IL EST ACTUELLEMENT admis que la physiopathologie de la fibrillation auriculaire (FA) fait intervenir des circuits de rentrée multiples, qui changent constamment de taille et de direction. La pérennisation d’une fibrillation atriale fait intervenir la notion de masse critique, décrite par M. Allessie en 1985. En effet, pour qu’une fibrillation atriale puisse être soutenue, au moins six ondes de rentrée doivent être présentes simultanément dans les deux oreillettes. Il revient à Michel Haïssaguerre et à son équipe (Bordeaux) d’avoir montré que des foyers ectopiques participent au déclenchement de la FA et que ceux-ci sont, pour l’essentiel, situés au niveau des manchons musculaires qui entourent les veines pulmonaires au niveau de leur jonction avec l’oreillette gauche. Ces « sources » peuvent ainsi faire l’objet d’une ablation par courant de radiofréquence.
Le déclenchement d’une FA provoque des modifications électriques et structurelles (regroupés sous le vocable de « remodelage » atrial) qui tendent à rendre la FA persistante, voire permanente. Le remodelage électrique est un phénomène qui s’installe après 24 à 48 heures de FA soutenue et qui correspond à un raccourcissement important des périodes réfractaires du tissu atrial, en relation avec un dysfonctionnement des canaux calciques des membranes myocytaires. Le remodelage anatomique correspond à une modification histologique du tissu atrial, visible au microscope, qui intéresse à la fois les myocytes mais également le tissu de soutien atrial. Ce remodelage atrial s’établit très progressivement sur une période de plusieurs semaines, voire de plusieurs mois, après la survenue d’une FA soutenue. Le remodelage anatomique s’explique par des modifications phénotypiques dont l’origine provient d’un dysfonctionnement nucléaire consécutif à la FA elle-même. Le remodelage atrial crée ainsi les conditions physiopathologiques nécessaires à l’autoentretien de la FA.
Le processus de remodelage atrial n’est toutefois pas irrémédiable. En effet, un processus de remodelage « inverse » a été mis en évidence expérimentalement. Ce processus très lent débute dès lors que le rythme sinusal est restauré et il se poursuit tant que le rythme sinusal se maintient.
Restaurer le rythme sinusal aussi rapidement que possible.
Le concept de remodelage atrial sous-tend la notion selon laquelle une intervention destinée à restaurer le rythme sinusal devrait être aussi précoce que possible, comme C. Timmermans et coll. l’avaient montré.
Les avantages théoriques du maintien en rythme sinusal sont le maintien de la contribution atriale au remplissage ventriculaire, l’augmentation du temps de remplissage ventriculaire et la régularité du rythme ventriculaire. La suppression des symptômes et des complications liées à l’arythmie peut ainsi être obtenue si l’on parvient à maintenir le rythme sinusal au long cours et à éviter les récidives de FA. Un autre avantage apparaît alors également quant au traitement anticoagulant au long cours qui peut alors être évité.
Le traitement de la FA en 2006 reste fondé en première instance sur l’emploi des antiarythmiques. Il a été toutefois montré dans de nombreuses études que le traitement antiarythmique est inefficace pour maintenir un rythme sinusal pérenne chez un nombre élevé de patients (40 à 80 % d’entre eux en fonction des formes de FA et de la durée de suivi).
L’intérêt de l’ablation des foyers actifs qui participent au déclenchement de la FA avait été montré par Michel Haïssaguerre et son équipe. Il revient à Jimmy Cox d’avoir réalisé la première ablation chirurgicale d’une FA chez l’homme en 1987.
Au cours des dix dernières années, la technique d’ablation de la FA a évolué rapidement et parallèlement à l’accroissement de nos connaissances physiopathologiques dans ce domaine. Initialement, l’ablation de la FA consistait à éradiquer un à un les foyers arythmogènes qui étaient confinés la plupart du temps au niveau des premiers centimètres à l’intérieur de l’une des veines pulmonaires. Actuellement, la technique d’ablation consiste à réaliser une « déconnexion électrique » de l’ensemble des veines pulmonaires en réalisant une ablation circulaire au niveau de la jonction entre l’oreillette gauche et chacune des veines pulmonaires. Le courant de radiofréquence (environ 550 KHz) est la source d’énergie habituellement utilisée pour cautériser, par destruction thermique, le tissu atrial au pourtour de l’origine des différentes veines pulmonaires. Pour parvenir à leurs fins, les électrophysiologistes interventionnels utilisent différentes méthodes assez sophistiquées qui permettent un repérage spatial des ostia veineux pulmonaires associé à l’enregistrement de l’activité électrique des manchons musculaires qui entourent les veines pulmonaires au niveau de leur abouchement dans l’oreillette gauche. Le recours à des techniques de reconstruction tridimensionnelle de l’oreillette gauche assistée par ordinateur s’est considérablement développé dans ce domaine.
Les résultats de l’ablation de la FA ont fait l’objet d’une enquête mondiale très récente (1). Elle a montré que le taux de succès de ces procédures se situe aux alentours de 75 % chez des patients qui, cela est important, n’étaient auparavant absolument pas contrôlés sous traitement antiarythmique. Dans ce registre, la fréquence des complications graves est de 5,9 %, dont 0,28 % d’accidents vasculaires cérébraux, 1,22 % de tamponnades, 0,32 % de sténoses aiguës de la veine pulmonaire et 1,31 % de sténoses chroniques.
Des études comparatives.
Les recommandations en vigueur rappellent que le contrôle de la fréquence cardiaque (autrement dit le contrôle de la cadence ventriculaire) est impératif chez un patient en FA et ce contrôle constitue la première étape du traitement. Les recommandations insistent également sur la nécessité de s’interroger quant à l’indication d’un traitement anticoagulant qui dépend d’un certain nombre de critères que nous ne détaillerons pas ici. La troisième question que l’on doit se poser face à un patient qui présente une FA est celle de la nécessité ou non du contrôle de son rythme cardiaque, autrement dit sur l’opportunité de rétablir un rythme sinusal et prévenir les récidives de FA.
A l’appui d’un bénéfice du contrôle du rythme cardiaque, les derniers résultats de l’étude AFFIRM (Atrial Fibrillation Following Investigation of Rhythm Management) ont indiqué un gain en termes de réduction de la mortalité totale chez les patients pour lesquels on parvenait à maintenir un rythme sinusal. Cette étude a toutefois permis de mettre en évidence un effet délétère du traitement antiarythmique dont la prescription était associée à une surmortalité. D’autres études (PIAF, RACE, STAF), qui se sont principalement intéressées à des patients de plus de 60 ans, ont montré que le maintien du rythme sinusal était associé à une meilleure qualité de vie.
Les recommandations concernant la FA paroxystique ou persistante préconisent l’ablation en cas d’échec d’au moins un traitement antiarythmique considéré comme majeur. Deux études randomisées récentes ont comparé l’ablation endocavitaire de la FA au traitement médicamenteux antiarythmique. Dans les deux cas, les critères de jugement (récidive de FA et pourcentage de nouvelles hospitalisations) ressortaient de façon très positive en faveur du traitement ablatif.
La première de ces études (2), menée en Europe, a inclus des patients qui présentaient une FA de diagnostic récent. Il s’agit donc d’une étude très « avant-gardiste » puisque la moitié des patients inclus ont été tirés au sort dans le bras « ablation » et ont donc été traités pour leur FA par une ablation endocavitaire de première intention.
La seconde étude est davantage (3) en accord avec le schéma thérapeutique décisionnel habituel car elle ne concernait que des patients qui présentaient une FA pour laquelle au moins deux antiarythmiques s’étaient révélés inefficaces ou mal tolérés. L’ablation endocavitaire était donc ici proposée en traitement de seconde intention.
Ainsi, si les antiarythmiques de classe Ic ou III demeurent, selon les recommandations en vigueur, le traitement de première intention de la FA, il faut savoir penser à l’ablation en cas d’échec de ce traitement. Bien entendu, comme pour tout traitement invasif, le consentement éclairé du patient est requis avant de réaliser ce geste (voir page 22). C’est dans le respect de cette règle que les patients sont reçus en consultation cardiologique préalable afin de leur expliquer, notamment, les aspects techniques, les avantages, les résultats et les complications potentielles de l’ablation endocavitaire de la fibrillation auriculaire.
D’après un entretien avec le Pr Christian de Chillou, département de cardiologie, CHU de Nancy.
(1) Cappato R, et al. « Circulation » 2005 ; 111 : 1100-1105.
(2) Wazni OM, et al. « JAMA » 2005 ; 293 : 2634-2640.
(3) Stabile G, et al. « Eur Heart J » 2006 ; 27 : 216-221.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature