Une métaanalyse, publiée dans le « New England Journal of Medicine », confirme l'intérêt d'un traitement précoce par aspirine dans le pontage coronarien. On peut s'étonner d'une telle publication dès lors qu'il ne fait plus de doute aujourd'hui que les complications thromboemboliques de la chirurgie de reperfusion sont à l'origine du risque de décès et d'accidents ischémiques (AVC, infarctus du myocarde, infarctus rénal...).
On peut aussi s'insurger contre cette étude, au cours de laquelle 2 000 patients n'ont pas reçu d'aspirine dans les suites opératoires précoces. Les investigateurs expliquent qu'ils ont voulu convaincre les chirurgiens cardiaques de l'absence de risque, notamment hémorragique, lié à l'emploi de l'aspirine dans les quarante-huit heures qui suivent le pontage.
Pour prouver que le risque de complications et de décès après pontage coronarien pouvait être réduit grâce à un traitement précoce par aspirine, des cardiologues californiens ont donc inclus 5 065 candidats à la chirurgie de revascularisation dans dix-sept pays (Amérique du Nord, du Sud, Europe, Moyen-Orient, Asie), de 1996 à 2000. A l'admission à l'hôpital, les patients « consentants » ont interrompu dans 50 % des cas leur traitement antiplaquettaire, les autres traitements (bêtabloquants, inhibiteurs calciques, IEC) étant conservés.
Quarante-huit premières heures
L'étude a comparé le devenir des 3 001 malades ayant reçu de l'aspirine (de 80 mg à 650 mg) dans les quarante-huit heures suivant la chirurgie à celui des 2 064 autres. Des cliniciens, non avertis du traitement administré, étaient chargés de consigner les effets indésirables potentiels de l'aspirine. A noter que, si le double aveugle de l'étude était satisfait, la décision thérapeutique ne résultait pas d'une randomisation mais d'une décision clinique adaptée à une situation. Les traitements concomitants par prothrombotiques, antithrombotiques, procoagulants, anticoagulants et produits sanguins étaient clairement consignés afin que l'on puisse procéder à une analyse en régression logistique. Les investigateurs ont comparé la fréquence des accidents (fatals ou non) d'origine cardiaque (infarctus du myocarde, insuffisance cardiaque), cérébrale (AVC, encéphalopathie), rénale (insuffisance, défaillance), gastro-intestinale (ischémie, infarctus).
Les événements ischémiques
Trois pour cent (n = 164) des patients sont décédés durant l'hospitalisation, tous d'événements ischémiques. Les complications fatales sont survenues dans les quarante-huit heures suivant le geste opératoire dans 74 % des cas. Les 530 autres événements ischémiques non fatals ont aussi été majoritairement observés durant la même période (65 % des cas). Le risque de mourir des patients ayant reçu de l'aspirine dans les quarante-huit heures après la chirurgie correspondait au tiers de celui des autres sujets (1,3 % au lieu de 4 %), celui de faire une complication non fatale était réduit de 40 % (9,4 % versus 15,4 %). Le bénéfice apporté par le recours précoce à l'aspirine était significatif quels que fussent la gravité clinique (antécédent de pontage, angor instable), l'âge (moins ou plus de 70 ans), la région d'origine et le type de prise en charge sociale. En revanche, ce bénéfice était indépendant de la dose d'aspirine administrée et disparaissait en cas d'administration au-delà de quarante-huit heures. Le protocole opératoire consistant à arrêter l'aspirine avant la chirurgie et à passer des plaquettes après la reperfusion, de même que le recours prophylactique à des agents antifibrinolytiques (pour éviter les pertes sanguines en période périopératoire) aggravaient le risque de décès et de complications ischémiques. Enfin, l'usage de l'aspirine n'a pas augmenté le risque d'hémorragie, de gastrite, d'infection ou de retard de cicatrisation.
Dennis Mangano et coll., « New England Journal of Medicine », vol. 347, n° 17, 24 octobre 2002.
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