgétaire reste tendue en Ile-de-France, où les deux tiers des établissements de santé ne sont pas à l’équilibre. Nul doute que le successeur de Philippe Ritter maintiendra la pression pour optimiser leur productivité. Car les sommes en jeu donnent le tournis : à elle seule, l’Ile-de-France dépense 20 % du budget hospitalier national. Le poids de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) est considérable. Or les finances du plus gros hôpital public de France échappent en partie au contrôle de l’Arhif. Une «incohérence» à laquelle il faut mettre fin, pour les hôpitaux généraux franciliens (regroupés au sein de l’Uhrif), qui plaident pour une tutelle régionale unique, l’Arhif.
L’oeil du ministère.
Mais c’est là une décision hautement politique, que les pouvoirs publics ne seraient pas prêts à prendre, à en croire l’actuel directeur de l’ARH : «Les enjeux sont tellement importants que je vois mal un ministère de la Santé ne pas vouloir garder un oeil direct sur ce qui se passe à l’AP-HP», déclare Philippe Ritter . Le directeur de l’Arhif s’est néanmoins employé à maintenir des liens étroits avec l’AP-HP, notamment lors de la préparation du schéma régional d’organisation sanitaire de troisième génération. Lequel Sros 3 marquera la fin du travail de Philippe Ritter à l’Arhif. Un nouveau chantier s’ouvre aujourd’hui, avec la déclinaison, dans chaque établissement, des objectifs quantifiés d’activité arrêtés par le Sros 3. «Un travail considérable», précise Philippe Ritter, qui recommande «le pragmatisme et la prudence» à son successeur.
L’enjeu est de taille, dans cette région où la concurrence entre les divers acteurs fait rage. Le Dr Bernard Huynh, qui préside l’union régionale des médecins libéraux (Urml) d’Ile-de-France, espère que le prochain directeur de l’Arhif fera montre d’une «vision équilibrée du système, et non dogmatique en faveur de tel ou tel secteur hospitalier». Car les cliniques franciliennes, bien qu’elles aient été drastiquement restructurées, demeurent fragiles «face au poids énorme de l’hospitalisation publique dans la région».
Les hôpitaux publics attendent pour leur part un discours franc, et des objectifs clairs. «Il est appréciable de savoir où l’on va», explique Jean-Pierre Burnier. Le secrétaire général de l’Uhrif parle d’une période charnière : «Il y a des rendez-vous très importants dans l’année au niveau du budget et de la planification. On a besoin de quelqu’un à qui parler. Le prochain directeur d’ARH ne devra pas arriver comme un éléphant dans un magasin de porcelaine.» De leur côté, les hôpitaux privés non lucratifs espèrent continuer à bénéficier du soutien de l’agence, qui leur a accordé une aide exceptionnelle de 48 millions d’euros pour se remettre à flot.
Qui prendra la suite de Philippe Ritter ? Qui se risquera à cet exercice d’équilibriste, dans une région ultraréactive, sur laquelle le directeur de l’hospitalisation (Dhos) garde toujours un oeil ? Les directeurs d’ARH sont nommés en Conseil des ministres sur proposition du ministre de la Santé. Plusieurs noms circulent – mais la décision ne serait pas encore arrêtée, d’après Philippe Ritter. Annie Podeur, la directrice de l’ARH de Bretagne. Benoît Péricard, directeur général du CHU de Nancy, ancien directeur de l’ARH des Pays de la Loire. Ou encore Cédric Grouchka, directeur adjoint du cabinet de Xavier Bertrand, le ministre de la Santé. A un an des élections présidentielles, ce médecin de formation, qui a été l’un des artisans du plan Hôpital 2007 au ministère, aspire peut-être à décrocher un poste solide. C’est du moins ce que croit savoir un proche du milieu, qui a eu vent d’une «lutte d’influence entre le cabinet ministériel, qui appuie sa candidature, et la Dhos, qui n’y serait pas favorable».
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