De notre correspondante
à New York
Une somme de données, tant chez l'animal qu'épidémiologiques chez l'homme, suggère que les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), comme l'aspirine, pourraient réduire le risque de cancer colo-rectal. Cependant, des études contrôlées doivent apporter la preuve directe d'un effet préventif.
Il est difficile de montrer qu'un AINS prévient le cancer colo-rectal, car la longue période de latence avant le développement du cancer impose un suivi fort long et un large échantillon. Toutefois, puisque la plupart des cancers colo-rectaux évoluent à partir d'adénomes bénins, la prévention des adénomes colo-rectaux a de fortes chances de prévenir aussi le cancer colo-rectal.
Les premières études randomisées ont été menées chez les patients atteints d'une polypose rectocolique familiale, lesquels présentent des centaines de polypes et un risque quasi certain de progresser vers un cancer colo-rectal. Ces études ont montré que deux AINS, le sulindac et le celecoxib, peuvent entraîner la régression de plus d'un quart des adénomes.
Les deux larges études multicentriques, longtemps attendues, qui sont publiées cette semaine dans le « New England Journal of Medicine » portent, cette fois, sur des populations à risque accru de cancer colo-rectal sporadique.
Etude CALBG : une histoire de cancer
L'étude CALBG, de Sandler (Chapell Hill, NC) et coll., porte sur 517 patients avec une histoire de cancer colo-rectal complètement enlevé chirurgicalement. Ces patients, sans polype au début de l'étude, ont un risque accru de développer de nouveaux polypes, qui peuvent alors progresser vers un nouveau cancer colo-rectal. Ils ont été randomisés, en double insu, de façon à recevoir tous les jours soit un comprimé d'aspirine (325 mg), soit un placebo.
L'essai a été interrompu plus tôt que prévu, après une durée moyenne de trente et un mois de traitement, devant la différence significative des résultats. Un ou plusieurs nouveaux adénomes sont apparus chez seulement 17 % des patients sous aspirine, contre 27 % des patients sous placebo. Le risque de détecter un nouveau polype dans le groupe aspirine est de 36 % plus faible que dans le groupe placebo. Les effets secondaires sont similaires dans les deux groupes.
Etude de Baron : histoire d'adénomes enlevés
L'étude de Baron (Darmouth, New Hampshire) et coll. porte sur 1 121 patients avec une histoire d'adénome colo-rectal récemment enlevé. Ils ont été randomisés, en double insu, de façon à recevoir tous les jours un placebo ou 85 mg d'aspirine, ou 325 mg d'aspirine.
Après une durée moyenne de trente trois mois, la faible dose d'aspirine réduit modérément le risque de récurrence d'adénomes (de 19 % comparé au placebo), mais, pour des raisons obscures, la dose plus élevée d'aspirine n'a pas réduit significativement le risque d'adénome récurrent. La faible dose d'aspirine réduit davantage encore le risque de néoplasie avancée (adénome d'au moins 1 cm de diamètre ou avec des traits tubullovilleux ou villeux, dysplasie sévère, ou cancer invasif), avec une réduction de 40 % comparé au groupe placebo. L'AVC et l'hémorragie sévère sont plus fréquents dans les groupes aspirine, mais pas de façon significative.
« Nous savons donc, par ces deux études, que l'aspirine est efficace pour prévenir les polypes, mais nous ne savons pas encore quelle est la meilleure dose », commente dans un communiqué le Dr Sandler, qui a dirigé l'étude CALBG et a participé à l'autre étude. Toutefois, il met en garde contre la prise d'aspirine sans l'avis du médecin, même chez les patients qui ont un risque accru de cancer. Il souligne que « pour ceux qui ont eu un polype ou un précèdent cancer du côlon, la coloscopie régulière et l'exérèse des polypes demeurent le premier pas dans la prévention, éventuellement supplémenté par l'aspirine ».
« Ces essais bien conduits, commente dans un article associé le Dr Thomas Imperiale (Indianapolis), apportent une preuve de principe que l'aspirine réduit modérément le risque de néoplasie colo-rectale récurrente ».
Toutefois, compte tenu les effets secondaires de l'aspirine et l'efficacité de la prévention par la surveillance endoscopique, le rôle de l'aspirine dans la prévention du cancer colo-rectal reste à déterminer. Il faudra, selon lui, « attendre les résultats des études cliniques qui visent à savoir si l'aspirine peut être utilisée pour diminuer la fréquence requise, ou l'intensité du dépistage ou de la surveillance ».
Trois autres études sont en cours pour déterminer si le rofecoxib ou le celecoxib, des anti-inflammatoires dotés d'un meilleur profil de sécurité que l'aspirine, peuvent prévenir la croissance des polypes chez les personnes à risque normal. Ces études devraient se terminer avant novembre 2004.
Comme l'aspirine, ces molécules inhibent la cyclo-oxygénase 2 (COX-2), une enzyme pro-inflammatoire trouvée à des taux élevés dans les tumeurs colo-rectales.
« New England Journal of Medicine » du 6 mars 2003, pp. 879 et 883 et 891.
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