« L'HOMEOPATHIE est une méthode imaginée il y a deux siècles à partir d'a priori conceptuels dénués de fondement scientifique » : ainsi commence, de manière plutôt abrupte, le texte de l'Académie de médecine intitulé « Faut-il continuer à rembourser les préparations homéopathiques ? ».
Dans ce communiqué rédigé par le Pr Maurice Guéniot, et entériné par la quasi-totalité des 130 académiciens qui ont voté pour à 124 voix (deux contre et quatre abstentions), l'homéopathie est décrite comme une « méthode obsolète », qui ne répond « en rien à la définition du médicament, ni dans sa nature, ni dans sa destination ». Pour le Pr Maurice Guéniot, on sait que les préparations homéopathiques « sont produites par une succession de dilutions allant jusqu'à l'échelle centésimale : à ce niveau, nos moyens d'investigations ne permettent plus la mise en évidence d'une seule molécule de la substance originelle ». De plus, ajoute-t-il, la plupart des médicaments homéopathiques se placent dans « une illégalité totale ».
En effet, selon lui, le code de la santé stipule que la preuve de leur intérêt thérapeutique doit être fournie par une succession d'essais, y compris des comparaisons en double aveugle, ce dont les « producteurs de soi-disant médicaments homéopathiques s'abstiennent résolument. L'Académie de médecine estime qu'il faudra exiger la démonstration d'activité de ces produits comme le font tous les laboratoires diffusant des médicaments en France ».
Dans ces conditions, conclut le Pr Guéniot, « le remboursement de ces produits par la Sécurité sociale paraît aberrant à une période où, pour des raisons économiques, on dérembourse de nombreux médicaments classiques » (1).
Un tollé.
Naturellement, la publication de ce communiqué a provoqué un tollé chez tous les acteurs de l'homéopathie. Pour le Dr Dominique Jeulin-Flamme, présidente du Syndicat national des médecins homéopathes français (Snmhf), « les médecins homéopathes sont stupéfaits par la publication de ce texte qui n'est qu'un condensé de toutes les vieilles attaques contre l'homéopathie ». Le Dr Jeulin-Flamme relève des inexactitudes dans le communiqué de l'Académie : « Le rapport, dit-elle, doit préconiser le déremboursement de l'homéopathie et précise que l'Allemagne et les pays du nord de l'Europe ont agi de même voilà plusieurs années. Or ces pays du nord de l'Europe n'ont jamais remboursé l'homéopathie. On voit donc mal comment ils pourraient la dérembourser. Quant à l'Allemagne, c'est vrai qu'elle a procédé au déremboursement, mais, dans le cadre d'un plan draconien de lutte contre la dérive des dépenses de santé, un plan qui allait bien au-delà de la seule homéopathie. »
Plus généralement, le Dr Jeulin-Flamme estime que le communiqué fait peu de cas des 5 000 médecins homéopathes et des 25 000 autres médecins qui prescrivent occasionnellement de l'homéopathie, discipline reconnue par le Conseil de l'Ordre des médecins : « Nous allons réagir en tant que médecins ; nous sommes en train de finaliser la création de la société savante d'homéopathie qui verra le jour avant la fin de l'année. Elle permettra notamment d'affiner l'évaluation des pratiques. Les académiciens sont coupés de la pratique médicale quotidienne, qu'ils laissent les médecins homéopathes travailler et avancer. »
« Pourquoi tant de haine ? »
Aux Laboratoires Boiron, numéro 1 français de l'homéopathie, on ne comprend pas non plus les raisons de cette charge soudaine : « Pourquoi tant de haine, se demande un responsable du laboratoire, et pourquoi l'Académie s'acharne-t-elle contre nous ? » Pour les Laboratoires Boiron, il est parfaitement faux de prétendre que les spécialités homéopathiques ne sont pas des médicaments : « Le code de santé publique dit le contraire et, sur les boîtes, il y a des vignettes. »
Même chose pour l'absence d'essais pharmacologiques et cliniques, ou d'études sur l'homéopathie : « Il y a eu des centaines d'articles et d'études publiées, parfois dans le " Lancet".Il suffit de consulter les bases de données pour en trouver autant qu'on veut. » D'autant, ajoute-t-on chez Boiron, que face à des déremboursements de spécialités homéopathiques, un patient sur deux se tourne vers d'autres médicaments, mieux remboursés, et bien plus chers. Mais le laboratoire français leader de l'homéopathie (depuis sa fusion avec Dolisos, il contrôle 95 % du marché français de l'homéopathie) se veut pragmatique : « Nous ne prévoyons aucune action offensive, nous privilégions la négociation. Et, après la baisse du taux de remboursement de l'homéopathie (son taux de remboursement par les caisses est passé de 65 à 35 % dans la loi de financement de la Sécurité sociale 2004), nous proposons le retour à un taux de remboursement de 65 % pour certaines spécialités, et le déremboursement total pour certaines autres. »
Enfin, le ministre de la Santé s'est exprimé, prudemment, sur le communiqué de l'Académie de médecine : « Je vais regarder pourquoi l'Académie de médecine a publié ce texte ; mais c'est à la future Haute Autorité de santé que reviendra la charge de dire ce qui est utile ou pas », a-t-il expliqué lors de sa conférence de presse sur la réforme de l'assurance-maladie (voir page 4).
(1) L'intégralité du communiqué est disponible en ligne sur le site de l'Académie de médecine : www.academie-medecine.fr
Des spécialités peu coûteuses
Selon les chiffres de la Cnam, les spécialités homéopathiques n'occasionneraient que 150 millions d'euros de remboursement par an pour l'assurance-maladie, avant même le passage de 65 à 35 % de leur taux de remboursement. Soit moins de 1 % du montant total des remboursements, et 4 % environ du volume des médicaments remboursés. L'homéopathie représente environ 1,3 % du chiffre d'affaires global de l'industrie pharmaceutique.
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