C’est une redéfinition radicale de la politique du dépistage du VIH que demandent d’une même voix le Conseil national du Sida, présidé par le Pr Willy Rozenbaum, et la Conférence nationale de santé, présidée par Christian Saout. Dans la lignée de la recommandation de la HAS d’octobre 2009 et d’un avis du Conseil national du Sida de 2008, les deux organisations militent pour que le dépistage généralisé soit au cœur du prochain plan national « VIH/sida-IST 2010-2014 » que le ministère doit normalement rendre public en juillet. Or, selon les orientations stratégiques sur lesquels ces deux instances ont eu à se prononcer dernièrement, cette option ne semble pas retenue par le ministère de la Santé. Il est vrai qu’il s’agirait d’une véritable révolution culturelle dans la politique de dépistage, mais qui pourrait du même coup remettre les généralistes au cœur de celle-ci.
Que disait la HAS l’automne dernier ? À rebours de la politique de prévention qui a prévalu en France depuis le milieu des années quatre-vingt, le dépistage du VIH ne devrait plus être ciblé vers des populations à risques mais « généralisé » autrement dit « proposé à l’ensemble de la population âgée de 15 à 70 ans ». Cette recommandation qu’appuie aujourd’hui une nouvelle fois le Conseil national du Sida répond au constat de la persistance des retards de diagnostic. « On estime aujourd’hui que près de 40 000 personnes sont infectées et ignorent leur séropositivité (fourchette comprise entre 18 000 et 61 000 personnes) » indiquait la HAS. Une population qui ne présente pas nécessairement de facteur de risques évidents. « Actuellement, 70 % des contaminations ont pour origine une personne qui ignore elle-même sa séropositivité, le plus souvent à l’intérieur d’un couple, marié ou non, mais stable » précise le Pr Rozenbaum. Autrement dit n’importe quel patient.
Généralisation du dépistage, mais pas dépistage systématique
Pour autant, généralisation du dépistage ne signifie pas dépistage systématisé et organisé à l’instar des dépistages du cancer du sein ou colo-rectal. Cependant, pour la HAS, il convient désormais de proposer « un test de dépistage de l’infection par le VIH à l’ensemble de la population âgée de 15 à 70 ans, hors notion d’exposition à un risque de contamination ou caractéristique particulière ». Cette stratégie repose sur « la mobilisation active des médecins généralistes et autres acteurs de la santé ». Aux États-Unis, l’élargissement de l’offre de dépistage existe depuis quatre ans déjà. L’intérêt du dépistage précoce du VIH n’est plus à démontrer. Il permet évidemment une meilleure prise en charge sachant que le traitement par trithérapie devrait d’ailleurs être prochainement recommandé dès que le taux de CD4 est inférieur à 500 contre 350 actuellement. Par ailleurs, un meilleur dépistage permet aussi de réduite la chaîne de contaminations. Les personnes qui se savent séropositives peuvent adopter des comportements en conséquences et protéger leurs partenaires sexuels. Ensuite, la mise sous traitement limite la transmission. « Les études sur des couples sérodiscordants ont montré que la mise sous traitement réduit de 92 % le risque de transmission » rappelle le Pr Rozenbaum. Pas question pour autant pour les experts français, contrairement aux Suisses qui ont avancé cette idée il y a deux ans, de parler de risque zéro de contamination pour un patient sous traitement.
Il reste que l’extension du dépistage du VIH a nécessairement un coût. Mais selon le Conseil national du Sida, les études de la HAS, réalisés à la demande du ministère, montrent que le dépistage généralisé demeure coût-efficace, autrement dit il coûte toujours moins cher de dépister larga manu plutôt que d’avoir en permanence une population de séropositifs non dépistés. « Le fait de banaliser l’offre de dépistage et de la rendre indépendante de la recherche de personne à risque permet aussi de réduire la stigmatisation des malades » plaide le Dr Rozenbaum. Au ministère de la Santé, des « arbitrages » sont toujours en cours et la rédaction du plan national « VIH/sida-IST 2010-2014 » ne semble pas encore totalement achevée. Mais au cabinet de Roselyne Bachelot on semblait regretter que ces avis interviennent un peu trop tôt, et on soulignait lundi que « cet avis conjoint va bien entendu nourrir la phase finale d’élaboration du plan, qui sera annoncé dans les semaines qui viennent » mais que pour l’heure, ni le Conseil national du Sida, ni la Conférence nationale de la santé ne s’étaient bien entendu prononcés sur le plan sida à venir. Et pour cause…
Actuellement, cinq millions de test VIH sont réalisés chaque année en France, soit 79 pour 1 000 habitants. La France a un des taux les plus élevés de dépistage en Europe. Techniquement les outils existent pour aller au-delà. Les tests de dépistage rapide du VIH ont en effet été autorisés récemment par un arrêté permettant le recours par les médecins à un test de dépistage rapide du virus du sida dans quatre « situations d'urgence ». Ce type de test permet d'obtenir un diagnostic de séropositivité en 30 minutes, après prélèvement d'une simple goutte de sang au bout du doigt. Il doit être « obligatoirement validé », que le résultat soit négatif ou positif, par un diagnostic biologique classique.
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