Au stade d’inoculation, l’érythème migrant

Piqûre de tique et prévention de la borréliose

Publié le 15/10/2006
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Old Lyme, Connecticut

La maladie de Lyme doit son nom à la commune de Old Lyme, dans le Connecticut, aux Etats-Unis, où elle a été individualisée pour la première fois, dans les années 1970, devant une épidémie d’arthrites chroniques juvéniles.

Il s’agit d’une anthropozoonose multisystémique transmise par piqûre de tiques, dont le germe responsable, identifié en 1982, est un spirochète du groupe des Borrelia, Borrelia burgdorferi sensu lato, du nom de son découvreur, W. Burgdorfer.

Cette maladie continue de sévir dans les zones de climat tempéré de l’hémisphère Nord : Amérique du Nord (Etats-Unis, quelques foyers au Canada), mais aussi Asie du Nord et Europe. D’un continent à l’autre, ses caractéristiques varient sensiblement, tant sur le plan clinique que sur le plan microbiologique. Ainsi, trois espèces se partagent la responsabilité des cas européens, B.afzelii, B.garinii et B.burgdorferi sensu stricto, seule cette dernière étant incriminée en Amérique du Nord. Ces disparités incitent à une lecture prudente de la littérature américaine concernant cette affection et justifient l’individualisation du concept de « borréliose européenne ».

En France métropolitaine, seule la Corse et une étroite bande du pourtour du Bassin méditerranéen semblent épargnées par la maladie, avec, acontrario, un état quasi endémique dans les zones forestières humides du Centre et en Alsace (200 cas pour 100 000 habitants).

Trois phases

L’histoire naturelle de la maladie n’est pas sans rappeler celle d’une autre spirochétose, la syphilis, avec trois phases successives, inconstantes, se chevauchant plus ou moins :

– la phase localisée précoce, d’inoculation, est cutanée, caractérisée par l’érythème migrant ;

– la phase disséminée précoce traduit une dissémination lymphatique et hématogène ; elle associe des signes cutanés (érythèmes migrants multiples, lymphocytome cutané) et des manifestations systémiques. En Europe, c’est surtout le tableau neurologique qui domine, dit de neuroborréliose précoce (paralysie faciale, paralysie oculomotrice, méningite aseptique, radiculite, encéphalomyélite). Aux Etats-Unis, au contraire, ce sont les symptômes articulaires qui occupent le devant de la scène (arthralgies, arthrites). Enfin, une atteinte ophtalmique ou encore cardiaque (trouble de la conduction auriculo-ventriculaire en particulier) est possible quoique plus rare ;

– le stade disséminé tardif survient plusieurs mois ou années après la piqûre initiale. Il donne des tableaux neurologiques d’encéphalomyélite, proches de ceux de la sclérose en plaque et des arthrites chroniques. En ce qui concerne la peau, il est caractérisé par l’acrodermatite chronique atrophiante, observée essentiellement en Europe, réalisant au début une infiltration oedémateuse inflammatoire des extrémités évoluant secondairement vers l’atrophie dermo-épidermique.

Erythème migrant

Ce rapide survol du profil évolutif de l’infection a au moins le mérite de souligner l’importance de son diagnostic précoce, au stade d’inoculation. On dispose en effet, à ce stade, d’un excellent signe clinique : l’érythème migrant. Signe quasi pathognomonique, manquant rarement, directement accessible à la simple inspection et contrastant avec le grand pléiomorphisme clinique de l’infection aux stades ultérieurs, permettant un diagnostic et donc un traitement précoce. Voici donc une petite fiche signalétique de ce signe clé : l’érythème migrant (naguère appelé érythème chronique migrateur, malgré son profil plutôt « aigu »).

L’érythème migrant réalise une macule érythémateuse, à surface lisse, parfois légèrement surélevée, de forme ronde ou ovale. Très caractéristique en est l’évolution vers une lésion annulaire, par éclaircissement central de la macule.

L’érythème migrant survient au site de la piqûre de tique, en moyenne neuf jours plus tard, bien que la notion d’une piqûre préalable manque bien souvent (environ une fois sur deux). Chez l’adulte, le siège de prédilection coïncide avec les zones de friction vestimentaire des membres inférieurs. Chez l’enfant, l’extrémité céphalique est volontiers atteinte.

Parfois, la lésion s’accompagne de quelques symptômes fonctionnels, tels que prurit ou douleur et d’adénopathies satellites. La survenue de symptômes généraux (fièvre, asthénie, céphalées, frissons, inconfort musculo-squelettique) est d’interprétation délicate. Plus fréquents aux Etats-Unis, ces symptômes pourraient annoncer une dissémination débutante, ou révéler une coïnfection via la piqûre de tique (babésiose, ehrlichiose) ou n’être que le reflet d’une inoculation microbienne plus importante.

En Europe, le diagnostic de l’érythème migrant est purement clinique. La constatation d’une macule érythémateuse extensive centrifuge, à centre clair, de plus de 5 cm de diamètre, et la notion anamnestique de piqûre de tique au cours des quarante-cinq jours précédents (et au moins quarante-huit heures après, pour exclure toute réaction à la piqûre elle-même) suffisent à poser le diagnostic et à engager un traitement.

Dans les cas typiques, la réalisation d’une sérologie est inutile, puisque, à ce stade, en Europe, elle est négative dans plus de 50 % des cas. En revanche, la sérologie (techniques immunoenzymatiques ou immunofluorescence, confirmée par Western-Blot) permet de redresser le diagnostic dans les cas difficiles, par exemple quand manque la notion de piqûre de tiques ou quand la lésion cutanée n’est pas habituelle, mimant une dermatophytie ou un érysipèle débutant.

Antibiothérapie orale

Le traitement curatif de la borréliose au stade de l’érythème migrant repose sur une antibiothérapie orale d’une durée de dix à vingt et un jours, les traitements longs étant les mieux documentés. On utilisera en première intention la doxycycline (200 mg/ jour) ou l’amoxicilline (1 500 mg/ jour et de 25 à 50 mg/kg/jour chez l’enfant). Rappelons que la doxycycline, du fait de son retentissement dentaire, est contre-indiquée chez la femme enceinte et l’enfant de moins de 8 ans. D’autres schémas thérapeutiques sont aussi possibles, incluant le cefuroxime, la phenoxymethyl pénicilline ou les nouveaux macrolides.

Un suivi clinique à quatre semaines est préférable, mais le traitement antibiotique permet en règle la régression de l’érythème migrant en deux à quatorze jours avec un excellent pronostic à long terme.

Prévention

Le traitement préventif passe par quelques mesures simples de précaution lors des activités forestières : port de vêtements couvrants, repellents et, surtout, inspection minutieuse, au retour, de tout le tégument. En effet, l’extraction précoce de la tique, à la pince, au « plus près de la peau », dans les quarante-huit heures, diminue considérablement le risque de transmission microbienne.

Visages multiples

La maladie de Lyme, dans sa variante européenne, est une maladie complexe aux visages multiples, surtout dans ses manifestations viscérales tardives. Nous venons de l’entrevoir ici sous l’angle de sa phase précoce, phase à laquelle le diagnostic, essentiellement clinique, doit être fait. Après une brève mise sur le marché aux États-Unis, aucun vaccin n’est actuellement disponible. Peut-être les années à venir en verront-elles la commercialisation, y compris en Europe, contrant ainsi la progression de cette maladie émergente.

> Dr MAGALI FALISSARD Dermatologue

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8030