LA CHOSE n'est pas banale, c'est un chef de pôle qui a décidé de tirer la sonnette d'alarme à Sainte-Anne. Le Pr Frédéric Rouillon y dirige la clinique des maladies mentales et de l'encéphale (CMME). «Au lieu de faire des économies sur les gaspillages, et il y en a à Sainte-Anne, on risque de nous imposer des économies aveugles sur le personnel paramédical, pourtant essentiel dans le soin», met en garde ce PU-PH.
Anorexie, boulimie, suicide, trouble bipolaire et dépression : l'unité accueille des cas lourds. Certains séjours pour les anorexiques durent des mois. L'attente pour obtenir une place dans ce service, unique en France, aussi. Là plus qu'ailleurs, l'écoute et la parole priment. Mais les effectifs, déjà, sont tendus. «Nous assurons l'essentiel: l'aide à la toilette, la surveillance des traitements, l'accompagnement aux consultations. Nous n'avons pas de temps pour le reste. Et nous avons du mal à poser nos congés», explique Christelle Carré, infirmière à l'étage des troubles de l'humeur.
Un plan de retour à l'équilibre financier est lancé, qui concerne un autre pôle de Sainte-Anne, déficitaire – le centre Raymond-Garcin, spécialisé en neurologie, en neurochirurgie, en neuroradiologie. Des transferts de moyens sont-ils à l'ordre du jour, qui se solderaient par une baisse d'effectifs paramédicaux dans les autres pôles ? Le Pr Rouillon l'a redouté jusqu'à ce que la direction affirme qu'il n'en était pas question. «Notre directeur est en train de faire machine arrière par rapport à son projet de réduction des effectifs», explique le Pr Rouillon.
Vigilance.
Loin de crier au loup, la CME semble au contraire assez sereine. «Le plan de retour à l'équilibre est sur les rails, la CME a approuvé les présentations faites, observe le Dr Bertrand Garnier, vice-président de la CME de Sainte-Anne . Nous sommes vigilants, mais la situation n'est pas périlleuse. D'autres hôpitaux sont beaucoup plus en difficulté que nous.»
Le directeur de Sainte-Anne, Jean-Luc Chassaniol, assure que l'effectif soignant global ne baissera pas, même si des réductions d'emplois (18) sont prévues ici ou là. Le plus dur, pour lui, reste à faire accepter le principe d'une certaine mobilité à son personnel. «Un hôpital emblématique comme Sainte-Anne, note le directeur, se doit d'être exemplaire et en avance sur les réorganisations s'il ne veut pas être devancé par le privé. Pour développer des projets, nous n'avons pas d'autre choix que de redistribuer des postes entre les pôles.»
Dans les services à flux tendu que dirige Pr Rouillon, le message passe mal. Jacqueline Nkombo, aide-soignante à l'étage des suicidants, fait le lien entre certaines évasions de patients, et le recours de plus en plus fréquent aux intérimaires. «Ce n'est pas du bon travail d'atterrir dans un service où on ne connaît pas les patients», dit-elle. Infirmier dans le même service, Philippe Llopis partage son avis : «Cette mobilité forcée va à l'encontre d'une bonne prise en charge.» Il dénonce «une politique comptable qui risque de limiter le rôle des soignants à des gardiens de porte», si d'aventure des postes de soignants devaient être supprimés dans son service.
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