On sait que Staphylococcus aureus est responsable d'environ 2 % des pneumonies communautaires et de 10 % des pneumonies nosocomiales. L'affection survient le plus souvent chez des personnes âgées fragilisées par une pathologie sous-jacente.
S. aureus producteur de la leucocidine Panto-Valentine est à l'origine d'infections cutanées (furonculose) mais aussi de pneumonies nécrosantes sévères.
Afin d'étudier l'incidence de cette souche particulière, des chercheurs français avaient, en 1988, repris les données collectées au Centre national de référence pour la surveillance du staphylocoque de Lyon, qui recueille toutes les souches depuis 1985. Dans ce travail, 172 souches avaient été examinées et 27 d'entres elles étaient apparues responsables de pneumonie. La souche PVL positive était en cause dans 22 cas, dont 8 présentaient des particularités cliniques et bactériologiques qui ont alerté les chercheurs français : il s'agissait de pneumonie nécrosante sévère (6 décès) chez des enfants ou adultes jeunes immunocompétents.
Les chercheurs ont donc mis en place un dispositif de surveillance qui impliquait 76 hôpitaux français, dont tous les hôpitaux universitaires. Des données standardisées étaient recueillies pour chaque nouveau cas de pneumonies à S. aureus, indépendamment de la souche responsable. Après analyse de ces 44 nouveaux cas, 8 souches PVL positive ont été identifiées.
Un syndrome grippal souvent présent
L'étude que publie le « Lancet » dans sa dernière édition est issue de cette recherche. Elle a consisté à comparer les 8 cas d'infections à S. aureus PVL positifs de 1998 et les 8 nouveaux cas aux 36 nouveaux cas PVL négatifs.
La pneumonie à S. aureus PVL positif présentaient bien des particularités cliniques et biologiques significativement différentes de la pneumonie provoquée par la souche PVL négative.
Les particularités sont les suivantes :
- l'âge de survenue : en moyenne 14,8 ans (entre 5,4 et 24 ans) contre 70,1 ans ;
- apparition d'un syndrome grippal dans les deux jours précédant l'admission à l'hôpital pour 12 des 16 PLV positif (dont les 8 cas de 1998) contre seulement 3 PLV négatif ;
- des symptômes plus sévères : fièvre supérieure à 39 °C, tachycardie supérieure à 140/min, survenue d'une hémoptysie, et d'un épanchement pleural ;
- une leucopénie ;
- un taux de survie, 48 heures après l'hospitalisation, plus faible : 63 % contre 94 % ; 12 patients PLV positif sont décédés (6 parmi ceux de 1998 et 6 parmi les nouveaux cas), soit un taux de mortalité de 75 % contre 47 % ; l'évolution durant l'hospitalisation a été marquée chez les PLV positif par l'apparition rapide d'une détresse respiratoire ;
- l'examen histologique effectué à l'autopsie de 3 patients PVL positif décédés montraient des ulcérations de l'épithélium respiratoire, avec un envahissement par des cocci Gram positif, un aspect nécrotique et hémorragique.
Le bilan radiologique était en revanche identique dans les deux groupes, avec une infiltration diffuse et bilatérale.
Les souches examinées au centre de référence lyonnais, ont été testés pour leur la production d'autres toxines, notamment pour les superantigènes, telle l'entérotoxine du staphylocoque activatrice des lymphocytes T.
Centre de référence lyonnais
Les expérimentateurs ont comparé deux sous-groupes de PLV positifs : ceux qui possédaient un site pour le superantigène et ceux qui ne le possédaient pas. Ces deux groupes étaient parfaitement homogène. De plus, 5 des 16 souches PLV positif ne possédaient pas ce site, ce qui indique une implication directe du PLV.
Cette toxine PVL appartient à famille des toxines synergohyménotrophiques, ainsi désignées car leur site d'action spécifique (tropisme) se situe au niveau de la membrane cellulaire (hymen).
Son mécanisme d'action est complexe et nécessite la synergie de deux molécules sécrétées indépendamment par la bactérie. L'une qui reconnaît le récepteur membranaire et l'autre qui s'inclut dans la membrane pour former des pores qui entraîneront secondairement la lyse cellulaire.
Mais l'action de la toxine n'est pas seule en cause dans la pathogenèse de l'infection. Le staphylocoque adhérera à l'épithélium respiratoire et sera d'autant plus virulent que celle-ci est fragilisée. Le fait qu'un syndrome grippal ait précédé la plupart des cas PLV positif étudié est en faveur de cette explication, même si la présence d'une adhésine produite par S. aureus peut être aussi discutée.
Selon les auteurs, « S. aureus peut compliquer une grippe chez des enfants et adultes jeunes et évoluer rapidement en une pneumonie nécrosante avec hémoptisie et leucopénie ».
Y. Gillet, B. Issartel, Ph. Vanhems, J.-Ch. Fournet, G. Lina, M; Bes, F. Vandenesch, Y. Piémont, N. Brousser, D. Floret et J. Etienne. « Lancet », 2 mars 2002, vol. 359, pp. 753-759.
Camp de Jackson, 1918 : 350 soldats tués
Des formes de pleuropneumonies ont été décrites chez le jeune enfant (moins de 1 an) dans les pays développés. Fréquentes dans les années cinquante, elles ont disparu à la fin des années soixante. Mais ces pleuropneumonies, mortelles dans 10 % des cas, ne semblent pas être des cas de pneumonie nécrosante. En revanche, certaines pneumonies décrites lors de l'épidémie de grippe de 1918 pourraient avoir été la conséquence d'une surinfection par S. aureus PVL positif. Dans le camp de Jackson, 385 soldats américains sont décédés d'une forme pulmonaire à évolution fulgurante. L'analyse post-mortem des prélèvements pulmonaires a mis en évidence un S. aureus chez 157 d'entre eux. « Qu'une souche PVL positif soit en cause est une hypothèse séduisante qui mériterait d'être explorée », estiment les auteurs de l'étude du « Lancet ».
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