Les plaies de la main sont de gravité variable suivant les structures anatomiques lésées. La fonction harmonieuse et si parfaite de la main dépend de l'intégrité de nombreuses structures très intriquées dans un volume réduit : le squelette, les tendons, les nerfs et vaisseaux, la peau...
Parmi ces éléments, les tendons fléchisseurs réclament une attention toute particulière, dans la mesure où ils sont fréquemment exposés à une blessure, volontiers banale, et leur cicatrisation défectueuse hypothèque sévèrement leur fonction essentielle d'enroulement actif des doigts vers la paume de la main.
Une disposition anatomique très spécifique
On ne peut comprendre la particularité des lésions des fléchisseurs sans quelques notions anatomiques et physiologiques de base : ces tendons longent le squelette digital du côté de sa face palmaire ; ils glissent à l'intérieur du canal digital au sein d'une gaine synoviale ; cette gaine synoviale assure à la fois le glissement et la nutrition du tendon (effet lubrificateur et trophique).
Toute plaie peut perturber ce dispositif délicat. La chirurgie réparatrice (dont le but primordial est le rétablissement de la continuité du tendon) doit assurer la cicatrisation sans que la gaine ne vienne (par sa participation propre à la cicatrisation) à se solidariser au tendon (adhérences). Si l'on a parfaitement compris les risques d'un tel processus de cicatrisation, il reste difficile, pour le soignant en pratique, d'en contrôler tous les facteurs. Dans la cicatrisation du tendon, destinée à reconstituer la continuité, interviennent ainsi de concert une composante intrinsèque (le tendon lui-même) et une composante extrinsèque (péritendineuse) dont on souhaite minimiser au maximum la participation.
Des zones à risque variable
L'expérience des plaies des tendons fléchisseurs permet d'observer que la gravité de ces lésions dépend entre autres de leur localisation : pour faciliter les études cliniques et l'évaluation comparative des protocoles thérapeutiques, il convient de distinguer le pouce des autres doigts ; pour les quatre doigts cubitaux, on distingue cinq zones lésionnelles, numérotées de distal en proximal, et repérées sur les plis de flexion. L'une des zones les plus critiques de réparation est la zone 2 (encore appelée « No man's land »), qui s'étend entre le pli palmaire distal et la partie distale de la deuxième phalange. Dans cette région, les tendons fléchisseurs, profonds et superficiels, sont à l'étroit, cheminant de concert, très intriqués, et le délicat glissement de cet ensemble est fortement à risque lors de la cicatrisation.
Au niveau du pouce, l'existence d'un seul tendon extrinsèque assurant la flexion simplifie l'individualisation des zones lésionnelles en trois zones différenciées, également numérotées de distal en proximal : T1, T2, T3.
Un objectif chirurgical clair
S'il est relativement aisé de définir l'objectif chirurgical, en pratique, il reste beaucoup plus délicat à réaliser : cet objectif est en fait d'assurer une remise en continuité suffisamment solide des extrémités tendineuses sectionnées. Lorsque l'on dit solide, cela veut dire autorisant la mobilisation (active), voire éventuellement l'usage (actif) du tendon, sans reséparation de ces extrémités rapprochées.
Plusieurs méthodes de sutures sont défendues par leurs promoteurs avec des avantages respectifs débattus ; le fil de suture lui-même fait l'objet d'un débat. La suture du tendon lui-même n'est pas l'unique paramètre de la qualité de l'acte chirurgical de réparation : le recouvrement cutané, la réétanchéisation de la gaine synoviale, la réparation solide éventuelle d'un élément squelettique fracturé, l'absence de survenue d'une complication infectieuse constituent autant de variables susceptibles d'influencer les nécessités d'immobilisation postopératoires. S'il est parfaitement compris que l'idéal d'une telle chirurgie est le traitement total en un temps suivi d'une mobilisation précoce (TTMP), cet objectif est plus facilement envisageable en théorie que réalisable en pratique ; c'est, en tout cas, de ce que l'opérateur aura pu réaliser durant son acte chirurgical réparateur, que dépendra la conduite du protocole de rééducation postopératoire.
Tout le monde comprend donc aisément, à la lumière des notions précédentes, que la mobilisation du tendon réparé dans sa gaine représente le meilleur moyen d'aboutir à un résultat acceptable ; une telle mobilisation n'est cependant pas dénuée de dangers pour le tendon réparé : rupture itérative, séparation de la zone de suture (« bâillement » avec effet d'allongement)... L'imagination n'a donc pas manqué aux opérateurs pour définir des protocoles postopératoires variés : certains préconisent une immobilisation initiale d'un mois, d'autres défendent la mobilisation précoce mais suivant des modalités précises de protection. La qualité des résultats plaide en faveur des techniques de mobilisation précoce dite protégée ; de telles techniques postopératoires sophistiquées nécessitent des équipes de kinésithérapies motivées, pilotées par l'opérateur, intégrées dans l'unité de soins spécialisés et surtout dans un contexte de bonne coopération avec le patient ou la patiente.
Une appréciation non univoque du résultat
Plusieurs équipes « leaders » en chirurgie de la main ont tenté de définir des méthodes consensuelles d'évaluation du résultat après chirurgie réparatrice des tendons fléchisseurs. Pour l'instant, il n'existe pas encore de méthode universelle pour quantifier de façon standardisée d'éventuels défauts résiduels non exceptionnels après la réparation tendineuse d'un tendon fléchisseur.
Toutefois, le chemin accompli en une vingtaine d'années, tant pour la réalisation technique de cet acte que pour l'appréciation intelligible des résultats obtenus, est considérable.
D'après la conférence d'enseignement du Dr Francis Chaise, Nantes
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature