LA DECOUVERTE importante de cette étude est que, entre 1988 et 1999, le taux d'incidence de la maladie de Crohn (MC) dans le nord de la France a augmenté de 23 %, tandis que celui de la recto-colite ulcéro-hémorragique (RCH) s'est réduit de 17 %, écrit l'équipe dirigée par A. Cortot (Chru de Lille), responsable du registre des maladies chroniques inflammatoires de l'intestin (Epimad).
« Cela suggère que les facteurs qui influent sur la survenue des maladies digestives chroniques restent actifs, tout au moins dans cette région. Et cela offre une opportunité de les étudier », conclut l'équipe lilloise. L'apparition des maladies inflammatoires chroniques de l'intestin, dont la MC et la RCH, est influencée par des facteurs génétiques, environnementaux et immunologiques, que l'observation des variations géographiques et temporales peuvent aider à mieux connaître.
Nord, Pas-de-Calais, Somme, Seine-Maritime.
L'étude d'observation longitudinale publiée dans « Gut » par l'équipe lilloise a été menée dans des départements du nord de la France : Nord, Pas-de-Calais, Somme et Seine-Maritime, soit un total de 5 790 562 habitants. C'est depuis une première enquête entreprise à la fin des années 1980 que l'on connaît cette caractéristique de la prévalence de ces deux maladies, intéressant le nord de notre pays et la Belgique.
Cette nouvelle observation a été réalisée en séparant quatre périodes de trois ans : 1988-1990, 1991-1993, 1994-1996 et 1997-1999.
Entre 1988 et 1999 ont été diagnostiqués 7 066 cas de maladies inflammatoires, se découpant en 56,8 % de MC, 37,7 % de RCH et 5,5 % de colites d'origine indéterminée. L'analyse des résultats montre les faits suivants.
En ce qui concerne la MC : on observe un accroissement significatif de l'incidence annuelle, qui passe de 5,2 pour 100 000 habitants en 1988-1990 à 6,4 en 1997-1999 (soit p < 0,001). Les formes iléocoliques ont augmenté de 25 %, bien que les médianes d'âge au diagnostic et les fréquences des investigations digestives soient restées identiques (coloscopie, tout comme les examens complets du tube digestif portant sur le grêle et le côlon).
Les chiffres atteignent ceux des pays du nord (pays de Galles, Norvège et Minnesota). Les observations montrant une tendance à l'augmentation des cas de MC depuis une cinquantaine d'années sont nombreuses. On tend à rapporter ce fait au vieillissement de la population. « Mais cela n'est pas le cas dans notre étude, où nous trouvons une grande proportion des cas chez des patients jeunes (20-39 ans). La pente de cette augmentation n'a pas atteint un plateau, ce qui suggère que des facteurs déclencheurs environnementaux sont toujours à l'œuvre dans le nord de la France. »
En ce qui concerne la RCH : l'incidence a significativement décru, passant de 4,2 pour 100 000 habitants en 1988-1990 à 3,5 en 1997-1999 (p < 0,001). La maladie est plus fréquente chez les hommes (4,6 versus 3,4 pour cent mille ; p < 0,001). Le taux le plus élevé est trouvé dans le groupe des 20-29 ans chez les hommes et des 30-39 ans chez les femmes. Les taux sont plus élevés dans les autres pays du Nord. La proportion des proctites, considérées comme un marqueur de certitude du diagnostic, est demeurée stable.
L'évolution du tabagisme n'explique pas les faits.
Les auteurs ont étudié également deux facteurs connus pour exercer une influence sur les maladies inflammatoires chroniques de l'intestin : l'appendicectomie et le tabagisme. Les deux agissent en diminuant la survenue de la RCH, tandis que seul le tabagisme tend à augmenter la MC. « Toutefois, la tendance à la diminution de la RCH observée dans le travail ne concorde pas avec l'évolution du tabagisme en France : plus de femmes et moins d'hommes fument depuis le début des années 1990. Et la consommation tabagique a diminué chez les jeunes gens (de 18 à 25 ans) passant de 54 % en 1992 à 47 % en 1999, alors que l'incidence de la MC a augmenté. » On peut penser que les variations observées entre les hommes et les femmes sont liées au fait que les hommes tendent à arrêter de fumer plus fréquemment que les femmes, mais ce facteur mérite d'être davantage étudié.
F. Molinié, C. Gower-Rousseau, T. Yzet, V. Merle, B. Grandbastien, R. Marti, E. Lerebours, J.-L. Dupas, J.-F. Colombel, J.-L. Salomez et A. Cortot. « Gut », 2004 ; 53 : 843-848.
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