LE PLAN NATIONAL Autisme qui a été présenté vendredi dernier par la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, et de la secrétaire d'État chargée de la Solidarité, Valérie Létard, ne manquera sûrement pas d'inspirer certaines critiques. Il semble cependant qu'il marque une «prise de conscience des pouvoirs publics», reconnaît Agnès Woimant, la vice-présidente de l'association Autisme France. Un «tournant», renchérit le Pr Catherine Barthélemy, pédiatre et pédopsychiatre au CHU de Tours, spécialiste de l'autisme en France.
Le premier des trois grands axes du plan, intitulé « Mieux connaître pour mieux former », propose d'élaborer un corpus de connaissances commun sur l'autisme. Un comité d'experts sera chargé d' «établir un consensus scientifique sur ces connaissances, de les synthétiser et les diffuser». Une initiative qui avait été réclamée par certains membres du comité de suivi, auquel a participé le Pr Barthélemy.
«Il est important qu'un comité, pluridisciplinaire, réunisse l'actualité des connaissances sur les besoins, les caractéristiques de fonctionnement de chacune des variantes d'autisme et définisse les orientations clés pour la prise en charge. Ce comité se trouverait en aval des réflexions et en amont des bonnes pratiques futures. »
«Il faut que soient écrites noir sur blanc les connaissances qui sont déjà acceptées par 90% de la communauté scientifique, et qu'il n'y ait plus de ces combats stériles sur des choses acquises, estime Sophie Biette, qui préside le conseil d'administration de l'ARAPI (Association pour la recherche sur l'autisme et la prévention des inadaptations). Après, reste à savoir ce qui sera inclus dans ce socle de connaissances.» La Haute Autorité de santé (HAS) devra émettre des recommandations de pratique professionnelle. Elles existent déjà sur le diagnostic, le point clé portera donc désormais sur la prise en charge.
Le plan se donne comme objectif une meilleure formation des professionnels et des familles. «L'urgence est dans le médico-social», souligne le Pr Barthélemy, qui déplore le manque de formation des médecins qui «reçoivent en tout et pour tout une heure d'enseignement sur l'autisme pendant toute la durée de leurs études et cette question n'apparaît pas dans le concours de l'internat».
Le deuxième axe du plan 2008-2010 vise à améliorer le diagnostic et l'accès aux soins somatiques. Un dispositif d'annonce serait expérimenté, une mesure qui rend le Pr Barthélemy perplexe : «Le diagnostic est déjà expérimenté dans les pays d'Europe. Il ne faudrait pas que l'on dépense trop d'argent là-dedans.»
Dans dix départements volontaires, de nouveaux modèles d'habitat seraient eux aussi expérimentés (logements adaptés avec services, maisons relais couplées à des services d'accompagnement médico-social à domicile…), afin «de mieux accompagner à tous les âges de la vie». Le job coaching (qui favorise l'accès à l'emploi ordinaire) et les ESAT (établissements et services d'aide par le travail) adaptés doivent être mis à l'essai dans dix départements également.
«Déployer tous les moyens pour que les jeunes soient accueillis dans des unités de vie qui les rapprochent au plus près de la normale, qu'ils soient davantage installés dans la cité est une excellente chose», approuve le Pr Barthélemy.
Urgence pour les adultes.
Quatre mille cent places supplémentaires dédiées aux personnes autistes seraient créées, réparties de la façon suivante : 1 500 dans les établissements pour enfants et 2 600 pour les adultes. «Il y a une telle urgence pour les adultes que les 4100places auraient été utiles pour eux seuls, regrette Agnès Woimant. Et parlons davantage du maintien en milieu ordinaire pour les enfants.»
Enfin, pour «s'ouvrir à de nouvelles méthodes», le plan propose de «recenser, décrire et analyser toutes les méthodes de prise en charge existantes dans trois régions françaises». Une mesure d'une «excessive prudence» qui exaspère la vice-présidente d'Autisme France.
«Il y a encore du flou. On aurait aimé que l'engagement soit plus clair quant aux pratiques et que la France n'estime pas nécessaire de repasser par la phase de l'expérimentation vu qu'il a été démontré que ces pratiques éducatives et comportementales ne sont pas dangereuses. L'attente des familles est forte de quelque chose d'immédiat. Car c'est tout de suite que nos enfants ont besoin d'une prise en charge adéquate, c'est tout de suite qu'ils s'automutilent, qu'ils nedorment pas, qu'ils vont mal.
«Quand on pense qu'un enfant autiste accompagné en milieu ordinaire coûte par jour 150euros au lieu du double en milieu médico-social et entre 600 et 900euros dans le sanitaire… que l'on ne nous culpabilise pas avec le manque de moyens car il s'agit d'un problème de courage politique.» Le plan indique encore qu'une «réflexion juridique et globale doit être menée sur les garanties dues aux personnes avec TED ou autisme concernant leurs droits fondamentaux».
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