DECIDEMENT, les affections de longue durée (ALD) sont sur la sellette. Montrées du doigt dans le dernier rapport de la Cour des comptes (« le Quotidien » du 20 septembre), objet des attentions du gouvernement dans la loi du 13 août (1), elles donnent lieu aujourd'hui à une note du Haut Conseil sur l'avenir de l'assurance-maladie. Un document dans lequel, une fois n'est pas coutume, l'accent est mis non pas sur le coût exorbitant pour le régime général de la prise en charge des malades en ALD mais sur le flou qui entoure ces quelque 7,2 millions de malades, que l'on parle de leurs conditions d'entrée (voire de sortie) dans le dispositif, de la qualité des soins qui leur sont dispensés, de leur situation épidémiologique...
Pour le Haut Conseil, certes, l'exonération totale du ticket modérateur pour les malades souffrant d'affections chroniques (engageant souvent le pronostic vital) pèse très lourd - et de plus en plus - dans les comptes de l'assurance-maladie (elle concerne, rappelle la note, « 12,9 % de la population couverte par le régime général » et mobilise « 51,2 % des dépenses totales de santé et 58,4 % des remboursements totaux »). Certes, les ALD « interviennent massivement dans la croissance des dépenseset sont à l'origine de près des deux tiers de cette croissance », avec là aussi une tendance à l'accentuation du phénomène. Mais le Haut Conseil ne met pas la charrue avant les bœufs. Pas question de porter un jugement sur le bien-fondé de ces fortes dépenses sans une connaissance fine de leurs ressorts. Or c'est bien là que le bât blesse : les patients inscrits en ALD restent, pour le système, de grands inconnus.
Combien de malades ?
Pour commencer, on ne sait pas, par exemple, combien ils sont exactement. « Le système statistique n'est (...) pas en mesure d'évaluer de manière fiable le stock des bénéficiaires », commente la note. Autre lacune : les durées d'exonération. Fixées au moment de l'entrée du malade dans le dispositif, elles ne répondent pas, dans la plupart des cas, à des normes précises - le Haut Conseil remarque même que la distribution des premières cartes Vitale a prorogé « administrativement sans vérification de leur état médical » les inscriptions en ALD.
Ce décor pour le moins brumeux étant planté, il n'y a rien d'étonnant à ce que la prospective, en matière d'ALD, manque de clarté. Vu le coût de ces prises en charge, il serait pourtant « important de disposer d'une évaluation de la dépense pour les patients en ALD à l'horizon 2010 (...), ALD par ALD ». Peine perdue. Les études de coûts par ALD n'existent pas.
Le Haut Conseil s'interroge enfin sur la qualité des soins dispensés aux patients inscrits en ALD... et trouve, là encore, une faille : si l'on mesure l'écart entre les référentiels scientifiques et les pratiques, on trouve « une forte prévalence de la non-qualité », accuse la note, oscillant « entre 15 et 50 % ».
(1) Dans la réforme de l'assurance-maladie, plusieurs mesures doivent permettre de mieux réguler les dépenses occasionnées par les ALD, que le régime général de la Sécurité sociale prend en charge à 100 % (protocole opposable au médecin et au patient, signé et présenté systématiquement, révisé régulièrement).
A contre-courant
Sur un certain nombre de points, la note du Haut Conseil remet des pendules à l'heure. Au risque de paraître parfois provocatrice.
Elle revoit par exemple l'estimation du coût des ALD pour le régime général : il est de 8 milliards d'euros, calcule-t-elle, et non pas de 11 milliards comme le Haut Conseil le pensait en 2003. De la même façon, la note révise à la baisse le chiffre des économies attendues d'une bonne utilisation de l'ordonnancier bizone (séparant pour un patient les prescriptions qui relèvent de l'ALD et celles qui n'en relèvent pas) : 600 millions d'euros, selon elle (bien loin des 2 milliards avancés par la Caisse nationale d'assurance-maladie en mai dernier). Le Haut Conseil juge par ailleurs que, en raison d'une « sous-déclaration » des malades, il y a des trous, de l'ordre de 30 %, dans la couverture des assurés potentiellement éligibles au dispositif ALD (sur 1,8 million de diabétiques, 500 000 pourraient être inscrits en ALD et ne le sont pas). Pour les sages enfin, « il serait abusif d'assimiler systématiquement ALD et très grosses dépenses de santé » dans la mesure où, par exemple, « dans les 15 % de la population totale qui mobilisent 72 % des dépenses de santé, il y a pratiquement autant de personnes en ALD que de personnes non ALD ».
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