DEVINETTE : je suis partout, surtout au rayon des produits laitiers où j'apparais sur les boîtes de margarine et les pots de yaourt ; je passe en ce moment à la télé dans la bouche d'un homme de théâtre ; je peux être ou bon ou mauvais, je suis... je suis... le cholestérol !
Le Museum national d'histoire naturelle de Paris accueille demain un colloque franco-anglais autour de la question suivante : « Le cholestérol est-il le mal du siècle ? » Les débats se tiendront précisément là où toute l'histoire du cholestérol a vu le jour. C'est en effet dans l'une des rotondes adjacentes au lieu du colloque, dans le laboratoire de biochimie du museum, que les travaux de Michel-Eugène Chevreul ont été les premiers à mettre en évidence, de 1813 à 1823, le rôle des corps gras dans l'organisme humain.
Quand l'histoire rejoint la science.
Les organisateurs de cette journée souhaitent « retracer l'évolution des recherches et se projeter dans l'avenir ». Les études du Pr Philippe Amouyel, épidémiologiste de l'institut Pasteur de Lille, seront évoquées. « Il faut insister sur le fait que le cholestérol est de façon avérée l'un des quatre grands responsables des maladies cardio-vasculaires », insiste le Pr Eric Bruckert, chef du service endocrinologie de la Pitié-Salpêtrière, qui évoquera demain « l'enjeu médical » et abordera le « fameux paradoxe français ». « La mortalité cardio-vasculaire est beaucoup plus basse en France que dans de nombreux pays. Selon les dernières données de l'OMS (Organisation mondiale de la santé), la France serait même dans le peloton de tête. Et cette avance remarquable, malgré les recherches, n'est toujours pas expliquée. Le pourcentage des fumeurs ou des diabétiques français ne se distingue pas particulièrement de celui des autres pays. Certains avancent seulement des explications qui sont un peu rapides comme l'influence de l'alimentation, de la consommation de vin, de l'exposition solaire... »
Cela reste l'un des sujets majeurs de recherche. Malgré cet heureux « paradoxe », les maladies cardio-vasculaires restent en France la première cause de maladie et de mortalité et le resteront dans les dix-quinze années à venir, prévient le Pr Bruckert. Le vieillissement annule « en effet tous les progrès scientifiques et, par ailleurs, les modifications de vie, d'habitudes (le tabagisme chez les adolescents, l'obésité des enfants...) ne se traduisent que de vingt-cinq à trente ans plus tard ».
Des tables rondes scientifiques porteront également sur la génétique. Cet aspect est très peu connu, notamment chez l'enfant, pour qui le cholestérol est perçu comme beaucoup moins grave que d'autres pathologies comme l'hypertension. « C'est quelque chose que l'enfant a mérité en quelque sorte », explique le Pr Bruckert. Les résultats d'un concours de dessin auquel ont participé plus de 300 enfants atteints d'hypercholestéromie seront rendus publics demain et un prix sera attribué aux jeunes lauréats par la Nouvelle société française d'athérosclérose et les Laboratoires AstraZeneca.
Une évolution remarquable des deux côtés de la Manche.
Les intervenants reviendront sur l'évolution spectaculaire de la prise en charge de la maladie au cours de ces quatre dernières années, en partie grâce à une approche nutritionnelle différente. Mais aussi sur l'éducation thérapeutique. « Le cholestérol partage le problème difficile et fondamental du maintien des malades sous traitement, comme pour le diabète par exemple, alors il est essentiel de voir comment accompagner les gens, comment les responsabiliser. » Le Pr Eric Bruckert entend par ailleurs intervenir sur les problèmes souvent méconnus d'hypercholestéromie familiale.
Les débats porteront enfin sur les perspectives attendues quant au traitement de l'hypercholestérolémie. « Avant, les recherches étaient centrées sur la façon de diminuer le "mauvais" cholestérol. Aujourd'hui, on travaille davantage sur "comment augmenter le bon". »
En 1812, Michel-Eugène Chevreul se penchait sur les graisses animales et découvrait rapidement la cholestérine. Un échantillon en est encore visible au laboratoire de chimie du museum. Il faudra ensuite attendre 1932 pour que le chercheur Berthelot lui ajoute le « ol », plaçant ainsi la molécule dans la famille des alcools. Le Pr Bernard Bodo, directeur de laboratoire de chimie au museum, retracera les moments forts de sa découverte.
Le colloque est placé sous la présidence du Pr James Shepherd, qui dirige le département de biochimie pathologique à l'Infirmerie royale de Glasgow, en Ecosse. « La cerise sur le gâteau », d'après les organisateurs, d'abord parce que le Pr Shepherd, spécialiste des maladies cardio-vasculaires mondialement reconnu, « a fait basculer les connaissances sur le cholestérol », notamment en dirigeant l'étude sur la prévention coronaire de l'Ouest en Ecosse (Woscop) portant sur le rôle joué par l'hérédité et l'environnement sur la régulation des paramètres lipidiques (comme le cholestérol), dont les résultats ont été présentés en 1995. Ensuite parce que cette réunion s'inscrit dans le cadre du centenaire de la signature de l'Entente cordiale, concrétisée le 4 avril 1904 par quatre accords conclus entre la France et la Grande-Bretagne choisissant de « s'engager sur la voie de l'amitié et du dialogue ». « The cherry on the cake », donc.
* Accès libre, mais il est recommandé de s'inscrire au 01.41.29.40.20.
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