Du 24 septembre au 10 octobre, se tient à Paris le procès des surirradiations chez des patients atteints de cancer traités par radiothérapie au centre hospitalier Jean Monnet d’Epinal, survenues entre 1987 et 2006. Près de 5 000 patients sont concernés. Le point avec le Dr Delanian sur les séquelles possibles de la radiothérapie.
« Malgré les avancées biologiques des trois dernières décennies, La radiothérapie demeure en 2 012 incontournable dans l’obtention de la guérison des tumeurs solides, que ce soit sous forme d’association radio-chirurgicale pour les cancers localisés ou radio- chimiothérapie pour les tumeurs localement évoluées. Ainsi, pour la première fois de notre histoire, des patients « survivants à long terme » peuplent nos consultations, guéris de leur maladie d’Hodgkin, séminome testiculaire, cancer du sein, cancer du col utérin, et d’autant plus concernés qu’ils étaient jeunes au moment du traitement. Or, dans certaines circonstances, cette radiothérapie depuis longtemps oubliée, peut être à l’origine de séquelle dans le volume initialement traité.
1. Y penser
Il est indispensable de penser aux séquelles de la radiothérapie comme facteur causal ou simplement favorisant de la symptomatologie actuelle du patient, tandis qu’il ne consulte plus en oncologie. Ces complications occasionnelles peuvent parfois menacer le pronostic fonctionnel ou vital , par un excès (fibrose) ou un défaut (radionécrose) de cicatrisation, quel que soit le tissu concerné.
Parmi ces événements, la plexite radio-induite (PRI) est une atteinte du système nerveux périphérique, cliniquement différée de quelques semaines à quelques années après une irradiation, certes exceptionnelle mais d’aggravation inéluctable. Par définition, la radiothérapie a été délivrée dans un volume anatomique précis et ne peuvent être concernés par une PRI, que les tronc nerveux inclus dans les champs d’irradiation initialement traités (creux sus-claviculaire pour le membre supérieur, volume lombosacré pour les membres inférieurs…).
2. Épidémiologie
L’incidence des plexopathies radio-induites a évolué au cours des dernières décennies, parallèlement à l’amélioration du ratio thérapeutique, de plus de 20 % pour 50 Gy en 1966 à 1,3 % des cas en 1992. Les délais de survenue sont de 6 mois à 20 ans avec un pic de fréquence lors de la 3e 4e année. La probabilité de survenue de cette PRI est d’autant plus grande que la dose totale de radiothérapie a été élevée (plus de 50 Gy), la dose par fraction (quotidienne) supérieure à 2 Gy, et le volume irradié étendu ou après problème technique de recoupe de faisceaux.
La réduction de cette incidence a été liée à l’optimisation technique réalisée notamment sur la dose et les volumes d’irradiation. Les radiothérapeutes ont choisi une dose quotidienne d’irradiation plus réduite, tous les faisceaux traités le même jour, et un étalement sur plusieurs semaines type 10 Gy par semaine ( 5 x 2 Gy). Les volumes d’irradiation actuels ont aussi été optimisés : grâce à la mise à disposition d’une imagerie performante telles que scintigraphie, scanner, IRM, et plus récemment le TEP-scan ; l’utilisation d’accélérateurs linéaires de haute énergie (arrêt du Cobalt) ; et la technique conformationnelle 3D permettant une irradiation plus ciblée.
3. Influence du terrain
Le risque de survenue d’une PRI est majoré par des facteurs de comorbidités tels que l’âge ou un terrain vasculaire (diabète déséquilibré, hypertension artérielle, tabagisme.) par atteinte, même asymptomatique, de la microcirculation artérielle. Une chimiothérapie, en particulier neurotoxique (vincristine, cisplatine, taxanes), et/ou une chirurgie locale sanglante (hématome), infectée ou multiple, augmentent le risque de survenue de PRI et réduisent le délai d’apparition de la PRI.
4. Diagnostic
L’histoire naturelle d’une PRI est marquée par la survenue insidieuse sur plusieurs mois de troubles neurologiques frustes dont l’aggravation va être lente et progressive sur plusieurs années, avec souvent avec des paliers évolutifs.
La plexopathie brachiale radio-induite est observée plusieurs années après une irradiation pour cancer du sein. Elle débute souvent par des troubles sensitifs à type de paresthésies, puis des troubles moteurs progressifs s’y associent avec amyotrophie et fasciculations. L’atteinte débute souvent dans le territoire du nerf médian, touchant les trois premiers doigts de la main (distale), ce qui peut simuler un syndrome du canal carpien, puis s’étend progressivement à l’avant-bras puis au bras.
L’intensité peut aboutir après plusieurs années à une impotence fonctionnelle complète du membre supérieur. Un lymphœdème et une atteinte cutanée et sous-cutanée fibro-atrophique axillaire et/ou sus-claviculaire sont associés dans environ 20 % des cas. L’électromyogramme permet d’étayer le diagnostic mettant en évidence des blocs de conduction en phase précoce puis une dénervation axonale irréversible tardive.
La plexopathie lombosacrée atteint les membres inférieurs et peut survenir quelques années après une irradiation en barre lomboaortique pour maladie de Hodgkin ou séminome testiculaire malgré une dose totale dite faible mais étendue à un très grand volume. L’atteinte est le plus souvent purement motrice, bilatérale asymétrique, à prédominance distale (steppage), évoluant de façon lentement progressive. Le handicap devient sévère nécessitant l’usage du fauteuil roulant en quelques années. Des troubles intestinaux et/ou urinaires par fibrose pelvienne peuvent accompagner le déficit neurologique.
4. À ne pas confondre
Le diagnostic différentiel avec une récidive néoplasique ou un sarcome radio-induit est d’abord orienté par la clinique : il n’existe généralement pas de douleur importante ou de syndrome de Claude-Bernard Horner dans la PRI brachiale. L’étude des points de tatouage permet de vérifier le volume irradié. L’imagerie IRM plexique (axillo-susclaviculaire ou lombaire) et TEP-scan permettent de préciser le diagnostic, éliminer un processus tumoral et de délimiter le volume antérieurement irradié. Le diagnostic différentiel principal de la PRI lombaire est une sclérose latérale amyotrophique à expression périphérique, et souvent seul le suivi clinique et électromyographique permet de conclure. »
Plexite radio-induite : des espoirs thérapeutiques encourageants
Remerciements pour le soutien indéfectible et amical d’Hervé Lionel-marie, président de l’association de patients ARSER (Association de Recherche sur les Séquelles de la Radiothérapie) www.arser.asso.fr.
REFERENCES
1. Delanian S, Lefaix J-L: The radiation-induced fibro-atrophic process: therapeutic perspective via the antioxidant pathway. Radiother Oncol 2004; 73: 119-31
2. Pradat P-F, Maisonobe T, Psimaras D, Lenglet T, Porcher R, Lefaix J-L, Delanian S (PENTOCLO Trial Group). Neuropathies radiques : un dommage collateral chez les patients cancereux long survivants. Revue Neurologique, 2012 (in press)
3. Delanian S, Pradat P-F. A posteriori conformal radiotherapy using 3D dosimetric reconstitution in a survivor of adult-onset Hodgkin’s disease for definitive diagnosis of a lower motor neuron disease. J Clin Oncol 2010, 28: e599-601
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