Jusqu'à présent, pour mesurer les effets à court terme de la pollution de l'air sur la santé humaine, on n'utilisait que deux indicateurs sanitaires : les admissions hospitalières et les chiffres de mortalité. A en juger par l'étude de faisabilité réalisée durant l'année 1999 sur la commune de Rouen, à partir de données fournies par l'union régionale des caisses d'assurance-maladie (URCAM)*, un nouvel indicateur semble bien plus pertinent : celui des ventes de médicaments spécifiques, qui permet une surveillance épidémiologique dans des zones géographiques plus réduites et sur des populations plus ciblées qu'avec les indicateurs sanitaires classiques.
Dès 1993, un réseau de surveillance avait été mis en place à l'initiative des pharmaciens de la ville du Havre, composé d'une quarantaine d'officines. Il avait notamment montré que l'indicateur « vente de médicaments » contenait une information originale sur l'incidence journalière des cas soignés en ambulatoire, particulièrement intéressante dans l'étude des facteurs environnementaux.
L'étude rouennaise le confirme. Deux classes de médicaments ont été retenues pour être, a priori, concernées par la pollution atmosphérique : les antiasthmatiques et les médicaments du rhume, expectorants et antitussifs.
Pour l'année 1999, 132 916 délivrances de ces produits ont été effectuées (33 % pour les premiers et 67 % pour les seconds). L'URCAM a analysé les données sur les acheteurs en ne retenant que les huit derniers chiffres du numéro d'archive (qui en totalise dix-neuf), de manière à renforcer l'anonymat des données (procédure validée par la commission nationale Informatique et Libertés). Il en ressort que les médicaments étaient destinés pour 44,9 % à des hommes et 55,1 % à des femmes, pour 49,8 % aux 15-64 ans, 32,9 % aux moins de 14 ans, 10,8 % aux 65-74 ans et 6,5 % aux 75 ans et plus.
Des rythmes saisonniers
En moyenne, 1,31 boîte a été prescrite. Sur les graphiques réalisés pour représenter les séries temporelles journalières de ventes sur douze mois, des rythmes saisonniers apparaissent clairement, avec un nombre plus important de ventes en hiver qu'en été et une périodicité hebdomadaire, liée à la fermeture dominicale des officines.
C'est sur ce dernier point que le biais blesse : la vente est liée au rythme des jours ouvrés (chute du niveau de vente les dimanches et jours fériés). Autre biais : la prise en compte par l'assurance-maladie des seuls médicaments remboursés. Récupérer des données sur les produits non remboursés nécessiterait la mise en place d'un recueil épidémiologique spécifique auprès des pharmaciens.
A ces réserves près, l'étude de faisabilité n'en est pas moins probante. L'indicateur « ventes de médicaments à visée respiratoire sur la commune de Rouen » (106 000 habitants) est 159 fois plus élevé (476 boîtes vendues par jour) que l'indicateur de mortalité (3 décès pour la capitale haut-normande intra muros et 10 en moyenne pour son agglomération).
La conclusion établit donc la suprématie de l'étude écologique temporelle à partir des ventes de médicaments, par rapport aux indicateurs sanitaires classiques.
* « BEH » n° 09/2002, par Alexandre Pitard (observatoire régional de la santé de la Haute-Normandie).
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