PRATIQUE
• Plaque prurigineuse érythémato-croûteuse
Mme A. consulte en avril 1999 pour une plaque du cuir chevelu prurigineuse érythémato-croûteuse temporo-pariétale droite d'environ 6 cm x 7 cm, évoluant depuis l'âge de 18 ans. Dans les antécédents, on retrouve un vitiligo localisé présent depuis dix ans, siégeant aux aisselles, à la base du cou et aux deux membres inférieurs, à tendance lentement progressive. Sa fille a un eczéma atopique. Il n'y a pas d'autre antécédent atopique personnel ni familial.
• Absence de cheveux sur la plaque
La lésion a donc commencé vers 18 ans sous forme d'une plaque de la taille d'une pièce de 5 centimes prurigineuse, puis s'est étendue progressivement au cours des années pour intéresser toute la zone pariéto-temporale droite sous forme d'une énorme plaque croûteuse marron épaisse avec absence de cheveux sur toute la plaque, le caractère atrophique ou non de la base est impossible à préciser du fait de l'épaisseur et l'extension de la croûte. La patiente a vu différents dermatologues, n'a aucun diagnostic précis et a eu différents traitements qui n'ont pas permis de guérison. Le diagnostic évoqué devant l'ancienneté de la lésion est celui d'une lésion secondairement impétiginisée : on envisage, compte tenu du terrain immunologique, un lupus chronique impétiginisé, compte tenu du terrain atopique potentiel et du prurit féroce, une névrodermite impétiginisée, mais aussi un processus X infectieux (type mycobactérie atypique ou mycose profonde), inflammatoire, voire tumoral, secondairement impétiginisé. La biopsie est refusée par la patiente, car « un prélèvement de peau a déjà été effectué auparavant et était négatif ».
• Epithélioma basocellulaire
La patiente promet de rapporter le résultat, et un traitement par antibiotique per os et local est prescrit pour une semaine, suivi d'un traitement corticoïde local puissant pendant quinze jours. La patiente est revue un mois plus tard : la croûte a diminué en taille et en épaisseur, et il existe en périphérie une zone nettement alopécique et atrophique. La patiente a oublié son résultat de 1992 et refuse toujours la biopsie. Elle ne revient que quatre mois plus tard avec un résultat de prélèvement qui est en fait un examen mycologique négatif bien entendu, alors que la lésion est toujours prurigineuse, croûteuse et atrophique par zones. Une biopsie avec immunofluorescence est donc enfin acceptée. Le diagnostic posé par l'histologie est celui d'épithélioma basocellulaire, avec une immunofluorescence négative. Une exérèse-greffe est réalisée après biopsies multiples en périphérie pour délimiter la lésion.
• La biopsie, un geste simple et anodin
Ce cas a posé deux problèmes, l'un, diagnostique, l'autre, thérapeutique.
Le problème diagnostique aurait dû être résolu par une biopsie précoce, qui ne semble pas avoir été proposée. Toute lésion chronique croûteuse doit être biopsiée, et ce malgré les réticences et l'inconscience de certains patients. La biopsie pratiquée sous anesthésie locale est un geste simple et anodin, qui ne doit pas effrayer le patient s'il a été bien expliqué. Les allergies aux anesthésiques locaux sont rarissimes et doivent être recherchées par l'interrogatoire. Quant aux traitements anticoagulants, ils doivent être interrompus en accord avec le médecin qui les a prescrits (en général, le relais est pris par une héparine). La seule véritable contre-indication est la thrombopénie majeure.
Le caractère prurigineux de cet épithélioma basocellulaire a peut-être participé à faire errer le diagnostic, mais il faut savoir que le prurit est en fait rencontré de façon non exceptionnelle dans les épithéliomas basocellulaires. Il faut donc se garder d'un diagnostic hâtif de « névrodermite » traînante, surtout si le traitement dermocorticoïde puissant n'entraîne aucune amélioration.
• Problème thérapeutique
Le problème thérapeutique ne s'est posé qu'à cause de la taille de la lésion, elle-même liée à la durée d'évolution de la lésion sans aucun traitement. L'évolution d'un épithélioma basocellulaire est classiquement lente, sans métastases, et ce cas clinique en est l'illustration. Toutefois, certaines formes peuvent avoir une croissance relativement rapide avec extension en profondeur jusqu'à l'os. Dans tous les cas, le principal traitement est chirurgical, et plus le traitement est précoce, plus la chirurgie et ses suites seront simples. D'autres options thérapeutiques telles que la cryochirurgie ou la radiothérapie peuvent se discuter selon la localisation et la taille de la lésion.
• En conclusion
Toute lésion cutanée croûteuse rebelle à un traitement local bien conduit doit faire remettre en question le diagnostic et discuter l'indication d'une biopsie. Celle-ci est parfois le seul moyen de redresser le diagnostic devant une clinique atypique.
Plus le diagnostic est précoce et plus l'exérèse sera simple dans sa réalisation et dans les suites opératoires.
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