ANNONCÉ un peu tôt comme un texte de « transition », le premier PLFSS de la présidence Sarkozy s'est parfois transformé en chemin de croix pour le gouvernement et sa majorité UMP, lors de l'examen en première lecture de ce budget (adopté hier par l'Assemblée nationale en vote solennel). Trois grandes leçons peuvent être tirées de cette épreuve parlementaire, en forme de baptême du feu pour Roselyne Bachelot.
Tir de barrage.
Premier enseignement : l'opposition, que l'on disait exsangue ou du moins démobilisée par la stratégie d'ouverture de Nicolas Sarkozy, a repris quelques couleurs sur le front social, saisissant notamment l'opportunité de la discussion sur les franchises médicales pour redorer son blason. Un regain d'énergie d'autant plus perceptible qu'il a contrasté avec le malaise, du moins la discrétion, des députés UMP sur cette mesure phare du PLFSS. Pendant des heures, une vingtaine d'orateurs PS, PCF ou Verts, relayés par le pugnace responsable santé du Nouveau Centre, Jean-Luc Préel, ont ferraillé contre l'article sur les franchises, adopté en pleine nuit par la seule UMP (44 voix contre 27). «Taxe sur les malades», «mesure infâme», «culpabilisation», «hérésie», «emplâtre sur une jambe de bois», «virus» pour la Sécu solidaire… : lors de ce tir de barrage, rien n'a été épargné au gouvernement, et tous les arguments des antifranchises ont été déclinés à l'envi. Roselyne Bachelot a justifié l'instauration d'une franchise pesant «sur les dépenses les plus dérivantes» (médicaments, transports sanitaires, actes paramédicaux), «plafonnée» (50 euros par an) et «fléchée» sur les chantiers présidentiels (maladie d'Alzheimer, soins palliatifs et cancer). Si le gouvernement dispense du mécanisme des franchises les titulaires de la CMU, les enfants mineurs et les femmes enceintes, il a rejeté les amendements exonérant de nouvelles catégories de patients (ALD, victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles, victimes de guerre…) ou certains médicaments à bas prix (homéopathie). En revanche, le gouvernement a accepté un amendement qui l'obligera à présenter chaque année au Parlement un rapport sur le montant et les modalités d'affectation de la franchise.
Recul.
La deuxième leçon du PLFSS est politique. Elle confirme qu'un gouvernement, fût-il de rupture, a du mal à résister longtemps à une forte pression de la jeune génération, en l'occurrence les internes et les jeunes médecins mobilisés dans la rue pour la défense de leur liberté d'installation. Un mois de conflit aura suffi pour aboutir au retrait de l'article du PLFSS qui avait mis le feu aux poudres en faisant le lien entre le conventionnement (des médecins à la Sécurité sociale) et la densité médicale de la zone d'installation. La nouvelle version du texte exclut tout déconventionnement et non-conventionnement ; elle invite à une négociation globale sur l'organisation de l'offre de soins dans le cadre d'états généraux à compter de janvier 2008 (lire ci-dessous) ; et elle privilégie les mesures incitatives. En cédant aux internes, le gouvernement s'est donné du temps sur un sujet explosif, quitte à décevoir les avocats de mesures rapides et autoritaires pour orienter l'installation des médecins. Et maintenant ? «Tout est ouvert, a assuré Roselyne Bachelot aux députés qui l'interrogeaient sur la stratégie du gouvernement pour lutter contre les déserts médicaux. A quoi serviraient des états généraux si les choses étaient déjà bouclées?»
La CSMF et les « félonies ».
La troisième leçon, majeure, de l'examen en première lecture du PLFSS est le regain de tension entre le gouvernement et les principaux soutiens syndicaux de la réforme de 2004 et de la convention. Vent debout, la CSMF est déjà en «ordre de bataille» contre un PLFSS dont elle découvre «jour après jour les nouvelles félonies». Un texte qui réunirait, douze ans plus tard, «les ingrédients du plan Juppé». La plupart des mesures tant redoutées ont, de fait, été adoptées en première lecture (« le Quotidien » du 29 octobre) : «stabilisateurs automatiques» permettant au gouvernement de reporter des revalorisations en cas d'alerte sur les dépenses de ville ; contrats individuels médecins-caisses, avec intéressement financier ; mise sous entente préalable des « surprescripteurs » ; menace de pénalisation pour les professionnels qui refusent de télétransmettre ; ou encore encadrement accru des pratiques tarifaires et des dépassements dans le secteur II (ce volet du PLFSS pourrait ouvrir un nouveau front de contestation). Sans oublier «le jeu de dupes» sur les franchises dont le produit «retournera en réalité aux trois quarts à l'hôpital», fulmine le président de la Confédération Michel Chassang . La CSMF a édité une affiche nationale à diffuser dans les cabinets appelant les Français à la mobilisation contre le «rationnement des soins». Contact a également été pris avec les autres professions de santé «comme en 1995».
Le syndicat en appelle désormais à la «sagesse» des sénateurs (la discussion est prévue en séance à partir du 12 novembre), «dernière chance avant d'entrer dans une zone de turbulences».
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