CE PASSAGE par la littérature pour observer la médecine et ceux qui la font, mais aussi la médicalisation croissante de notre société, le trouble vécu par ce corps de métier à qui l'on demande, plus que jamais dans l'histoire, de se mêler de tout, n'est pas une banale analyse de textes. Mais un moyen astucieux d'appréhender et de comparer au fil des décennies ces questions qui, aujourd'hui, traversent plus que jamais quotidiennement le corps social.
Jean-Paul Thomas, auteur d'un remarqué « Dictionnaire de la pensée médicale », propose une lecture de la médecine à travers l'écriture de romans, de pièces de théâtre, mais également de manifestes et d'écrits critiques. Il est aussi bien question, dans son ouvrage, de Marcel Proust que d'Ivan Illitch, d'André Soubiran que de Marguerite Yourcenar, de Roger Martin du Gard que des textes militants de l'association AIDES. Et de bien d'autres : Honoré de Balzac, Gustave Flaubert, Louis-Ferdinand Céline, Jules Romain, que l'on a aussitôt envie de lire ou de relire.
L'analyse de ces personnages célèbres et parfois familiers que peuvent être le Dr Cottard, Charles Bovary, Knock, les médecins de Molière ou, plus contemporains, le Dr Kay Scarpetta, l'héroïne médecin légiste de Patricia Cornwell, Mathilde, la femme médecin en mission humanitaire en Éthiopie du livre « les Causes perdues », de Jean-Christophe Rufin, brosse des portraits multiples et évolutifs. Ceux des médecins comme ceux des malades qui permettent d'observer en miroir les praticiens : qu'il s'agisse de l'héroïne d'Albertine Sarrazin dans « l'Astragale », ou de Maugras, personnage de Simenon dans « les Anneaux de Bicêtre », dont les relations avec la maladie et la médecine sont autant de chemins par lesquels l'auteur nous mène habilement à Foucault ou à Canguilhem.
Prise de conscience.
Autant d'histoires qui lui permettent d'observer la complexité des relations médecins et malades, médecins et corps sexué, médecins et travail, médecins et politiques, médecine et pouvoir. De saisir le chemin qui nous a menés à l'hypermédicalisation au changement de statut des médecins, à la perte de leur jadis intouchable identité. Le malade d'aujourd'hui n'est plus celui d'hier ; son médecin non plus, comme s'en fait largement l'écho la littérature contemporaine, semblant en cela conforter la sagesse exprimée en son temps par Georges Canguilhem, écrit Jean-Paul Thomas. En témoignent les récits de confrontation avec la mort, la maladie et les médecins publiés ces dernières années, qui, tout en étant d'impressionnants témoignages de l'état de la médecine moderne, se sont souvent révélés être d'utiles moteurs de prise de conscience.
« La Plume et le Scalpel », de Jean-Paul Thomas, PUF, 253 pages, 24 euros.
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