ARTS
Un assaut promotionnel, fortement soutenu par la haute finance américaine, a permis à l'art américain de s'imposer dans le monde entier. La chaîne des musées Guggenheim en est le parfait exemple. Rien de tel n'est possible pour le monde de l'art européen et la France a perdu un combat.
Aujourd'hui, les artistes qui faisaient la gloire de sa culture sont progressivement rejetés des cimaises des musées, et pratiquement ignorés par un public gavé d'information téléguidée par des institutions gagnées à la cause américaine. Avoir 20 ans en l'an 2001, c'est voir l'art à travers l'il de Warhol, du pop art, mais ignorer la force et les audaces d'une peinture résolument de tradition française qui fit les beaux jours de l'après-guerre après avoir été, pendant les années d'Occupation, l'une des rares expressions culturelles défiant l'ennemi.
On se souvient de l'exposition aujourd'hui entrée dans la légende où, sous le titre « Peintres de tradition française », de Tal Coat à Lapicque, c'est toute une génération qui s'affirmait. Elle avait débuté dans les années trente, encore fortement influencée par le prestige énorme de Picasso, de Léger, de Matisse, et s'était essayée aux tourments de l'orage qui s'annonçait. Ce sera une peinture volontiers torturée, d'une grande force expressive, qui détournait le cubisme de ses spéculations intellectuelles et formalistes pour renouveler le langage de la protestation, de la colère.
Non au pouvoir de l'argent
Chacun de ceux qui en constituaient les forces vives évoluera selon son tempérament profond. Ainsi peut-on, aujourd'hui, confronter quelques-uns de ces artistes d'une certaine tradition française, modernes sans pour autant mettre en doute les pouvoirs de la peinture et donner de celle-ci des versions d'une haute intelligence, d'une franchise d'exécution qui en font des modèles.
Jean Hélion, qui débuta dans le sillage de Mondrian et d'une abstraction exigeante, retrouvant une figuration d'une clarté d'énoncé qui reste confondante ; Jean Le Moal, tourné vers une musicalité de la couleur, vigoureusement structurée par un jeu de grandes verticales, plongeant dans une conscience aiguë du monde élémentaire, sous le parrainage d'une pensée qui va dominer cette génération : celle de Gaston Bachelard. Lapicque, enfin, ici dans un groupe baptisé « Rencontres », là en solo, mais magnifique dans son isolement audacieux, osant l'anecdote quand la peinture se tourne vers ses propres racines. Mais forçant l'image jusqu'à la stridence d'une palette jubilatoire, un graphisme échevelé et ardent.
Deux expositions, modestes en leur présentation, ont le mérite d'actualiser un problème qui reste cuisant. La peinture française est en péril, les artistes ici valorisés en sont de prestigieux représentants. Reconnaître leur mérite historique, c'est déjà sauver l'avenir d'un art qui refuse de se laisser écraser par le pouvoir de l'argent.
« Rencontres » (Jean Hélion, Charles Lapicque, Jean Le Moal), galerie Bertrand, 63000 Clermont-Ferrand. Jusqu'au 22 décembre.
« Charles Lapicque ». Galerie Art Service, 115, rue Saint-Martin. Paris-4e. Jusqu'au 26 novembre.
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