?« Dans le contexte de résistance aux antibiotiques actuel, il nous semble que c’est une erreur médicale de prescrire une antibiothérapie devant une angine sans réaliser un test de diagnostic rapide (TDR) préalable. » Lors du dernier congrès de la Société Française de Pédiatrie, le Pr Alain Martinot (Lille) a plaidé avec insistance pour une utilisation plus large du streptotest chez l’enfant, nouveaux résultats de l’étude Activ à l’appui. Ces données qui devraient être publiées sous peu dans la revue Plos One, tordent le cou à certains arguments souvent avancés par les praticiens pour ne pas recourir au TDR, que ce soit le manque de crédit accordé au test ou le sentiment que la clinique suffit à distinguer angines virales et bactériennes.
La clinique ne suffit pas
Sur ce point, l’étude Activ, conduite auprès de 785 jeunes patients de 3 à 15 ans ayant une angine, montre clairement que les scores cliniques comme celui de Mc Isaac, ne sont pas suffisamment contributifs chez l’enfant. Ce score clinique peut varier de 0 à 5, chacun des items suivants (âge entre 3 et 15 ans, absence de toux, fièvre, adénopathies cervicales antérieures sensibles, tuméfaction ou exsudat des amygdales) étant côté 1 point. Dans ce travail, 25 % des enfants ayant un score de Mc Isaac côté 1 (donc peu en faveur d’une angine bactérienne) étaient pourtant porteurs d’un streptocoque du groupe A (SGA). À l’inverse, plus de la moitié des enfants ayant un score de Mc Isaac élevé (donc en faveur d’une angine à SGA) n’étaient, en fait, pas porteurs du germe. « Un score à 1 ne permet donc pas du tout d’exclure la présence du streptocoque A?», commente le Dr Jérémie Cohen (Inserm U 953, hôpital Saint-Vincent-de-Paul, Paris), l’un des investigateurs de l’étude. A contrario, « même un enfant qui a un score à 5 n’a qu’une probabilité faible d’avoir un streptocoque à la culture ». Ainsi, face à une angine de l’enfant, la clinique seule ne garantit pas toujours de traiter, ou de s’abstenir de traiter, à bon escient.
Le manque de sensibilité, un faux procès ?
Pour autant, peut-on se fier d’avantage au TDR ? « Parmi les critiques faites à ces tests, les plus fréquentes sont leur sensibilité proche de 85 % seulement et la variabilité de leurs performances diagnostiques en fonction de facteurs liés au patient (“ effet de spectre“)?»,?résume?Jerémie
Cohen. Un faux procès ?
Si l’on en croit l’étude Activ, les performances diagnostiques du TDR varient incontestablement en fonction de la clinique, tout comme la sensibilité du test (probabilité d'avoir un test positif quand on est malade). Celle-ci passe en effet de 75 % pour un score de Mc Isaac de 1 à 90 % pour un score de 5. Cependant, ce travail montre pour la première fois, que cette variabilité ne concerne finalement que les patients ayant un faible inoculum bactérien (quantité de bactéries présentes dans la gorge du patient lors du prélèvement), chez qui la sensibilité du TDR est par ailleurs la plus basse. Tandis « qu’en cas de fort inoculum bactérien, la sensibilité du TDR est élevée (90 %) et stable ».
En d’autres termes, la sensibilité du TDR serait bonne chez les patients à fort inoculum et ne pêcherait que pour ceux à faible inoculum. Or, pour les auteurs, ces derniers pourraient être, en fait, des porteurs sains du streptocoque. Les faux négatifs du TDR surviendraient donc chez des enfants porteurs asymptomatiques de SGA mais ayant une angine virale intercurrente, ce qui minimiserait leur poids clinique.
Des faux « faux positifs »
De même les faux positifs (enfants ayant un test positif mais n’étant pas porteurs de SGA) pourraient être en fait des faux « faux positifs » conclut un autre volet de l’étude Activ. Dans ce travail, les auteurs se sont intéressés spécifiquement aux enfants ayant eu un TDR positif mais une culture négative. Ils ont exploré toutes les hypothèses pouvant expliquer ces discordances.
Les résultats « montrent que la plupart des faux positifs du TDR (au moins 2/3) sont expliqués par un phénomène d’interférence bactérienne entre le SGA et un Staphylococcus aureus (dont l’enfant est porteur sain, ndlr) qui empêche la croissance du SGA en culture, résume le Dr Corinne Levy coordinatrice d’Activ. Ainsi, les faux positifs du TDR surviennent chez des enfants ayant réellement du SGA au niveau pharyngé et cela confirme que la spécificité du TDR peut être considérée comme étant proche de 100 % en pratique clinique. » Au total, les TDR du streptocoque « sont donc d’un apport considérable dans le diagnostic des angines », estime le Pr Martinot.
À condition de calquer ensuite ses prescriptions sur les résultats obtenus. Or, dans une étude conduite dans le Nord-Pas de Calais, « 61% des pédiatres et 90 % des généralistes prescrivaient parfois un antibiotique même en cas de test négatif », rapporte le Pr Martinot qui dénonce « un paradoxe entre le fait d’accepter très facilement les effets indésirables des médicaments et de ne pas accepter le risque parfois minime de ne pas traiter une infection ».
Un risque jugé tellement « minime » par certains que des pays comme la Hollande ou l’Angleterre ont déjà fait le choix de ne plus traiter par antibiotiques les angines à SGA…
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