Un million de coronariens subissent un pontage chaque année dans le monde. Le pronostic à distance de cette technique chirurgicale, qui a fait la preuve de son efficacité à court et à moyen terme, dépend de la survie des greffons veineux utilisés. Si la plupart des interventions réalisées consistent en un triple pontage, généralement seul un greffon mammaire interne - le plus souvent en position ventriculaire antérieure - est utilisé, les deux autres étant d'origine veineuse.
Le recours à l'artère mammaire interne a été développé à la fin des années 1980 et plusieurs études randomisées ont montré qu'en position ventriculaire antérieure, ce type de greffe permet des résultats à long terne (récurrence d'angine de poitrine, infarctus du myocarde et nécessité de réintervention) bien supérieurs à l'utilisation de greffons veineux. Dix ans après l'intervention, en effet, 90 à 95 % des greffons artériels restent perméables alors que seuls 25 % des greffons veineux restent fonctionnels.
Pour cette raison, le taux de réintervention des patients ayant subi un pontage coronarien à l'aide d'un greffon veineux est de 30 % à 10 ans. Or ce type d'intervention est coûteux et les suites opératoires sont d'autant plus longues que le malade a déjà été opéré. Des chirurgiens cardiaques ont proposés d'utiliser des greffons provenant des deux artères mammaires internes afin de diminuer le risque de reprise chirurgicale à long terme. « Mais la généralisation de ce type d'intervention se heurte à deux grand écueils : une proportion qui paraît plus importante de complications opératoires - mais dont la réalité n'a jamais pu être mise en évidence par des études cliniques - et le manque de données comparant les deux techniques », analyse le Dr David Taggart (Oxford).
Les statisticiens britanniques, afin de préciser l'intérêt des greffes artérielles doubles, ont procédé à une métaanalyse sur l'ensemble des travaux publiés à ce sujet. Ils n'ont retenu que les études incluant plus de 100 personnes et dont le suivi était au moins égal à 4 ans. « Aucune des 3 000 publications que nous avons étudiées ne bénéficiait d'une méthodologie stricte en double aveugle », expliquent les auteurs.
Au total, dix études ont été retenues et une seule d'entre elle était strictement prospective et appariée, les autres ayant bénéficié d'une prise en compte rétrospective et comparative. En outre, deux des publications ne faisaient pas état des caractéristiques cliniques des patients. La fonction ventriculaire des sujets était exprimée de manière différente selon les études : fraction d'éjection ventriculaire moyenne, score ventriculaire gauche moyen, pourcentage d'anomalies moyenne à sévère de mobilité du mur ventriculaire, fraction d'éjection de moins de 45 %, pression ventriculaire gauche moyenne en fin de diastole et pourcentage de dysfonction ventriculaire.
7 études incluant 15 962 patients
Afin de rendre les résultats exploitables seules 7 études incluant au total 15 962 patients ont été retenues. La métaanalyse montre une réduction de la mortalité dans le groupe ayant subi un double pontage artériel. « Mais ces résultats doivent être interprétés avec précaution : le choix de la technique qui reposait entièrement sur le chirurgien a induit des biais statistiques importants », précise le Dr David Taggard. En effet, les opérateurs avaient tendance à proposer des interventions doubles aux patients les plus jeunes dont l'espérance de vie était, de fait, la plus grande. Néanmoins, une analyse en sous-groupes après ajustement pour l'âge, le sexe, la fonction ventriculaire et l'éventuelle existence d'un diabète, ne montre pas de différence statistiquement significative entre les deux groupes. Mais le faible nombre de patients inclus dans chacun des groupes abaisse nettement la puissance de l'étude.
« En l'absence de données telles que des mesures secondaires de la fraction d'éjection ventriculaire gauche, des récurrences d'angine de poitrine, des infarctus du myocarde et de la nécessité de réintervention chirurgicale ou par angioplastie par voie per cutanée, il n'est pas impossible d'imaginer que notre métaanalyse sous-estime les bénéfice à moyen terme des doubles pontages artériels », analysent les auteurs. Pour affirmer l'intérêt de cette technique, il faudrait mettre en place une étude randomisée sur 4 200 patients suivis pendant au moins 10 ans. Enfin, certaines équipes chirurgicales ont récemment proposé de pratiquer des triples pontages artériels et cette approche demande elle aussi à être évaluée dans les années qui viennent.
« The Lancet », vol. 358, pp. 870-874, 15 septembre 2001.
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