DIX MILLIARDS d'euros en 2004 : l'addition des dépenses administratives du régime général est salée, ces frais représentant 4 % des dépenses totales (près de 6 milliards pour la seule branche maladie, qui emploie 106 000 agents).
Éminemment sensible, le sujet des coûts de gestion des branches de la Sécu a été disséqué par les députés de la nouvelle mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la Sécu (Mecss), pour la deuxième fois (« le Quotidien » du 14 février). Peut-on améliorer la productivité ? Reconfigurer le réseau territorial ? Gérer mieux les carrières des agents et les ressources humaines ? Ne pas remplacer tous les départs sans nuire à la qualité ? Réorienter l'activité du contrôle médical ? Les questions sont complexes et les avis partagés.
Le réquisitoire de la Cour des comptes.
Auditionné par les députés de la mission, Philippe Séguin, premier président de la Cour des comptes, dresse un tableau particulièrement sombre de la situation, dans la droite ligne du rapport de la cour, présenté en septembre dernier. Le réseau des caisses serait « pléthorique » (500 organismes de base dont 129 caisses primaires maladie) , la carte territoriale « figée depuis 1945 » et « sans pilotage d'ensemble ». Selon le président de la cour, les premières générations de conventions d'objectifs et de gestion (COG, conclues entre l'Etat et les caisses nationales depuis 1996), ont permis d'améliorer la qualité du service rendu aux usagers mais en négligeant la productivité des branches. « Le pôle production des Cpam (qui traite un milliard de feuilles de soins par an) n'a pas tiré parti des gains de productivité très importants des procédures totalement automatisées », déclare Philippe Séguin. Un défi de productivité prioritaire pour la future COG « maladie », qui se négociera cet automne pour quatre ans.
Christian Babusiaux, magistrat à la cour, est plus direct. « Dans la COG maladie, le contrôle médical a été oublié : aucun indicateur de mesure de l'activité, aucun renseignement, pas d'objectifs fixés. » Un contrôle médical qui n'aurait pas de pilotage centralisé. « Avoir 129 politiques locales (pour autant de caisses primaires) n'est pas satisfaisant. Cela crée une certaine anarchie et des tensions avec les professionnels de santé. »
Il propose à la fois de « resserrer la contrainte budgétaire », de regrouper des caisses, mais aussi de réviser les mécanismes d'intéressement à la Sécu avec des indicateurs portant notamment sur « la réduction des coûts ». Un programme plutôt offensif, qui ne déplaît pas aux parlementaires UMP.
L'Etat « langue de bois ».
Dominique Libault, directeur de la Sécurité sociale au ministère de la Santé (DSS), ne partage pas ce réquisitoire. Pour ce responsable, qui négociera au nom de l'Etat la prochaine COG avec la Cnam, le pilotage du réseau s'est « modernisé » et le service public de la Sécu a su s'adapter non seulement aux « nouvelles charges de travail » (CMU, par exemple), mais aussi au « vieillissement et à la précarité » des assurés sociaux. Il admet toutefois que, pour réduire les « disparités » de coût entre les caisses, « les départs à la retraite créent des opportunités ». Tous ne seront pas remplacés. La rationalisation des achats constitue également un « axe de progrès ». Interrogé par les députés sur les économies précisément envisagées poste par poste d'ici à 2007 (la loi impose une baisse des coûts de gestion de 200 millions d'euros pour la branche maladie), Dominique Libault s'est contenté d'évoquer un gain de productivité de « 2 à 3 % par an au minimum ». Mais il a refusé de dévoiler les orientations de la future COG « maladie » et donc les efforts quantifiés qui seront demandés aux organismes de la Sécu. Des réponses jugées évasives par plusieurs députés de la Mecss. « Je reste sur ma faim », expliquait Jean-Pierre Door (UMP, Loiret), rapporteur de la mission. « Pas satisfait » de ces réponses « langue de bois », Pierre Morange (UMP, Yvelines), coprésident de la mission avec Jean-Marie Le Guen (PS), compte adresser un questionnaire détaillé à la Direction de la Sécurité sociale.
La prudence de Fragonard.
Également entendu par la Mecss, Bertrand Fragonard, le président du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance-maladie, a calmé les ardeurs de ceux qui auraient le « fantasme d'une gestion pas chère ». Cet ancien directeur de la Cnam n'a « jamais considéré que cette question (des coûts de gestion) était le problème majeur de la Sécu ». D'autant que cette variable « ne change pas les conditions financières de la Sécu » si l'on se réfère à la dimension vertigineuse du déficit de la branche maladie (13 milliards d'euros en 2004). Bertrand Fragonard explique surtout que la législation sur l'assurance-maladie « de plus en plus sophistiquée » avec des préoccupations « de plus en plus ciblées » est porteuse de coûts administratifs pour la Sécu. Ainsi, la gestion du nouveau forfait de 1 euro ou des seuils de la CMU, le contrôle accru des ALD ou des arrêts de travail ne peuvent se faire sans moyens. « On peut faire des efforts mais on ne va pas écrouler les frais administratifs », avertit Bertrand Fragonard. Une façon d'inviter les parlementaires à la prudence.
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