Décision Santé. Quelle a été la réaction du gouvernement à votre communiqué annonçant la fin de tout contact du Leem avec les autorités ? En a-t-on accusé réception ?
Patrick Errard. Les autorités ont pris acte de la décision du conseil d’administration. Certains la regrettent mais comprennent dans le même temps le souci de cohérence qui nous anime. Tant que nous sommes dans cette phase délicate d’analyse et de négociation sur le prochain budget, il n’est pas raisonnable de lancer, avant qu’elle ne soit achevée, des travaux sur le moyen ou le long terme. Cela relève du bon sens.
D. S. Quels actes attendez-vous du gouvernement qui signerait la fin du conflit ?
P. E. Tout engagement qui témoignerait de la prise de conscience par la ministre de la gravité de la situation frappant l’industrie pharmaceutique. Ce qui la conduirait à adopter des amendements à son plan budgétaire. Je ne peux pas préjuger à ce stade de ce qui sera nécessaire pour nous amener de nouveau à la table de négociation. C’est au conseil d’administration d’en décider en fonction de la nature des amendements qui auront été retenus. Nous attendons simplement que les efforts demandés à l’industrie du médicament ne pèsent pas plus que son poids réel dans les dépenses de santé, à savoir 15 % , soit 500 à 600 millions de contributions annuelles, le montant des sommes exigées en 2011. Ce niveau de contribution acquitté par les Entreprises du médicament doit être atteint de façon tangentielle sur les trois ans à venir. Il nous faut trouver les mécanismes qui permettent de rejoindre cet objectif.
D. S. Observe-t-on un ralentissement des investissements dans l’Hexagone ?
P. E. Indéniablement. La crise économique frappe l’industrie du médicament. Pour la troisième année consécutive, nous sommes en récession avec un chiffre d’affaires de - 3 % pour les médicaments remboursables pour cause d’effet prix et volume. Dans le même temps, l’emploi diminue, notamment dans la production. La perte de compétitivité s’est par ailleurs accentuée depuis deux ans dans le domaine de la recherche et la valorisation de la France dans l’accès au marché. L’ensemble de ces facteurs contribue à ce que les grands laboratoires internationaux privilégient d’autres pays que la France pour réaliser des investissements. Ce mal chronique et cette perte d’attractivité de l’Hexagone participent à notre coup de colère.
D. S. Comment expliquer cette situation qui n’est pas observée sur les autres marchés matures européens ?
P. E. En Allemagne, en Angleterre et même en Italie, on observe une reprise du marché. Quelle en est l’explication ? Les gouvernements dans ces pays ont mis en place il y a douze mois un système contractualisant qui donne de la stabilité, de la lisibilité au régime de fixation des prix, à la fiscalité. C’est exactement l'inverse de ce que l’on observe en France. De facto, cela a produit de la compétitivité qui s’est traduite par une relance. Pas de théorie ici mais des preuves de succès par l’exemple. Nous mettrons en avant ce type de mesures lors de prochaines réunions Avenue-de-Ségur avec l’espoir d’être enfin entendus.
D. S. Dans ce contexte, quelle est alors l’utilité des accords signés avec le Comité économique des produits de santé (CEPS) dont l’objectif est de fixer un cap ?
P. E. Il faut distinguer l’esprit conventionnel de ce que l’on a fait. Nous sommes attachés à faire perdurer l’outil conventionnel. C’est en effet un instrument qui donne de la perspective. Mais au fil du temps, sous le joug de la pression économique portée par les PFLSS, les pouvoirs publics se sont éloignés de l’esprit du contrat. Le CEPS a été contraint de réaliser des économies drastiques sur le prix des médicaments, notamment les plus anciens. Aujourd’hui, c’est au tour des innovations thérapeutiques d’être frappées par ce phénomène. L’esprit conventionnel est mis à mal par la crise, même si Dominique Giorgi, son président, se démène pour le faire perdurer.
D. S. Un vent nouveau flotte-t-il sur le Commission de la transparence (HAS) depuis le changement de président ?
P. E. C’est trop tôt pour le dire. Il n’y a là aucun élément de défiance. De nombreux points sur l’évaluation du médicament ne sont toujours pas éclaircis. Quelle démarche adoptera la HAS pour évaluer des médicaments innovants destinés à une population ciblée comme les nouveaux traitements de l’hépatite C ? Le changement de paradigme n’est pas simple à gérer. L’évaluation médico-économique en est encore à ses balbutiements. Les chantiers sont trop nombreux pour établir un pronostic sur l’évolution de la HAS. Nous sommes par exemple très attentifs au maintien de la présence du Leem au sein de la Commission de transparence.
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