LE RONFLEMENT est une plainte très fréquente des consultations d'ORL, puisque 44 % des hommes de plus de 30 ans ronfleraient (1). Mais, bien souvent, la plainte rapportée ne concerne pas le ronflement en lui-même, mais son retentissement sur le sommeil du conjoint.
Le ronflement peut entraîner des comportements d'évitements sociaux ou des problèmes conjugaux. Ainsi, selon une étude, plus de la moitié des conjoints sont perturbés par le ronflement chaque nuit, ou presque chaque nuit, et un tiers rapportent des conflits répétés dans leur couple dus au ronflement. Un quart des conjointes de ronfleurs utilisent des bouchons d'oreille et/ou des somnifères pour préserver leur sommeil et 40 % dorment au moins une fois par semaine dans une chambre à part (2). Les risques de divorcer seraient plus élevés chez les patients ronfleurs et somnolents souffrant d'apnées du sommeil que dans la population générale (3).
S'il existe une littérature abondante sur l'évaluation des traitements proposés aux ronfleurs, peu d'articles se sont intéressés au retentissement objectif du ronflement sur la qualité de sommeil du conjoint et à l'évaluation de la plainte.
Il existe plusieurs façons d'apprécier ce retentissement : soit directement, soit indirectement par les répercussions d'une mauvaise qualité de sommeil dans la journée. L'analyse peut être subjective, par des échelles de fatigue, de somnolence et de stress, ou objective, par une étude de somnolence en laboratoire ou des tests de temps de réaction.
Le retentissement direct sur le sommeil peut être évalué par la présence ou non d'insomnie, la présence de réveils nocturnes ou des échelles de qualité de sommeil, ou encore objectivement par un enregistrement polysomnographique du sommeil. La plupart des travaux portant sur le sujet ont étudié des critères subjectifs. Les résultats de ces différentes études sont concordants sur trois paramètres : il existe une augmentation de la sensation de fatigue, de stress et de certains paramètres de la qualité de vie (tels la vitalité, le fonctionnement social, physique ou émotionnel), liée au ronflement. En revanche, l'augmentation de la somnolence diurne n'est pas retrouvée dans toutes les études. Quant à la qualité du sommeil, elle est affectée de façon variable selon l'échelle choisie pour l'évaluer.
Des disparités entre éléments objectifs et subjectifs.
Les études subjectives portant sur l'étude du sommeil lui-même retrouvent une augmentation des insomnies d'endormissement et des insomnies de continuité de sommeil (4) et une mauvaise qualité de sommeil (5). Mais seulement deux études ont analysé le sommeil de façon objective. Dans les deux cas, il s'agissait d'évaluer l'efficacité d'un traitement par CPAP (Continuous Positive Airway Pressure) des apnées du sommeil et son retentissement (ainsi que celui du ronflement) sur le sommeil du conjoint. La première étude rapportait, lors de la première nuit de traitement, une amélioration de l'efficience du sommeil (c'est-à-dire le rapport temps de sommeil/temps passé au lit) et une diminution de l'index d'éveils (6), mais, dans la deuxième, aucun des neuf critères de qualité du sommeil étudiés après un mois de traitement ne variait de façon significative (5).
Ces disparités peuvent en partie être liées à deux facteurs, qui n'ont pas été pris en compte dans les études : d'une part la sensibilité au bruit, variable d'une personne à l'autre, et, d'autre part, la chronicité du bruit. La répétition d'un bruit dans le temps, même s'il existe une certaine habituation, peut entraîner une désorganisation durable du sommeil. Dans les études, la réponse au traitement est différente selon le temps d'exposition au ronflement.
En faisant la synthèse de ces différents travaux, il se dégage finalement une certaine discordance entre la plainte exprimée par les conjoints et les perturbations de sommeil effectivement retrouvées. Des études complémentaires sont nécessaires pour analyser de façon plus objective les relations entre ronflement et sommeil du conjoint.
D'après un entretien avec le Dr Marc Blumen, ORL, Centre médical veille-sommeil (Paris) et hôpital Foch (Suresnes).
(1) Young T et coll. N Engl J Med. 1993;328(17):1230-5.
(2) Paula Virkkula et coll. Chest 2005;128:2176-2182.
(3) Grunstein RR et coll. Sleep 1995;18(8):635-43.
(4) Ulfberg J et coll. Health Care Women Int 2000;21(2):81-90.
(5) McArdle N et coll.Thorax 2001;56:513-518.
(6) Beninati W et coll. Mayo Clin Proc 1999;74(10):955-8.
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