En identifiant un nouveau gène impliqué dans la polypose adénomateuse colo-rectale, des chercheurs britanniques viennent de proposer une explication aux cas familiaux non expliqués par la mutation du gène APC. La mise en évidence de ce second gène, publiée dans le « Lancet », montre accessoirement l'apport des registres des cancers lorsqu'ils sont utilisés par des chercheurs alliant intuition, observation et mise en application de leur savoir.
Julian R. Sampson (Cardiff) et coll. se sont interrogés sur la génétique de la polypose adénomateuse familiale (PAF). Cette affection, où les patients présentent plus de 100 polypes coliques, est classiquement sous la dépendance d'un trouble autosomal dominant lié à des mutations du gène APC ( Adenomatous polyposis coli). Il est également connu qu'un autre gène, à fonction de réparation, MYH est impliqué de façon autosomale récessive dans la survenue de polypes multiples et de cancers colo-rectaux. La fréquence des polyposes dues à ce gène est inconnue. Mais les médecins britanniques rappellent que la confusion n'est pas possible avec les polyposes dues au gène APC (les PAF) et qui, elles, se transmettent sur le mode vertical. Une ombre : 25 % des PAF peuvent survenir de façon sporadique ou concernent les enfants de parents indemnes. C'est ici que l'équipe britannique a fait preuve d'intuition en postulant que ces cas isolés seraient dus à une mutation du gène MYH et non pas à de nouvelles mutations du gène APC ou à des mosaïques dans les cellules des gonades.
Des mutations homozygotes
La confirmation de cette hypothèse justifierait, chez les sujets porteurs de la mutation MYH, un conseil génétique, et une surveillance colonoscopique familiale au sens large et non plus limitée à la descendance.
Sampson et coll. sont donc partis de l'analyse de 6 registres des cancers. Ils ont identifié 614 familles non apparentées suspectées de PAF ou de PAFA (forme atténuée). Parmi elles, 111 remplissaient les trois critères nécessaires à la validation de l'hypothèse de départ, c'est-à-dire la recherche d'une mutation du gène MYH : pas de transmission verticale de l'affection ; au moins 10 adénomes colo-rectaux ; absence de mutation du gène APC. Sur ces 111 familles chez 25 sujets (23 %) des mutations homozygotes du gène MYH ont été découvertes (18 hommes, 7 femmes).
Le comptage des adénomes a pris alors un intérêt particulier. Dans 9 cas, il en existait plus de 100, 11 sujets en avaient entre 10 et 100 et chez 5 personnes, ils étaient trop nombreux pour être comptés ou trop étagés. Alors que ces sujets avaient en moyenne 46 ans, 12 d'entre eux avaient déjà eu un cancer colo-rectal. parmi les 50 parents des 25 sujets, forcement hétérozygotes, deux seulement avaient eu un cancer colo-rectal ; ici, des études plus importantes seront indispensables pour évaluer le risque des hétérozygotes.
Les porteurs de plus de 15 adénomes
Quarante personnes supplémentaires présentant entre 4 et 10 adénomes ont également bénéficié d'une recherche de mutations des deux allèles du gène MYH. Toutes ont été négatives. Un travail antérieur n'ayant identifié un tel profil génétique que chez des sujets porteurs de plus de 15 adénomes, les auteurs suggèrent que « le phénotype "peu d'adénomes" semble n'être que très rarement associé avec une mutation des deux allèles MYH ».
Les auteurs concluent que le phénotype de polypose colique autosomal récessif MYH reste proche de la forme autosomale dominante de la PAF ou PAFA. Toutefois, « des analyses génétiques de MYH devraient être dorénavant proposées aux porteurs d'un phénotype de type PAF ou PAFA, quand il n'existe pas d'évidence claire de transmission verticale. Une recherche génétique prédictive devrait être proposée aux collatéraux de patients porteurs de mutations homozygotes, afin d'évaluer leur besoin de surveillance endoscopique ».
« Lancet », vol. 362, 5 juillet 2003, pp. 5-9 (éditorial) et 39-41.
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