L'histoire est celle d'une femme de 41 ans, consommatrice régulière d'alcool, qui est hospitalisée le 26 novembre 2000 pour un syndrome œdémato-ascitique avec ictère. Il existe des troubles de la coagulation avec, notamment, un TP à 24 %. L'échographie abdominale avec Doppler montre un foie atrophique et un épanchement péritonéal abondant.
« Une ponction d'ascite à visée diagnostique et évacuatrice est réalisée en regard du tiers externe d'une ligne passant par le haut de l'aile iliaque gauche et l'ombilic, le 27 novembre, à l'aide d'une aiguille intramusculaire », expliquent les auteurs.
Le liquide d'ascite contient 6 g de protides, alors que l'albuminémie est à 20 g/l.
Le 4 décembre est réalisée une biopsie hépatique par voie transjugulaire ; elle confirme une cirrhose et montre des signes en faveur d'une hépatite alcoolique aiguë. Le gradient de pression sus-hépatique est à 22 mmHg. Une corticothérapie à 1 mg/kg/j est débutée. Le 14 décembre, on fait une nouvelle ponction d'ascite, à visée évacuatrice, avec une aiguille intramusculaire.
Hématome du flanc gauche avec anémie profonde
Dans les jours suivants apparaît un hématome du flanc gauche, avec une anémie profonde (hémoglobine à 4,5 g/dl), nécessitant la transfusion, en quatre jours, de 12 unités de concentrés globulaires et de 6 unités de plasma frais congelé. Le bilan de la coagulation est très altéré, avec un TP à 12 %, un facteur V à 22 % et des produits de dégradation du fibrinogène supérieurs à 1 000/ml, avec fibrinogénémie à 0,72 g/l.
Le 18 décembre, on pratique un scanner abdominal, qui montre « un hématome mesurant jusqu'à 30 cm de haut au niveau du muscle grand oblique gauche, avec extravasation du produit de contraste après injection ». Le même jour, on fait une artériographie par voie fémorale droite : on découvre une extravasation le long de l'artère épigastrique gauche ; celle-ci est alors cathétérisée de façon élective et embolisée. Après embolisation, un contrôle permet de constater la disparition du flux dans l'artère épigastrique gauche. L'hémoglobine reste stable. La malade quitte le service le 28 décembre.
« L'artère épigastrique est une branche collatérale de l'artère iliaque externe, s'anastomosant à l'intérieur du muscle droit de l'abdomen avec la branche abdominale de l'artère mammaire interne », expliquent les auteurs. Les plaies de cette artère, poursuivent-ils, s'observent habituellement après traumatisme abdominal, surtout dans le cadre de la chirurgie, notamment laparoscopique. « Notre observation peut être rapprochée d'un cas similaire après amniocentèse » (Goldman et coll., 1980). La ponction d'ascite peut aussi provoquer la formation de pseudo-anévrysmes.
Quand faut-il évoquer le diagnostic ? « Devant l'apparition d'un hématome rapidement extensif de la paroi abdominal », expliquant les auteurs. La confirmation est apportée par l'échographie ou le scanner. Dans le cas présent, l'hémorragie a été favorisée par les troubles majeurs de la coagulation.
Aiguille de petit calibre
« Chez notre malade, il n'existait pas de condition anatomique particulières ayant pu favoriser une ponction artérielle et il est donc difficile de proposer des précautions pour éviter cette complication. La possibilité d'une erreur technique peut être évoquée mas n'a pas été démontrée dans notre observation. »
Les auteurs estiment que, en cas de troubles graves de la coagulation, on peut proposer de faire la ponction avec une aiguille de petit calibre.
«Une plaie de l'artère épigastrique après ponction d'ascite peut être extrêmement sévère en cas de cirrhose compliquée de troubles de la coagulation. Elle doit être connue et diagnostiquée rapidement pour mettre en œuvre un traitement efficace, plutôt par embolisation artérielle, qui peut représenter un geste salvateur, que par drainage chirurgical », concluent les auteurs.
(1) Jérôme Dumortier, Gilles Poncet, Soraya Belbouab, Franck Pilleul, Christophe Beziat, Bertrand Delafosse et Luc Henry, hôpital Edouard-Herriot, Lyon. «Gastroentérol Clin Biol », février 2002, pp. 180-181.
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