L ES mesures des polluants dans l'environnement ne peuvent permettre d'évaluer avec fiabilité les effets chez les humains, en raison des variations interindividuelles importantes d'absorption et de métabolisme. En revanche, les biomarqueurs de l'exposition sont plus directement associés aux effets et peuvent rendre compte d'un risque potentiel avant l'apparition des pathologies.
Cette conclusion est celle d'un groupe belge (« The Environnement and Health Study Group »), qui a travaillé sur quatre classes de polluants environnementaux : les métaux lourds, les biphényls polychlorés (BPC), les composés organiques volatiles (COV) et les hydrocarbures polycycliques aromatiques (HPA). Ils ont choisi comme cible des adolescents de 17 ans (âge auquel on peut mesurer des expositions cumulées ou récentes), vivant à une dizaine de kilomètres des industries chimiques du port d'Anvers. Industries qui comprennent une grande fonderie de métaux non ferreux, deux incinérateurs de déchets, un crématoire, une imprimerie et d'autres usines.
200 adolescents participants (dont 120 filles) ont été inclus, ainsi que 100 sujets contrôles vivant dans une région rurale éloignée des industries.
Dans le sang et les urines
Les biomarqueurs de l'exposition dans le sang et les urines ont été mesurés et les médecins scolaires ont relevé les volumes testiculaires et évalué la maturation sexuelle.
Globalement, le groupe conclut d'une part à l'intérêt et à la fiabilité des biomarqueurs et, d'autre part, que « les standards environnementaux sont insuffisants pour éviter des effets biologiques qui pourraient causer des troubles à l'âge adulte ».
De fait, des phénomènes significatifs sur le développement sexuel sont observés. Les volumes testiculaires des garçons sont réduits dans les régions proches des industries, par rapport aux adolescents contrôles de la campagne. Les incinérateurs et la fonderie de plomb peuvent rendre compte de ce fait, estiment les auteurs, par relargage de xéno-estrogènes, avec une exposition significative pendant la vie fœtale, néonatale ou prépubertaire (période où s'achève la multiplication des cellules de Sertoli, déterminant le volume testiculaire). « Les xéno-estrogènes peuvent réduire le sexe ratio mâle/femelle et la fertilité humaine en raison de leurs effets sur la survie fœtale en fonction du sexe », rappellent les auteurs.
A l'endroit de relargage des composés dioxinés, un retard de maturité sexuelle (taille des seins et des organes génitaux) est constaté chez un nombre significativement plus élevé d'adolescents. Ce phénomène est mis en relation avec les BPC et les composés dioxinés qui s'accumulent dans les tissus graisseux, se fixent aux récepteurs hormonaux et perturbent les métabolismes endocriniens, particulièrement les estrogènes (en ce qui concerne les BPC aux effets estrogéniques et antiandrogéniques). Les deux polluants sont produits par de nombreuses réactions chimiques industrielles depuis les années cinquante, ils sont devenus des polluants environnementaux courants et se retrouvent dans la viande, le poisson et les laitages.
Les concentrations de plomb et de cadmium dans le sang et celles des métabolites des COV dans les urines sont plus élevées dans les banlieues industrielles que dans les régions rurales contrôles. Les biomarqueurs des dysfonctionnements glomérulaires ou tubulaires se sont révélés corrélés de manière positive aux taux sanguins de plomb. Tandis que les biomarqueurs des altérations de l'ADN sont corrélés aux métabolites urinaires des HPA et aux COV.
« Lancet », vol. 357, 26 mai 2001, 1660-1669.
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