REFERENCE
A) Qu'est-ce qu'un polype ?
A1) Ce terme désigne un aspect macroscopique, sans préjuger de sa mature histologique (bien que le plus souvent bénigne).
A2) Il s'agit d'une tumeur arrondie, circonscrite, saillant plus ou moins dans la lumière intestinale (sessile ou pédiculée).
A3) Cet aspect recouvre un grand nombre d'entités histologiques (figure 1) :
- tumeurs épithéliales (adénomes +++) ;
- tumeurs non épithéliales (rares) ;
- lésions non néoplasiques ou pseudo-tumeurs (polypes hyperplasiques +++).
A4) Les plus fréquents des polypes sont :
a) les adénomes (qui peuvent se cancériser), et
b) les polypes hyperplasiques (pas de potentiel cancéreux).
B) Néoplasiques ou non néoplasiques
Il est important de distinguer les deux grandes classes de tumeurs bénignes rectocoliques : néoplasiques et non néoplasiques (ou pseudo-tumeurs).
B1) En effet, généralement, seules les tumeurs néoplasiques (en particulier l'adénome) présentent un risque de cancérisation.
B2) Les plus fréquents de polypes néoplasiques sont les adénomes.
B3) Les néoplasies bénignes non épithéliales sont beaucoup plus rares (figure 1).
C) L'adénome est fréquent, il peut se caractériser
C1) Selon leur aspect histologique, on distingue trois types d'adénomes :
a) tubuleux (70 %) ;
b) villeux (10 %) ;
c) mixte (tubulo-villeux) (20 %).
C2) La prévalence des adénomes augmente avec l'âge :
a) 10 % entre 40 et 60 ans ;
b) 20 % après 60 ans.
C3) La filiation adénome-cancer est bien établie :
a) environ deux tiers des cancers colo-rectaux ont pour origine un adénome ;
c) de 5 à 10 % des adénomes se cancérisent ;
d) il s'écoule en moyenne de cinq à dix ans entre la naissance de l'adénome et sa cancérisation.
D) Quelles sont les nouvelles entités lésionnelles récemment décrites ?
Il s'agit des suivantes :
a) adénomes festonnés ;
b) adénomes plans ;
c) foyers de cryptes aberrantes.
E) Adénomes festonnés
E1) Les adénomes festonnés (AF) sont ainsi appelés en raison de l'aspect festonné ou dentelé de la lumière des cryptes qui les constituent ( serrated adenoma en anglais). Ils associent des caractéristiques de l'adénome et du polype hyperplasique.
E2) Typiquement, les AF mesurent moins de 5 mm (et ressemblent macroscopiquement aux polypes hyperplasiques), mais 20 % d'entre eux mesurent plus de 1 cm.
E3) Une dysplasie de haut grade s'observe sur 15 % des AF.
E4) Des polyposes de plus de 50 AF ont été décrites ; elles se cancérisent dans deux tiers des cas.
F) Adénomes plans
F1) Comment définir l'adénome plan (AP) ?
a) En endoscopie, il est défini par une épaisseur inférieure à la moitié de son plus grand diamètre.
b) Histologiquement, il est défini par une épaisseur inférieure au double de celle de la muqueuse normale.
F2) Quel est l'aspect d'un AP ?
a) Typiquement, c'est une lésion pleine surélevée, de moins de 1 cm, dont la surface est plane.
b) La surface peut aussi être déprimée (20 %).
F3) La prévalence des AP en Occident est plus importante qu'on ne le pensait jusqu'à une époque récente.
F4) Le taux de détection augmente si l'on utilise la chromo-endoscopie (usage de colorants).
F5) Une dysplasie de haut grade est plus souvent présente sur les AP (plus de 10 %) que sur l'adénome banal (de 3 à 8 %), notamment si le centre est déprimé (> 20-40 %).
F6) Le risque de cancérisation des AP est aussi corrélé à la taille :
a) < 5 % en dessous de 1 cm ;
b) environ 30 % au dessus de 1 cm.
G) Foyers de cryptes aberrantes
G1) Comment détecter des foyers de cryptes aberrantes (FCA) ? Les FCA peuvent être vus en ayant recours à :
a) une loupe ;
b) un endoscope à optique grossissante. Ils sont mieux vus après application d'un colorant (bleu de méthylène à 0,2 %).
G2) La prévalence des FCA augmente avec l'âge.
G3) Il y a des arguments en faveur d'une relation entre FCA, d'une part, adénome et cancer, d'autre part.
H) Que penser des polypes hyperplasiques, également fréquents ?
H1) Le polype hyperplasique (PH) n'est pas considéré comme une lésion néoplasique et n'a, en principe, pas de potentiel cancéreux.
H2) Il faut aussi connaître les faits suivants.
a) Les facteurs de risque (régime pauvre en fibres, déficit en calcium alimentaire et alcoolisme) ou protecteurs (aspirine, AINS) sont les mêmes pour les PH et les adénomes.
b) La présence de PH dans le recto-sigmoïde (leur siège de prédilection) est associée à un adénome > 1 cm ou à un cancer proximal dans 25 % des cas.
c) Le diagnostic entre PH et adénome festonné (voire entre PH et adénome) peut être difficile. En pratique, il convient d'être particulièrement « vigilant » dans les cas suivants :
i) PH > 1 cm, isolé ou a fortiori multiple ;
ii) PH de siège proximal.
I) Comment dépister les polypes (adénomes) ?
I1) Le dépistage de masse des adénomes (et cancers) coliques repose sur la recherche de sang occulte dans les selles (Hémoccult II), répétée de façon régulière.
I2) Quels sont les résultats ?
a) De 2 à 3 % des patients testés ont un test positif.
b) Parmi les patients positifs :
i) 10 % ont un cancer (souvent à un stade de début) ;
ii) de 30 à 40 % ont un adénome.
I3) La sensibilité du test Hémoccult II n'est pas bonne :
a) 60 % pour le cancer colique ;
b) encore plus faible pour les adénomes.
I4) C'est pourquoi l'Hémoccult II ne doit pas être utilisé comme test diagnostique chez un sujet symptomatique.
I5) L'Hémoccult II est un test de dépistage : il permet de choisir, parmi des sujets asymptomatiques, ceux auxquels on va proposer une coloscopie.
J) Quelle surveillance proposer en cas d'adénome ?
J1) En cas d'antécédent familial d'adénome, les arguments en faveur d'un contrôle endoscopique sont les suivants :
a) âge du diagnostic, avant 60 ans,
b) antécédent familial de cancer colo-rectal,
c) adénome de taille > 1 cm (discuté).
J2) En cas d'antécédent personnel d'adénome, les recommandations (françaises et/ou américaines) sont les suivantes :
a) contrôle à trois ans dans les situations suivantes :
i) adénome > 1 cm ;
ii) adénomes < 1 cm, mais dont le nombre est > 2 ;
iii) contingent villeux ;
iv) dysplasie de haut grade ;
v) adénome chez un sujet ayant aussi un antécédent familial de cancer colo-rectal ;
b) dans les autres cas, le contrôle endoscopique peut attendre cinq ans.
K) Que faire après ablation endoscopique d'un adénome cancérisé ?
Plusieurs situations doivent être envisagées, selon les résultats de l'étude histologique complète de la pièce de polypectomie.
K1) En cas de dysplasie de haut grade : coloscopie de contrôle à trois ans.
K2) En cas de carcinome intra-muqueux (la musculaire muqueuse est respectée) : une coloscopie à trois ans est préconisée.
K3) En cas de carcinome invasif (la musculaire muqueuse est franchie), on peut néanmoins ne pas opérer le malade (colectomie complémentaire) et se contenter d'une surveillance rapprochée (à trois mois), à condition que les quatre critères suivants soient présents :
a) l'examen histologique a pu être complet ;
b) il s'agit d'une lésion bien ou moyennement différenciée ;
c) absence d'emboles lymphatiques ou vasculaires ;
d) la résection passe à plus de 1 mm de la zone cancérisée (marge de sécurité).
Réponse
L'assertion H2) b) est inexacte. En effet, lorsqu'il existe un polype hyperplasique dans le rectum ou le sigmoïde, la prévalence d'un adénome de plus de 1 cm ou d'un cancer proximal associé n'est pas de l'ordre de 25 % mais de 5 %.
Pour en savoir plus : Polypes coliques. « Gastroenterol Clin Biol », 2003 ; 27 : 59-88.
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