Bon climat ne veut pas dire chèque en blanc. C'est en substance le message que fait passer aujourd'hui la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), majoritaire, à Jean-François Mattei, qui défendra à la fin du mois son premier budget de la Sécurité sociale devant les députés.
A deux semaines du débat parlementaire, la CSMF formule, dans un document remis au gouvernement, une série de critiques sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), qui montrent que la confiance entre le gouvernement et le corps médical demeure fragile.
" Provocation " inutile
Dans la ligne de mire de la Confédération : l'article 19 du PLFSS qui vise à lutter contre les « pratiques abusives » des médecins libéraux lorsqu'elles sont « contraires aux objectifs de bonnes pratiques et de bon usage des soins fixés par la convention ». Selon la CSMF, cet article ouvre, dans le cadre conventionnel, la possibilité de sanctionner individuellement les médecins libéraux pour des raisons touchant strictement à la pratique médicale. Même si l'article n'utilise pas le terme de « sanctions » (il évoque des « mesures et procédures applicables aux médecins »), il s'agit pour la CSMF d'une « provocation » inutile après l'abrogation des lettres clés flottantes et des comités médicaux régionaux (CMR), derniers symboles de la maîtrise comptable. Précisément, il semble que le gouvernement, tout en faisant le pari de la confiance, ait voulu « verrouiller » la responsabilisation des médecins dans le cadre conventionnel. L'exposé des motifs, annexé à l'article 19, est clair : « La suppression des dispositifs de maîtrise comptable ne peut avoir pour conséquence de priver les caisses d'assurance-maladie des moyens de lutter contre les pratiques abusives (...) Il est dans l'intérêt des deux parties de définir, par la voie conventionnelle, les moyens de faire respecter les engagements de bon usage des soins et de bonnes pratiques. »
En résumé, la convention doit permettre de sanctionner les pratiques déviantes. Ce que le ministère de la Santé précise en d'autres termes, dans un commentaire plus détaillé de l'article. « La convention est le lieu dans lequel les médecins définiront avec les caisses les instruments, y compris de sanction, qu'ils estimeront nécessaires à la préservation des engagements collectifs de la profession. » Des engagements qui doivent notamment permettre de « réguler » les dépenses de soins.
La CSMF juge l'article « inutile, provocateur, inapplicable et incohérent » et en demande la suppression à l'occasion du débat parlementaire. « Comment croire que la profession va signer des accords de bon usage (sur les arrêts de travail ou les transports sanitaires par exemple) si un nouveau mécanisme de sanctions individuelles est mis en place? », interroge la Confédération.
Pour le syndicat, ni les médecins-conseils ni les administratifs des caisses ne sont « compétents » pour juger la notion de « pratique abusive par rapport à des objectifs de bonne pratique ». La CSMF juge au passage que cet article augure mal de la réorientation des missions du service du contrôle médical de l'assurance-maladie (prévue dans le PLFSS) vers davantage de conseil, d'accompagnement et de... dialogue.
Si l'ire de la CSMF se concentre sur l'article 19, d'autres dispositions du projet de loi sont contestées. La fermeture annoncée du mécanisme de cessation anticipée d'activité des médecins (MICA) au 1er juillet 2003 (et non plus au 1er avril, voir encadré) est jugée délicate car elle « remet en cause des projets déjà finalisés et des engagements déjà pris par des médecins candidats au MICA ». La CSMF propose de reporter au 31 décembre 2003 la fermeture de ce système de préretraite, un délai jugé plus « raisonnable ».
Depuis l'annonce de cette mesure, de nombreux médecins soulignent à juste titre que les règles du jeu du MICA n'ont cessé de changer. La loi de financement de la Sécurité sociale pour 1999 avait prorogé le MICA jusqu'au 31 décembre 2004.
Autre sujet d'inquiétude : les conséquences, pour les médecins exerçant en clinique, de la tarification à l'activité, qui sera expérimentée dès 2003 et généralisée en 2004. Selon la CSMF, l'unification progressive des modes de rémunération du secteur public et du secteur privé ne doit aboutir en aucun cas à une « remise en cause du statut libéral » des médecins des établissements privés.
Enfin, le syndicat du Dr Michel Chassang ne se satisfait pas de l'Objectif national d'assurance-maladie (ONDAM), fixé à 5,3 % pour 2003, taux qualifié de « réaliste et sincère » par le ministre de la Santé. Non seulement, estime la CSMF, la détermination de ce chiffre reste « totalement pifométrique » (un groupe de travail sur la médicalisation de l'ONDAM doit rendre ses conclusions au premier trimestre 2003), mais ce taux brut n'apporte aucune garantie aux médecins libéraux tant que la répartition de l'enveloppe n'est pas connue entre les soins de ville, l'hôpital, les cliniques et le secteur médico-social. Or, rappelle la CSMF, l'hospitalisation privée vit « une situation de crise sans précédent ».
MICA : le gouvernement hésite, les médecins s'excitent
Les médecins libéraux n'ont pas fini d'avoir des sueurs froides avec la fermeture anticipée du MICA, inscrite dans le PLFSS. Annoncée dans un premier temps « au 1er avril 2003 », la suppression de ce mécanisme de préretraite est finalement proposée par le gouvernement « à partir du 1er juillet 2003 » (article 28). Au ministère, on souligne que ce délai permet de « traiter dans de bonnes conditions les dossiers des médecins qui étaient en train de se préparer à utiliser le MICA ».
Il y aurait en fait plusieurs centaines de praticiens concernés, qui ne savent plus à quelle sauce ils seront mangés. En tout état de cause, les règles du jeu ne sont pas arrêtées : des amendements pour modifier la date-butoir seront déposés lors du débat parlementaire. La CSMF propose déjà de repousser la clôture du MICA au 31 décembre 2003. Pour MG-France, les médecins officiellement intéressés doivent conserver leur droit au MICA « jusqu'à la date effective de leur départ, dans la limite du 31 décembre 2004 ». Soit la date prévue initialement pour la fin du MICA.
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