« Le pneumocoque est un grand tueur », souligne le Pr Philippe Reinert et, dans le monde, plus d'un million de décès d'enfants de moins de 5 ans, par pneumopathie et par méningite, lui sont imputés.
En France, depuis l'éradication presque totale des méningites à Haemophilus influenzae b, grâce à la vaccination, le pneumocoque est aujourd'hui le premier responsable des méningites bactériennes chez l'enfant de 2 à 12 mois. La situation est d'autant plus préoccupante que, depuis près de dix ans, la résistance du pneumocoque aux antibiotiques est en constante progression. Si cette résistance est un phénomène mondial, la France et l'Espagne occupent dans ce domaine la première place avec un taux de résistance dépassant les 50 % et une sensibilité diminuée à la pénicilline de 60,6 % (Observatoire national des méningites bactériennes de l'enfant, RICAI 2002) obligeant à modifier les traitements, à préconiser l'adjonction d'un deuxième antibiotique.
Malgré l'utilisation d'antibiotiques bactéricides, S. pneumoniae est la première cause, en France, de mortalité par infection bactérienne communautaire avant 2 ans, la première cause de méningite bactérienne avant 2 ans, avec un pic marqué à 5 mois, avec 11,8 % de mortalité (chiffres de l'Observatoire national des méningites bactériennes de l'enfant, de janvier 2001 à avril 2003) et plus de 30 % de séquelles lourdes.
Mortalité élevée et séquelles lourdes
Les complications neurologiques sont graves et irréversibles (surdité, retard mental, épilepsie, paralysie, troubles visuels). Certaines complications cognitives sont sous-estimées (troubles de l'attention, de la mémoire) et ne sont décelées que tardivement, à l'entrée du primaire, face aux difficultés d'apprentissage, ce qui justifierait un suivi jusqu'à l'âge de 6 ans. Pour le Dr Isabelle Desguerre, « en 2003, il est désolant qu'il existe encore des décès, des séquelles si lourdes chez des jeunes patients alors qu'un vaccin existe, qu'il est efficace et bien toléré ». Car même avec une excellente prise en charge, la mortalité est loin d'être faible (plus de 10 %. « Mais, souligne-t-elle, la conscience des méningites à pneumocoques est lointaine pour les médecins généralistes. »
Un vaccin efficace, sûr, bien toléré, existe : Prévenar, des Laboratoires Wyeth-Lederlé (prix Galien 2003). Il est inscrit dorénavant au calendrier vaccinal des enfants de 2 mois à 2 ans et remboursé par la Sécurité sociale à 65 % pour la plupart des enfants (les indications de vaccination sont très étendues).
Sept sérotypes dans le vaccin
Ce vaccin pneumococcique conjugué contient sept sérotypes de pneumocoque (4, 6B, 9V, 14, 18C, 19F, 23F) impliqués le plus souvent dans les infections pneumococciques invasives de l'enfant. L'efficacité protectrice du vaccin vis-à-vis des infections invasives causées par les sérotypes vaccinaux est de 97,4 %.
Déjà largement utilisée dans le monde avec plus de 50 millions de doses diffusées, cette vaccination évitera, si elle est massive, les 200 cas par an de méningites à pneumocoque en France et protégera, par un phénomène d'immunité collective, l'« effet troupeau », les adultes, particulièrement les 29-30 ans et les plus de 60 ans (ceux en contact avec les jeunes enfants). Aux Etats-Unis, où Prévenar a été lancé en février 2000 et où la vaccination est plus répandue qu'en France, des données du CDC montrent une réduction de 70 % des infections à pneumocoques (suivi de 16 millions de personnes sur sept Etats vaccinés ou non).
D'après un symposium organisé par les Laboratoires Wyeth-Lederlé avec pour intervenants les Prs Philippe Reinert, Edouard Bingen et R. Cohen et le Dr Isabelle Desguerre.
Extrême gravité
Présent dans le nez et dans la gorge chez la grande majorité des enfants dès les premiers mois de la vie, à transmission facile (éternuements, quintes de toux), le pneumocoque, en général, n'engendre pas de maladies. La majorité des enfants sont des porteurs sains. Parfois, par un mécanisme complexe, le pneumocoque passe dans la circulation sanguine et devient redoutable, pouvant atteindre plusieurs organes (septicémie), les poumons (pneumonie) et le cerveau.
Les méningites à pneumocoque, d'une extrême gravité, sont caractérisées par une inflammation réactionnelle des parois des vaisseaux sanguins (vasculite) entraînant un ralentissement, voire un arrêt, de la circulation sanguine et la mort du tissu cérébral, par un dème cérébral pouvant provoquer l'engagement du cerveau et la mort de l'enfant en quelques heures, par l'apoptose auto-induite par le pneumocoque des neurones. Chez le nourrisson, avant 2 ans, le diagnostic est difficile à établir ; ce qui est d'autant plus grave que l'enfant de moins de 2 ans a cinq à dix fois plus de risque de contracter une infection invasive à pneumocoque que l'enfant plus âgé. Les symptômes d'une méningite à pneumocoque se traduisent par un brutal changement de comportement dans un contexte fébrile avec des pleurs et grognements, un refus de s'alimenter et de boire. A l'examen, la nuque est molle, la fontanelle bombée. Cette non-spécificité peut retarder la prise en charge. Même avec la mise en uvre d'un traitement bien conduit, la mortalité est forte, les séquelles graves et nombreuses.
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