L'association entre dépression et événements cardio-vasculaires a fait l'objet de nombreuses études de cohorte, en particulier chez des sujets présentant un infarctus du myocarde ou chez ceux subissant une intervention de type angioplastie par voie percutanée. Ce sont les premières de ces études qui ont permis de conclure à une majoration du risque d'infarctus du myocarde chez les sujets présentant des signes de dépression sévère (selon la classification du DMS IV). Pour les auteurs de ces travaux, « la dépression reste, après ajustement, un facteur prédictif majeur de maladie cardio-vasculaire au même titre que la fraction d'éjection systolique abaissée ». A l'inverse, il n'existe aucune corrélation entre la mortalité et la morbidité d'autre origine et les symptômes de dépression.
Différentes hypothèses ont été envisagées afin de préciser le lien entre les signes psychologiques et le risque cardio-vasculaire. Ainsi, ces patients pourraient se révéler moins observants au traitement, au suivi de pathologies chroniques et pourraient présenter des facteurs de risque surajoutés propres : élévation du rythme cardiaque, diminution de l'adaptabilité du cur à l'effort et aux émotions, variation dans les réactions histologiques liées à l'athérosclérose, ou, éventuellement, existence d'un déterminant commun entre dépression et maladies cardiaques.
207 hommes et 102 femmes, de 63,1 ans en moyenne
Une équipe de cardiologues de l'hôpital de l'université de Colombia (New York) s'est intéressée au lien entre dépression et devenir postopératoire de patients coronariens opérés par pontage. Dans cette étude prospective, les investigateurs ont suivi, pendant un an, 207 hommes et 102 femmes âgés en moyenne de 63,1 ans. La plupart des patients étaient caucasiens (87 %) et leur fraction d'éjection systolique moyenne était de 0,48. Une évaluation du degré de dépression avant l'intervention et la sortie de l'hôpital a été faite en se basant sur un questionnaire standardisé (dérivé du DMS IV). Les 22 sujets qui recevaient un traitement antidépresseur lors de leur entrée en cardiologie n'ont pas, en moyenne, présenté plus de signes cliniques de dépression à la sortie de l'hôpital que les autres sujets. L'ensemble de ces malades ont poursuivi leur traitement en fin de séjour et un patient a été nouvellement traité par ce type de médicaments. Quatre consultations spécialisées auprès d'un psychiatre ont été demandées au cours de l'ensemble des journées d'hospitalisation et le questionnaire a permis de montrer que 63 patients présentaient des signes de dépression sévère à la sortie de l'hôpital.
« Au cours de l'année de suivi, 8 patients ont souffert d'infarctus du myocarde fatal (un déprimé sévère et 7 autres personnes) et 14 patients (soit 34 hospitalisations) ont dû être réadmis dans un service de cardiologie. La plupart de ces événements (79 %) a eu lieu durant les six premiers mois de suivi et près d'un tiers d'entre eux au cours du premier mois », expliquent les auteurs. A douze mois, 17 des 63 patients déprimés (27 %) avaient présenté des rechutes de leur maladie coronarienne contre 25 des 246 (10 %) des sujets indemnes de signes psychologiques. Pour le Dr Ingrid Connerney, « dans notre étude, quatre autres variables apparaissent comme des facteurs indépendants de risque cardio-vasculaire : le sexe féminin, le fait de vivre seul, une fraction d'éjection systolique inférieure à 0,3 et une durée d'hospitalisation initiale de plus de cinq jours ».
Dans la population suivie, la proportion de femmes ayant présenté des signes de récurrence de la maladie cardio-vasculaire a été plus élevée que celle des hommes : 23 contre 9 %.
L'âge des patientes au moment de l'intervention
Les auteurs suggèrent que cette donnée est en rapport avec l'âge des patientes au moment de l'intervention, le fait qu'elles vivent généralement seules et que leur hospitalisation initiale est plus longue. En outre, si les femmes sont généralement moins atteintes par les maladies coronariennes que les hommes, les artères touchées dans la population féminine sont de calibre plus fin que que chez les hommes.
Enfin, l'une des limitations de cette étude tient au fait que l'évaluation psychologique est unique - à la sortie de l'hospitalisation - et que l'information pourrait se révéler plus pertinente si cette expertise était répétée.
« The Lancet », vol. 358, pp. 1766-1772, 24 novembre 2001.
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