Le Sénat peut-il « déminer » le PLFSS 2008 ?

Plusieurs organisations brandissent la menace d'un conflit majeur avec les médecins

Publié le 04/11/2007
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L'ADOPTION EN PREMIÈRE lecture par les députés du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS 2008) a jeté un trouble certain chez les représentants des médecins libéraux ; leurs réactions traduisent étonnement, colère, et parfois sentiment de trahison. «Jamais, même dans nos pires cauchemars, on avait osé imaginer autant d'attaques en si peu de temps», résume, amer, un leader syndical.

Nombre de responsables de la profession en appellent à la sagesse du Sénat, en clair à sa capacité de déminage.

La Haute Assemblée étudiera ce texte en commission à partir de mercredi, avant l'examen en séance la semaine prochaine. D'où le lobbying intensif auquel se livrent certains syndicats. Leur entreprise n'est pas forcément vaine : le contenu du PLFSS est souvent assez différent après la « moulinette » sénatoriale.

Le gouvernement, déjà aux prises avec un front social, pourrait se montrer ouvert à un assouplissement du texte sur quelques points précis. Déjà Roselyne Bachelot souligne que le durcissement du secteur II ou les pénalités contre les récalcitrants à la télétransmission ont été votés «contre son avis» à l'initiative de députés offensifs (et avec l'aval de la gauche).

La partie s'annonce néanmoins difficile pour les médecins libéraux. Comme le constate un membre de la commission des affaires sociales du Sénat, fin connaisseur du dossier, «les foyers de crise sont nombreux –la limitation du secteurII, les contrats individuels, la taxation des feuilles de soins papier, les nouveaux modes de rémunération, le report des revalorisations en cas de dérapage et j'en passe– si bien que le Sénat ne pourra pas tout corriger». D'autant que nombre de sénateurs UMP sont eux-mêmes partisans d'une ligne dure sur la médecine libérale et jugent peu probants les résultats de la maîtrise médicalisée. Ce même expert ne croit donc pas que les sénateurs iront «à contresens» du PLFSS initial.

Malaise dans les milieux chirurgicaux.

En attendant, les syndicats montent au front en ordre dispersé. La CSMF a porté la charge la plus violente, éreintant un PLFSS «nocif» qui «sonne le glas» de la médecine libérale. Excepté l'action de «quelques députés courageux», et hormis le «geste» du gouvernement sur la liberté d'installation, le président de la CSMF Michel Chassang n'a vu que «passage en force» et «jeu de dupes» dans ce projet de loi : retour d'une maîtrise «comptable pure et dure» qui renverrait aux calendes grecques le C à 23 euros et la prochaine étape de hausse de CCAM technique ; «intéressement individuel» des médecins aux économies ; amendements «vexatoires» contre le secteur II ; «flicage» des arrêts de travail ; «paperasserie»… La CSMF estime surtout avoir été «flouée» par Roselyne Bachelot sur le taux de l'ONDAM 2008, présenté comme équilibréentre la ville et l'hôpital (3,2 %). «Il n'y a aucune équité puisque le produit des franchises sera affecté aux trois quarts à l'hôpital, s'emporte Michel Chassang. L'objectif réel des soins de ville sera de 2,3%, ce qui déclenchera le comité d'alerte!»Quid dans ces conditions de la participation de la CSMF aux négociations conventionnelles de fin d'année ? «Le temps de la décision de quitter la convention ou de rester n'est pas venu, déclare Michel Chassang. Pour l'instant on s'organise pour corriger le tir.»

L'inquiétude monte notamment dans les milieux chirurgicaux. Le Dr Jacques Caton, président du Syndicat national des chirurgiens orthopédistes et traumatologues (SNCO), dénonce une «agression caractérisée» contre la chirurgie libéraleet rejette toute législation sur le secteur II, une soupape tarifaire qui assure la «survie» de l'entreprise chirurgicale libérale. «Si on oblige les chirurgiens de secteurII à faire 30% d'actes en tarifs opposables, on rendra le système plus opaque avec des enveloppes et des actes au noir», met-il en garde. Les chirurgiens «iront au conflit» si les mesures les plus «délétères» du PLFSS sont conservées, affirme-t-il. Le Syndicat national des médecins spécialisés en ORL et chirurgie cervico-faciale (SNORL) ajoute que les mesures «scélérates» du PLFSS aggraveront la crise des installations et de la démographie.

La perspective de contrats individuels rémunérés « à la performance » pour les médecins qui veulent aller plus loin (sur la maîtrise médicalisée notamment) est une évidente source d'inquiétude. Le Syndicat national des psychiatres privés (SNPP) est persuadé que ces contrats «accordés aux bons élèves qui respectent à la lettre les injonctions des caisses» aboutiront à un «conflit d'intérêts» médecin-patient.

Au SML, le président Dinorino Cabrera partage l'analyse d'un PLFSS qui conduit «droit dans le mur» et risque d' «anéantir» la dynamique de maîtrise médicalisée. Mais sur la forme, il se «désolidarise» des propos «belliqueux» de certains, une stratégie «suicidaire» pour la profession. « Le gouvernement a disjoncté sur certains points et des députés UMP se sont fait plaisir en durcissant le texte, mais nous n'en sommes pas à la situation de 1995 et du plan Juppé», nuance-t-il.

La FMF : « quelle mouche a piqué Yves Bur ? »

Par comparaison, le camp des opposants à la convention observe une relative discrétion. La FMF a concentré ses piques contre «le député UMP du Bas-Rhin» jugé responsable des initiatives «pénalisant» l'exercice libéral (limitation du secteur II, devis préalables, taxation des feuilles de soins papier). « Quelle mouche a piqué Yves Bur? interroge la FMF. Que souhaite ce député, une fronde des médecins libéraux?». Quant au syndicat de médecins généralistes MG-France, il réserve ses flèches contre les franchises qui «aggraveront encore la désorganisation» du système de soins.Mais le président Martial Olivier-Koehret se «félicite» de la décision du gouvernement d'organiser des états généraux largement ouverts, en janvier 2008, qui traiteront des «vrais sujets» de santé . Pour ce responsable, le rendez-vous des états généraux abordé dans une logique de «négociation» signe «la faillite conventionnelle».

Un front « santé » peut-il se constituer contre le PLFSS ? Selon nos informations, le Centre national des professions de santé (CNPS, où siègent une trentaine d'organisations représentatives des libéraux, médecins, paramédicaux…) s'apprête à monter au front publiquement et à alerter l'Elysée . Un conseil d'administration du CNPS est programmé le 8 novembre pour «préparer la riposte». Et le renouvellement du bureau pourrait conduire à un durcissement de la stratégie.

> CYRILLE DUPUIS

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8249