CE N’EST DONC UN MYSTÈRE pour personne : Johnny Hallyday et Doc Gynéco sont favorables à Sarkozy, Renaud à Ségolène Royal. On ne voit pas très bien au nom de quelle morale les candidats devraient s’abstenir de faire connaître leurs amis, ni pourquoi les artistes de variétés, les écrivains ou les acteurs devraient cacher leur engagement.
On suppose que, dans le cas des personnalités de la vie civile qui adhèrent publiquement à un candidat, elles espèrent attirer vers lui les gens qui les admirent. Les recettes de certains spectacles démontrent, il est vrai, que la popularité d’un chanteur de rock est probablement plus grande que celle d’un homme politique ; ce qui ne peut être vérifié toutefois que si le rocker est candidat à son tour. Mais, après tout, il y a aussi des gens qui détestent le rock, ou qui ne trouvent pas, dans la voix de Johnny, de quoi les séduire ; ou encore des gens pour qui Doc Gynéco est un gentil garçon, sans plus. Ce qui signifie qu’un représentant de la vie dite civile peut aussi causer du tort à un candidat, du moins marginalement.
De toute façon, on ne croira pas, en l’absence d’études plus approfondies que celles des journaux, que la contribution d’artistes populaires pour leur art soit déterminante dans la popularité d’un homme ou d’une femme politique. M. Hallyday ou Mme Line Renaud, connue pour son soutien à Jacques Chirac, sont-ils des leaders d’opinion ? Apportent-ils des voix, comme des leaders de fédérations socialistes ? Certes non. L’identification de Nicolas Sarkozy à Doc Gynéco, par exemple, peut nuire au candidat.
De même que l’identification de Doc Gynéco à M. Sarkozy ne rend pas nécessairement service à l’artiste. La preuve en est que « Libération » explique son adhésion à Sarko par la chute de sa notoriété. Il compterait donc sur le président de l’UMP pour relancer sa carrière de rappeur, qui, c’est vrai, s’est un peu dissoute sur les plateaux de télévision où il a fait rire par des propos pourtant rares.
Le courage des artistes.
L’idée selon laquelle la « peopolisation » des candidats sortirait du champ de l’éthique (pour cela, il faudrait prouver qu’elle donnerait à l’un ou à l’autre un avantage insurmontable) ne nous paraît donc pas convaincante, encore moins convaincante, en fait, qu’une stratégie politique fondée sur la fréquentation des acteurs.
LES ARTISTES N'APPORTENT RIEN AUX HOMMES POLITIQUES, QUI PEUVENT D'AILLEURS LEUR CAUSER UN PREJUDICEEn revanche, il faut beaucoup de courage aux artistes pour annoncer la couleur. M. Hallyday, qui est aimé par la France entière, sait pertinemment qu’il indispose au moins la moitié de ses « fans » quand il se prononce en faveur de M. Sarkozy et fait publiquement son éloge. Il n’a, dans cet engagement, aucun intérêt commercial et fait même courir un risque à ses revenus, si d’aventure des citoyens de gauche renonçaient à écouter ce suppôt de la droite.
On remarque d’ailleurs que la contribution des acteurs ou artistes à la vie politique n’enlève rien à la bipolarisation, à laquelle François Bayrou veut mettre un terme sans dépasser le score de 6 % dans les sondages. De sorte que l’on peut se dire que son influence sur le choix des électeurs est à peu près nulle. Ce qui est plus vrai, c’est que la politique s’accommode de plus en plus mal de l’austérité et que les shows à l’américaine sont plus fréquents en Europe (notamment en Italie où M. Berlusconi gagne en se servant du spectacle) et même en France où ils ne sont pas l’apanage de M. Sarkozy. Ségolène Royal, à son tour, fera, pendant la campagne, le meilleur usage des célébrités qui seront nombreuses à la rejoindre. Bien entendu, pour des gens comme Lionel Jospin, cette évolution du débat d’idées vers le spectacle est hautement suspecte ; preuve que, s’il est candidat, ce sera la dernière fois. Car ainsi vont les choses.
Mais enfin, il ne sert à rien de combattre cette évolution ou de la dénoncer parce qu’elle n’a pas de signification profonde : la politique-spectacle a toujours existé ; elle ne détermine rien du scrutin, pas plus qu’elle ne nous entraîne vers ces tragédies politiques inévitables où ne sont impliqués que ceux qui, en définitive, nous gouvernent.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature