S'IL EST bien un fait connu des médecins, constatent M. Bitner-Glindzicz et S. Rahman (Londres) dans le « BMJ », c'est que les aminoglycosides sont ototoxiques. Ce qui l'est beaucoup moins, ajoutent-ils, c'est qu'il existe une prédisposition d'origine génétique à cette toxicité pour l'oreille interne. Chez ces individus hypersensibles, des doses largement infrathérapeutiques peuvent être toxiques. Chez certains, même une dose unique peut conduire à la surdité.
En conséquence, les deux médecins britanniques réclament un dépistage génétique des patients susceptibles de recevoir souvent des aminosides. Ils évoquent les cas de leucémie ou la réanimation néonatale. Ils suggèrent qu'en attendant les résultats du dépistage une autre alternative antibiotique soit proposée. Bien sûr, admettent-ils, la réalisation d'un tel test ne sera fondée sur le plan économique que lorsque la prévalence de la mutation impliquée sera déterminée dans la population (britannique, dans ce cas). Une fois cette prévalence connue, il devrait être aisé de calculer l'économie réalisée grâce au test. En effet, la prise en charge d'un enfant sourd avec implants cochléaires, rééducation du langage et entretien de l'implant peut se monter, selon des estimations américaines, à plus d'un million de dollars (800 000 euros). Quant au coût du test de dépistage, il est actuellement de 52 euros. Mais, rappellent les auteurs, si la demande augmente, avec les quantités les prix devraient baisser.
Cette argumentation se fonde sur la mise en évidence de la mutation responsable m.1555A>G. Cette mutation touche l'ADN mitochondrial. Elle est donc uniquement d'origine maternelle puisque cet ADN n'est transmis que par la mère. Selon une étude menée en Chine, la mutation serait responsable d'au moins 33 à 59 % de l'ototoxicité des aminosides.
Ces antibiotiques exercent leur action antibactérienne en se liant aux ribosomes des bactéries, conduisant à des erreurs de synthèse protéique. Il se trouve que les ribosomes mitochondriaux humains montrent des similitudes avec ceux des bactéries. Plus ennuyeux est le fait que la mutation en position 1555, sur l'ADN mitochondrial humain, majore les similitudes avec son homologue bactérien. La liaison de l'antibiotique sur le patient s'en trouve facilitée. Enfin, il faut savoir qu'une fois liés aux cils de la cochlée, les aminosides connaissent une demi-vie particulièrement prolongée, de l'ordre de plusieurs mois, facteur de toxicité supplémentaire.
La prévalence, dans le monde, de la mutation m.1555A>G est mal connue. Elle ne peut qu'être extrapolée à partir de petites études. Au Royaume-Uni, par exemple, elle pourrait concerner une naissance sur 40 000. Mais des taux très différents ont été relevés au Texas ou en Nouvelle-Zélande, avec respectivement un cas pour 1 161 naissances et un pour 206.
« British Medical Journal », vol. 335, pp. 784-5, du 20 octobre 2007.
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