En premier lieu, il faut rappeler que toute douleur doit être évaluée : qualité, intensité, retentissement sur la qualité de vie avant de prescrire un traitement antalgique. De plus, seules les douleurs par excès de nociception sont soulagées par la morphine et ses dérivés (palier III de l'OMS), qui peuvent être à libération immédiate ou programmée.
Les opioïdes à libération immédiate sont utilisés dans le cadre de la douleur cancéreuse en raison de leur court délai d'action et de leur courte durée d'action.
La morphine (Sevrédol cp à 10 et 20 mg et Actiskénan gélules à 5, 10, 20, 30 mg) est employée par voie orale, notamment pour débuter un traitement morphinique. Son délai d'action est de 30 minutes et sa durée d'action de 4 heures. On commence à la posologie de 1 mg/kg/jour répartis en 6 prises (10 mg en moyenne par prise pour un adulte). Les doses sont diminuées de moitié chez l'insuffisant rénal et le sujet âgé chez qui les prises peuvent être espacées. Certains patients ayant un traitement morphinique de fond ont des exacerbations douloureuses spontanées : il est possible de les traiter avec la morphine à libération immédiate à la posologie de 1/6 à 1/10 du traitement de fond des 24 heures. Ces prises peuvent avoir lieu toutes les quatre heures ou même toutes les heures. L'idéal est une prise une demi-heure avant l'incidence du seuil douloureux, par exemple avant des soins. Il n'y a pas d'effet plafond : la dose optimale est celle qui procure la meilleure analgésie avec le minimum d'effets secondaires. Ces derniers à type de constipation et d'effets cognitifs lors des traitements morphiniques de fond, et de somnolence et de dépression respiratoire chez les sujets naïfs de morphine, doivent être prévenus ou traités.
L'Actiq, citrate de fentanyl (200, 400, 600, 800, 1 200, 1 600 mcg) est une morphine à libération immédiate par voie transmuqueuse orale. Ce produit est indiqué pour le traitement des accès douloureux spontanés en complément d'un opioïde de fond pour les douleurs chroniques cancéreuses stabilisées depuis au moins trois semaines.
Il se présente sous forme de comprimé fixé au bout d'un bâtonnet que le patient doit frotter contre sa joue pendant 15 minutes : l'effet analgésique survient au bout de 5 minutes. La titration est nécessaire car il n'y pas de corrélation entre la dose d'Actiq efficace et celle du traitement morphinique de fond. On commence par le plus faible dosage sans dépasser quatre administrations journalières. La titration peut demander plusieurs jours et l'utilisation du produit peut être difficile chez des personnes ayant des lésions buccales ou des troubles cognitifs. Le patient naïf de morphine est une contre-indication. Ce médicament qui a l'AMM depuis septembre 2001 est de prescription hospitalière.
Des molécules à libération prolongée pour le traitement de fond
Le traitement morphinique de fond fait appel à la morphine à libération prolongée : Moscontin (cp 10, 30, 60, 100, et 200 mg), Skénan (gélules à 10, 30, 60, 100 et 200 mg) qui doivent être pris tous deux fois par jour et Kapanol (gélules à 20, 50 et 100 mg) à raison d'une prise par jour.
Un autre opioïde à libération prolongée a été récemment mis à disposition des patients : Oxycontin.
L'oxycodone à libération prolongée peut être utilisée aujourd'hui dans le traitement de la douleur cancéreuse en relais des autres opioïdes, ou en première intention en cas de douleurs modérées à fortes. C'est un agoniste des récepteurs de la morphine dont l'effet analgésique est puissant : il appartient au palier III de l'OMS. Les comprimés doivent être avalés sans croquer, la dose recommandée est de 10 mg toutes les douze heures chez un patient naïf, qui peut être augmentée de 25 à 50 % toutes les 24 à 48 heures. Enfin, 20 mg de morphine orale sont équivalents à 10 mg d'Oxycontin et les effets secondaires sont les mêmes que ceux de la morphine.
L'hydromorphone (Sophidone LP gélules à 4, 8, 16, 24 mg) est un autre opioïde à libération prolongée agoniste des récepteurs morphiniques qui constitue une alternative en cas d'analgésie insuffisante et/ou de toxicité morphino-induite. Ce produit a une efficacité analgésique comparable à celle de la morphine et des effets latéraux identiques. 1 mg d'hydromorphone équivaut à 5 à 10 mg de morphine per os. L'hydromorphone présente l'avantage de pourvoir être utilisée chez les insuffisants rénaux et doit être administrée deux fois par jour.
La rotation des opioïdes
Chez 15 à 20 % des patients insuffisamment soulagés par un traitement morphinique bien conduit, la rotation des opioïdes doit être pratiquée. Un opioïde fort est substitué à un autre pour optimiser le rapport effets analgésiques/effets secondaires, en sachant qu'il y a des différences interindividuelles de sensibilité aux opioïdes qui favorisent l'émergence d'effets secondaires. Pour maintenir un traitement morphinique, nous disposons de plusieurs solutions souvent associées : réduire les doses, hydrater suffisamment, donner une médication adjuvante. En cas d'effets secondaires avec la morphine orale, on peut changer pour l'oxycodone LP ou l'hydromorphone et Actiq pour contrôler les à-coups douloureux. Pour les deux premiers, il faut diminuer les doses équi-analgésiques de 20 à 50 %.
D'autres voies d'administration peuvent aussi être utilisées, y compris les voies périmédullaires. Enfin, il ne faut pas oublier les autres moyens antidouleur qui peuvent être de bons adjuvants : le drainage lymphatique, les massages, l'hypnose et l'acupuncture.
D'après les communications de Brigitte George et Fabrice Lakdja (Bordeaux).
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