QU’ILS LE DISENT OU NON, les appareils politiques ont dû pousser un soupir de soulagement quand ils ont appris, lundi matin, que Nicolas Hulot, satisfait d’avoir obtenu la signature des principaux candidats au bas de sa charte écologique, renonçait à se présenter. Une majorité de Français souhaitait pourtant qu’il participât à la campagne présidentielle et M. Hulot pouvait mesurer sa popularité de deux manières : ces dix pour cent prêts à voter pour lui au premier tour et ces plus de cinquante pour cent qui voulaient le voir dans l’arène.
Mais son retrait comporte au moins un avantage, c’est qu’il contribue largement à rendre les choix plus clairs. Certes, François Bayrou milite, et avec quelle fougue, pour le pluralisme et la fin de la bipolarisation. Mais nous avons tous vu, non sans consternation, ce qui s’est passé en 2002, quand le candidat socialiste a été éliminé au profit de Jean-Marie Le Pen ; et il serait bon d’éviter cette année le même drame.
En outre, nous n’avons pas le sentiment, cette année, que droite et gauche soient à ce point marquées idéologiquement : des électeurs affiliés en général à la droite vont voter pour Mme Royal, et ce n’est pas le moindre avantage que sa candidature apporte à la gauche ; et il se peut que des gens de gauche votent pour Nicolas Sarkozy.
Des programmes différents.
Cela dit, on conviendra que les programmes des deux candidats seront très différents sur les plans économique, fiscal et social. Et que de ce point de vue, la candidature de M. Bayrou bouscule des idées qui ont toutes échoué et contient la promesse d’une appproche à équidistance, en quelque sorte, du socialisme et du libéralisme. François Bayrou a consolidé ses positions et, bien qu’il se plaigne amèrement de la conduite des médias, il fait entendre sa voix et commence à compter ses bataillons. S’il retient dix pour cent de l’électorat, il aura montré qu’il dispose d’un courant à ne pas négliger. Mais si sa candidature ne sert qu’à assurer l’échec de la droite et nous offre un 21 avril inversé, beaucoup de ceux qui lui auront donné leur voix s’en mordront les doigts. M. Bayrou écarte d’un revers de la main le risque qu’il représente. Dans ce cas, explique-t-il, on serait obligé d’accepter, en toute circonstance, la bipolarisation et la loi du plus fort. On peut répondre que la bipolarisation au deuxième tour est indispensable, que la France doit être convenablement gouvernée et qu’elle ne le sera pas si les Français ne font pas un choix clair et compréhensible pour tous.
FRANCOIS BAYROU CAPTE UN ELECTORAT QUI RISQUE DE MANQUER 0 SARKOZY AU PREMIER TOUR
On remarquera en outre qu’il peut y avoir, à droite et à gauche, des partis tellement différents qu’ils ne sauraient s’unir : par exemple, le PS et les trotskistes ou l’UMP et le FN. L’électeur du Front national n’a pas plus d’affinités avec la droite classique que celui de la LCR avec le PS, parti de gouvernement.
C’est chez Sarko que Bayrou pêche ses voix.
En revanche, François Bayrou mord sur l’électorat de M. Sarkozy de façon beaucoup plus certaine qu’il n’entame celui de Mme Royal, qui convient à la frange la moins doctrinaire du Parti socialiste : un électeur dont le virus gauchiste serait atténué par le temps et les désillusions n’a pas besoin d’aller chercher au centre des valeurs que Ségolène peut assumer sans violer sa conscience.
C’est tellement vrai qu’il y aura des cadres et d’autres catégories relativement aisées pour voter Ségolène. M. Bayrou ne semble pas avoir une sympathie particulière pour M. Sarkozy, mais il devrait dire dès aujourd’hui quel camp, selon lui, l’électorat qui a l’UDF chevillée au corps devra rejoindre. S’il ne le dit pas, c’est parce qu’il ne veut pas que l’on vote au premier tour comme si c’était le second, mais il s’expose à un malentendu assez sérieux avec les Français si son combat ne sert en définitive que les intérêts de la gauche.
En effet, si M. Bayrou n’existait pas, ce qu’à Dieu ne plaise, M. Sarkozy aurait 40 % des voix dans les sondages et probablement dix points d’avance sur Mme Royal. A quoi le leader centriste répondrait peut-être qu’avec des si on met Paris dans une bouteille. Mais de même que Jean-Pierre Chevènement a pris la responsabilité de l’échec de Lionel Jospin en 2002 (et le reconnaît si bien dans son for intérieur qu’il a renoncé cette année à faire cavalier seul), de même M. Bayrou fait courir à la droite un risque considérable.
Car non seulement il existe, ce dont on se félicitera, mais il a un discours très particulier, fort bien adapté aux changements qui remodèlent en ce moment la société française. Sûrement, il méritait mieux que ce qu’il a, mais dès lors qu’il n’a pas plus, on voit assez bien le rôle négatif qu’il peut jouer et beaucoup moins bien l’action positive à laquelle il nous convie.
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