MEME S'IL aborde la prise en charge globale du patient, le rapport 2004 sur la « Prise en charge thérapeutique des personnes infectées par le VIH » est plus médico-technique que le précédent. Par rapport à celui de 2002, des aspects comme la précarité, la toxicomanie ou la prise en charge en prison ou l'organisation des soins n'y sont pas abordés. Portant essentiellement sur les soins et les aspects thérapeutiques, cette dernière mouture s'appuie cependant sur des données épidémiologiques fiables. Un chapitre leur est d'ailleurs réservé. Alors qu'elles faisaient cruellement défaut, « les données françaises sont, aujourd'hui et à l'échelon d'un pays, probablement les plus complètes », affirme le Pr Jean-François Delfraissy, coordinateur du groupe d'experts. Avec 6 000 nouvelles contaminations par an, l'épidémie continue. Cependant, « la prise en charge de l'infection à VIH traitée est désormais celle d'une maladie au long cours », note le Pr Delfraissy. En effet, on sait que 80 % des patients suivis à l'hôpital reçoivent un traitement antirétroviral et que plus de 65 % des patients traités sont en succès virologique (charge virale au-dessous du seuil de détection). Ces données prouvent qu'il existe une vraie efficacité des traitements. Pourtant, trop de patients sont pris en charge tardivement. En effet, la moitié des patients chez qui se pose l'indication de débuter un traitement antirétroviral est vue à un stade avancé de sida (CD4 <200/mm3). Or pour ces patients, en majorité des migrants, « le pronostic après la mise en route du traitement est nettement moins bon que pour ceux qui sont mis sous traitement de façon précoce. A force de dire que c'est une maladie chronique, on banalise peut-être trop les situations extrêmes qui nécessitent une parfaite adaptation des traitements et un suivi rapproché dans les premières semaines », tempère l'infectiologue.
Quand débuter un traitement antirétroviral ? Le critère essentiel repose sur l'importance du déficit immunitaire plutôt que sur la charge virale. Les patients avec des CD4 < 200/mm3 doivent être traités ; entre 200-350/mm3, le traitement est discuté au cas par cas ; des CD4 >350/mm3 ne justifient pas de traitement. La conduite est la même pour l'institution d'un traitement standard ou pour l'inclusion dans un essai thérapeutique.
Des associations validées.
Comment traiter ? Un grand nombre de molécules sont aujourd'hui disponibles, avec une tendance à la simplification des traitements (deux, voire une prise par jour). « La surprise de ces derniers mois a été de constater qu'il ne suffisait pas d'associer 3 molécules pour être efficace. Certaines trithérapies, notamment les associations de 3 inhibiteurs nucléosidiques, sont moins efficaces que d'autres. Ne doivent être utilisées que les combinaisons qui ont été dûment validées. » Le rapport fait d'ailleurs le point sur les schémas thérapeutiques à ne pas utiliser. La simplification des traitements « ne doit pas se faire au détriment de la puissance et de l'efficacité », insiste le Pr Delfraissy.
Pour la première fois, un chapitre est consacré aux modifications thérapeutiques chez des patients en succès immunovirologique. « Tous les patients qui ont une charge virale indétectable sous traitement n'ont pas le même passé thérapeutique et ne souffrent pas des mêmes effets thérapeutiques. » Toute modification, changement d'association ou simplification doit en tenir compte. Les interruptions thérapeutiques ne sont pas, à ce jour, recommandées. Mais « nous savons qu'un certain nombre de patients le font malgré tout ». Le rapport décrit la conduite à tenir pour l'accompagnement de ces arrêts non programmés par le médecin. Les effets secondaires des traitements sont une des causes de l'arrêt. Le rapport insiste sur l'augmentation des risques cardio-vasculaires et sur l'arrêt du tabagisme. En effet, le surrisque vasculaire dû au tabac est trois fois plus important que celui lié aux troubles lipidiques. La population des séropositifs y est particulièrement exposée : parmi eux, 50 % sont fumeurs, alors que la proportion ne dépasse pas 30 % dans la population générale du même âge.
Les situations d'échec thérapeutique nécessitent un bilan afin d'en déterminer les causes : problèmes d'observance ou de résistance du virus. La proportion des patients en échec thérapeutique sévère (multiéchec) est stable, de l'ordre de 6 à 7 %. La prise en charge, difficile, doit favoriser l'accès aux nouvelles molécules, en particulier à la nouvelle famille des inhibiteurs d'entrée dont le chef de file est l'enfuvirtide (Fuzéon, T 20). En raison de son mode d'administration (voie sous-cutanée) et de son coût, il est probablement sous-utilisé. Des molécules de la même famille, d'administration orale, sont en cours d'évaluation (phase II). D'autres ciblent une autre enzyme virale (inhibiteurs de l'intégrase), avec des essais de phase II qui devraient commencer en 2005.
Parmi les autres points forts du rapport, la transmission materno-foelig;tale. Le risque sous traitement s'est considérablement réduit (1 à 2 %) et le nombre de grossesses chez les femmes séropositives est aujourd'hui d'environ 1 500 par an. Le rapport bénéfice/risque est en faveur d'une trithérapie, même si une éventuelle toxicité chez l'enfant doit encore être évaluée. Des traitements intermédiaires pendant la grossesse comportent un risque de sélection de virus résistants dont la persistance est délétère pour un futur traitement de la mère. La césarienne n'est plus recommandée chez les patientes sous trithérapies et bien contrôlées.
Enfin, le rapport bénéfice/risque du traitement d'urgence des primo-infections doit également être évalué. Actuellement, moins de la moitié des patients en bénéficient. En l'absence de consensus, le rapport recommande de traiter pendant une durée de douze à dix-huit mois lorsque les symptômes sont sévères ou durables et/ou si le déficit immunitaire est confirmé.
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