Polyarthrite rhumatoïde : un anti-TNF alpha recombinant 100 % humain

Publié le 28/04/2003
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Pour sa stratégie de recherche, le Laboratoire Abbott International s'est singularisé en choisissant une approche à la fois biologique et chimique d'affections telles que les maladies auto-immunes et certains cancers. Le développement d'anticorps monoclonaux est l'illustration des choix de l'approche biologique développée au sein des laboratoires de Worchester (Etats-Unis). Dirigés contre des cibles telles que des cytokines, des facteurs de croissance ou des molécules d'adhésion, le champ d'utilisation des anticorps monoclonaux est large : maladies auto-immunes, cancers ou affections métaboliques. Leur durée d'action, évaluée de quinze jours à un mois, laisse penser que ces substances pourraient aussi être utilisées dans de nombreuses autres affections.
« Les premiers anticorps monoclonaux développés dans les années 1970 étaient exclusivement constitués de protéines murines. Leur utilisation chez l'homme tendait à produire des réactions d'immunisation limitant dans le temps l'action de ces médicaments », explique le Dr Jochen Salfeld, vice-président du département de recherche biologique du Laboratoire Abbott. Pour pallier cet inconvénient, la deuxième génération d'anticorps, dite chimérique, n'était plus constituée que de 25 % de protéines animales. Ce chiffre est passé à 10 % dans la troisième génération d'anticorps dits humanisés.

D2E7 ou adalimumab

La recherche Abbott a permis de mettre sur le marché un anticorps 100 % humain recombinant à action anti-TNF alpha : le D2E7 ou adalimumab. C'est son action contre le TNF alpha - dont le rôle est essentiel en matière de progression de certaines affections auto-immunes, au premier rang desquelles la polyarthrite rhumatoïde - qui a dicté les premières études cliniques. Dans cette maladie, le rôle des cytokines inflammatoires commence à être mieux compris : le TNF alpha, produit par les macrophages, agit conjointement avec les interleukine 1 et 6 sur les trois types de cellules osseuses : chondrocytes, fibroblastes et ostéoclastes. Il s'ensuit une production de métalloprotéinases et d'autres molécules qui induisent la migration de cellules polynucléaires au sein de l'os et produisent une érosion de la matrice et du cartilage. Le blocage spécifique de l'action du TNF alpha par le D2E7 permet de limiter ces phénomènes et de diminuer les manifestations de la maladie sur le cartilage et les os.
Les études cliniques du D2E7 ont été mises en place dès 1997, chez des patients atteints de PR à un stade évolué, en complément ou non d'un traitement de fond par du méthotrexate.

Des bibliothèques d'antigènes

« Actuellement, nous disposons de données cliniques sur 2 955 patients-années et certains des 2 000 sujets traités reçoivent ce médicament depuis plus de six ans », précise Elliot Chartash, directeur médical. Les études ont montré que le D2E7 utilisé en combinaison avec du méthotrexate est actif sur la progression de la maladie et permet une amélioration clinique (critère ARC 20, 50 ou 70 obtenu dans une proportion significativement plus importante).
Le Laboratoire Abbott poursuit sa stratégie d'identification d'anticorps humains en se fondant sur l'analyse de « bibliothèques d'antigènes » déterminés à partir de volontaires sains.
L'une des autres approches thérapeutiques développées au sein du groupe recherche et développement de Worchester tient à l'identification de cibles enzymatiques intracellulaires - les kinases - impliquées dans certains processus pathologiques. Chacune des kinases est dotée d'une fonction unique et le blocage spécifique de ces enzymes permet une action ciblée au niveau cellulaire. Les chercheurs d'Abbott se sont intéressés à une enzyme impliquée dans la production du TNF alpha, la COT kinase. Ils ont créé une souris transgénique pour ce gène et ont ainsi pu confirmer le rôle central de cette enzyme dans la production de cytokines. Actuellement, des biologistes travaillent à la synthèse d'un inhibiteur de cette enzyme qui pourrait, dans les prochaines années, devenir l'un des premiers antagonistes du TNF alpha utilisables par voie orale chez les sujets atteints de polyarthrite rhumatoïde, de psoriasis ou de maladie de Crohn.

Un voyage de presse au centre de recherche Abbott (Worchester).

La recherche Abbott

Au cours des dernières années, trois produits ont obtenu l'autorisation de mise sur le marché aux Etats-Unis et/ou en Europe : le tulobuterol, un bronchodilatateur,
le levalbuterol, un autre bronchodilatateur indiqué dans l'asthme, le D2E7, un anticorps 100 % humain recombinant anti-TNF indiqué dans la polyarthrite rhumatoïde.
Cette même molécule est en phase III d'essais cliniques pour l'indication du rhumatisme psoriasique, de la spondylarthrite ankylosante et de l'arthrite juvénile idiopathique. Elle est aussi en phase II pour l'indication de maladie de Crohn et pour le psoriasis. Le J-695 - un autre anticorps 100 % humain à action anti-IL12 - est testé en phase II. Des inhibiteurs de l'angiogenèse font actuellement l'objet de recherches cliniques préliminaires. Enfin, des inhibiteurs de la transduction des signaux intracellulaires, des inhibiteurs des cytokines et un anticorps anti-IL18 100 % humain (destiné à traiter certaines maladies auto-immunes) sont en phase d'essais préclinique.

Dr Isabelle CATALA

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7325