CONTRAIREMENT à Jean-François Mattei, Philippe Douste-Blazy semble avoir la baraka. A la veille de l'examen en conseil des ministres de son projet de loi sur l'assurance-maladie, le ministre de la Santé est en passe de réussir son pari. Pilote et VRP de luxe d'une réforme à hauts risques (dont le mécanicien en chef est son secrétaire d'Etat, Xavier Bertrand), l'ancien maire de Toulouse a franchi la première zone de turbulences (la concertation sociale) sans dégâts majeurs. Et, depuis une dizaine de jours, les éléments lui sont favorables, renforçant l'impression que cette réforme qui devait mettre le feu aux poudres suit un cours plutôt tranquille, malgré la complexité du dossier et la multiplicité des acteurs aux intérêts divergents.
Le semi-échec de la manifestation contre le plan « Douste », où les syndicats ont mobilisé en ordre dispersé, avait apporté au ministre la première bonne nouvelle : la pression de la rue reste pour l'instant limitée, loin du brasier des retraites. L'examen des 44 articles du projet de loi par le conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance-maladie (Cnam) fut ensuite l'occasion d'une divine surprise. Particulièrement alambiqué, l' « avis motivé » de la caisse (une « critique constructive » de sept pages), que seule la CGT a rejeté, a permis à Philippe Douste-Blazy de se réjouir que le front syndical soit « cassé ». Et même si plusieurs confédérations de salariés, dont la Cfdt, ont précisé que cet avis ne constituait en aucun cas une adhésion au plan gouvernemental, la réforme a marqué un point. Le dernier signal positif est venu des praticiens, avec le soutien vigilant de la Csmf (Confédération des syndicats médicaux français), premier syndicat de médecins libéraux. Certes, le Dr Michel Chassang, président de la Csmf, explique que la réforme est « perfectible », que le ministre de la Santé devra respecter ses engagements favorables aux médecins et que la Csmf ne roule pas pour le gouvernement (« le Quotidien » du 11 juin). Mais les faits sont têtus : après dix années de guerre ouverte contre les plans « comptables » des différents ministres (Juppé-Barrot, Aubry, Guigou), la Csmf juge cette fois que les choses « vont plutôt dans le bon sens », celui d'une régulation médicalisée (qui renvoie toutefois les sujets sensibles aux négociations conventionnelles...) .
Tirant le bilan de cette longue phase de concertation tous azimuts, Philippe Douste-Blazy n'a pas hésité à saluer dans un entretien avec l'AFP « une victoire de la démocratie sociale ».
Deuxième round.
Il serait pourtant imprudent d'imaginer que la deuxième phase, politique et parlementaire, sera une partie de plaisir pour le gouvernement, d'autant que plusieurs acteurs de poids ne désarment pas. Dès aujourd'hui, la CGT, la FSU et le G10 tentent de (re)mobiliser. Au menu : débats, arrêts de travail et manifestations. FO n'exclut pas une « journée interprofessionnelle de grève public-privé » pour peser sur le dossier. La Mutualité française, qui ne trouve pas sa place dans la nouvelle gouvernance et aspire à la cogestion, lance de son côté une journée nationale d'action et d'information du grand public, le 22 juin, dans le cadre d'une démarche commune avec la Cfdt et l'Unsa. Enfin, le front médical existe toujours. Les médecins spécialistes « coordonnés » durcissent même le ton. Le mouvement de déconventionnement national solidaire (Mdns) appelle l'ensemble des libéraux à manifester aujourd'hui, à Lyon, en solidarité avec les praticiens de secteur I sanctionnés par les caisses primaires.
L'épreuve du Parlement, qui commencera au début juillet, sera décisive. Le PS, qui juge la réforme à la fois « injuste et inefficace », prépare une riposte sur le thème du recul de l'accès aux soins, de la répartition « inéquitable » des efforts financiers et de la privatisation rampante.
Quelles que soient les critiques, et d'où qu'elles viennent, Philippe Douste-Blazy a tenu jusqu'à présent le même discours : il est tout disposé à « améliorer » son texte. A condition que la réforme permette de sauver le système de la faillite.
La commision des comptes de la Sécu se réunit demain
La Commission des comptes de la Sécurité sociale (Ccss), présidée par Philippe Douste-Blazy et composée de représentants des partenaires sociaux et du monde de la santé, se réunira demain après le conseil des ministres et la séance des questions à l'Assemblée nationale. La Ccss examinera les comptes de l'ensemble des branches de la Sécurité sociale (maladie, famille, vieillesse, accidents du travail), avec les chiffres quasi définitifs pour l'année 2003 et les prévisions actualisées pour 2004.
Début mai, une note de cette commission annonçait un déficit record de 10,2 milliards d'euros du régime général de la Sécurité sociale depuis 1995 (toutes branches confondues), en raison d'un trou « historique » de 11,1 milliards de la branche maladie. Le ministre de la Santé et de la Protection sociale a, quant à lui, déjà indiqué que le déficit atteindrait en 2004 14 milliards d'euros pour le régime général dans son ensemble et 12,9 milliards pour la seule branche maladie.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature